SIGEIF Mobilités : les leviers de la SEM pour développer le GNV dans les territoires

SIGEIF Mobilités : les leviers de la SEM pour développer le GNV dans les territoires
Qui de la poule ou de l’œuf, ou plutôt qui des véhicules alimentés au GNV ou des infrastructures d’avitaillement doivent être développés en premier ? Les 2 de concert, semble la réponse la mieux appropriée. Avec un investissement de l’ordre du million d’euros pour construire une station de distribution du gaz, les porteurs d’un tel projet se doivent d’avoir une bonne assise financière. En Ile-de-France, le Sigeif, qui s’occupe en particulier de développer la distribution et l’usage du gaz en IDF depuis plus de 100 ans, a embarqué quelques partenaires dans la fondation d’une société d’économie mixte. Un choix qui fait en quelque sorte de la SEM Sigeif Mobilités un démonstrateur pour les autres régions.

Société d’économie mixte

Une société d’économie mixte est une société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs collectivités ou leurs groupement. Plus précisément, cette part doit être comprise entre 51 et 85%. Les 2 actionnaires majoritaires de Sigeif Mobilités sont le Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Ile-de-France (Sigeif) et la Caisse des dépôts, qui détiennent à eux deux 94% des 5 millions d’euros qui constituent son capital.

En son sein, une SEM doit accueillir au moins un acteur privé. C’est ainsi le cas de GRTgaz. Délégué territorial Val de Seine de l’entreprise, Frédéric Moulin précise : « GRTgaz a répondu rapidement à la demande du Sigeif ». On trouve également au berceau de la nouvelle société : le Syctom (agence métropolitaine des déchets ménagers), le Siaap (service public de l’assainissement francilien), et le Siredom (agence sud-francilienne de valorisation des déchets).

Intérêt général

En quoi une société d’économie mixte est-elle une formule intéressante pour les collectivités et entreprises publiques ? Parce qu’elle leur permet la prise en compte dans les statuts de la dimension « intérêt général » qui a présidé à la création de l’entité, tout en gagnant beaucoup de la souplesse de la société de droit privé.

Concernant Sigeif Mobilités, il s’agit de développer, dans les 3 à 5 prochaines années, un réseau ouvert à tous de 10 stations d’avitaillement de véhicules roulant au gaz carburant en Ile-de-France. Une première station a été inaugurée à Bonneuil-sur-Marne (94), le 24 novembre 2016, comme un pilote supporté par le seul Sigeif.

Nécessité de passer à une autre dimension

« Cette première station de Bonneuil-sur-Marne a été construite avant que la SEM existe », confirme Jean-Michel Philip, désormais directeur général de Sigeif Mobilités. Un site pilote pour initier un mouvement, celui de développer un réseau d’avitaillement, pour véhicules, en GNV et BioGNV. « Il faut bien que quelqu’un fasse le premier pas sans trop attendre », illustre-t-il, précisant que : « tout seul, le Sigeif n’aurait pas pu porter un réseau de 10 stations ».

Le projet est donc entré dans sa deuxième étape, celle de la réalisation effective du maillage. « Nous avons beaucoup appris de la première installation, tant au niveau technique qu’à celui du montage financier, et nous avons rencontré le monde du GNV et certains de ses opérateurs, comme endesa qui a obtenu, en délégation de service, le droit d’exploiter le site pendant 3 ans, à partir du 1er novembre 2016 », rapporte Jean-Michel Philip.

Sa vision rencontre celle de Frédéric Moulin : « Pour GRTgaz, participer à la SEM Sigeif Mobilités constitue une première initiative en France ». Il met l’accent sur « un travail opérationnel et technique de dimensionnement du programme ». Le délégué territorial Val de Seine poursuit, en définissant les 2 rôles que compte jouer son entreprise : « gouvernance et administration de la SEM, et apport d’un certain nombre de nos compétences techniques dans le montage des projets », citant, sur ce dernier point, l’expertise de GRTgaz dans les questions liées à la compression du gaz.

Etincelle

A côté d’Endesa, « Total, Picoty Avia, et d’autres opérateurs privés s’intéressent à la filière », rappelle Jean-Michel Philip.

« Avec la SEM, nous pouvons installer des stations d’avitaillement où d’autres ne pourraient pas le faire parce que nous avons la possibilité d’attendre la rentabilité de sites sur une durée plus longue », précise-t-il.

Frédéric Moulin enchaîne : « On attend d’un outil comme la SEM, initiée avec un grand acteur public local, une véritable impulsion pour le déploiement sur le territoire d’IDF d’un réseau de distribution en GNV ». Illustrant son propos, il évoque : « On voit que les acteurs du transport et de la logistique s’engagent dans la voie du GNV. Manquait juste une étincelle, en complément avec les initiatives privées, pour que la mobilité exploitant cette énergie de développe : c’est cette étincelle que la SEM Sigeif Mobilités va apporter ».

Recherche des sites

Dans le communiqué de presse émis le 8 décembre 2016 pour annoncer la création de Sigeif Mobilités, est évoquée une des difficultés majeures à laquelle la SEM va devoir faire face : « La recherche de foncier, une mission complexe en Ile-de-France, a d’ores et déjà été lancée par le Sigeif ». Jean-Michel Philip complète : « Il faut déjà trouver des sites qui correspondent à un besoin des transporteurs, comme un chemin de passage des poids lourds, ou une zone logistique ». Il déplore : « Plus on se rapproche de Paris, plus c’est compliqué de trouver du foncier adapté car dès qu’il y a un terrain de libre, les collectivités souhaitent construire des logements ».

Un scénario relativement récent tend à gommer cette difficulté, qui permet d’envisager des stations plus petites à mesure que l’on avance sur la Capitale. « De plus en plus, les pôles logistiques s’éloignent de Paris, quittant la première couronne pour la deuxième », révèle le DG de la SEM, citant ainsi Amazon dans l’Oise. Deux cabinets vont réaliser une étude pour bien identifier ces zones, notamment en prenant en compte les surfaces des entrepôts et les mouvements de véhicules. Pour autant, pas question d’abandonner la capitale : « Avec la fin du diesel à Paris, il faudra des stations d’avitaillement, plus petites, mais adaptées aux artisans qui vont se tourner vers de petits utilitaires au GNV », plaide notre interviewé.

12 millions d’euros

Douze millions d’euros, c’est l’enveloppe allouée à la réalisation du maillage porté par Sigeif Mobilités et constitué de 10 stations. « Un site d’avitaillement en GNV coûte entre 1 et 1,5 million d’euros », chiffre Jean-Michel Philip. « Avec son capital de 5 millions d’euros dédié à sa mission, et un recours aux emprunts, la société d’économie mixte est une structure plus solide que d’autres, privées ou publiques », poursuit-il.

« Nous avons la capacité d’attendre une monté en puissance sur 3 ou 4 ans, jusqu’au 50 poids lourds par jour qui constituent le seuil pour un bon fonctionnement de la structure ». Il définit ainsi le rôle de Sigeif Mobilités : « Notre ambition, c’est d’investir. Mais notre métier n’est pas d’exploiter des stations d’avitaillement au GNV ». Voilà pourquoi un appel d’offres va permettre de trouver un acteur pour jouer ce rôle sur une période de 10 ans. « Les opérateurs devraient être particulièrement intéressés par cette opération : ils pourront ainsi faire leur travail d’exploitant sans avoir eu à investir dans la construction des stations », promet le DG de la SEM.

CA le 19/04

« Un conseil d’administration est programmé le 19 avril prochain qui se prononcera sur les premières stations lancées dans le cadre du premier appel d’offres », annonce Jean-Michel Philip. « A sa suite, un site sera ainsi ouvert a minima, et peut-être plusieurs », évalue-t-il. « D’ici là, on travaille avec des propriétaires de terrains », rapporte-t-il.

Pour la suite, il confirme : « Le scénario de développement du réseau s’appuie sur un calendrier étendu sur une période de 3 à 5 ans, mais le rythme et le nombres de stations dépendra de nos appels d’offres et de l’intérêt des transporteurs ». Il admet : « Face à des besoins plus rapides de déploiement d’un réseau, nous serons peut-être incités à programmer d’autres ouvertures de sites », soulignant la nécessité de prendre en compte « les réalisations des autres opérateurs ».

Un point que complète Frédéric Moulin, pour GRTgaz : « On recense déjà pas mal de terrains où des porteurs privés souhaitent s’engager ». Evoquant lui aussi une nécessaire « complémentarité », il accorde une importance fondamentale à « avoir une vision globale sur les initiatives et les projets qui vont mener à construire un maillage équilibré et cohérent ».

Démonstrateur

Le DG de Sigeif Mobilités reconnaît un rôle de démonstrateur à la SEM : « Nous recevons des délégations de syndicats de l’énergie venues de Province. Dernièrement, celui du Finistère, qui s’interroge également sur la création d’une société d’économie mixte pour déployer un réseau similaire sur son territoire », précise-t-il. Frédéric Moulin, reste en Bretagne, mais dans le Morbihan, où la Caisse des dépôts, le Crédit agricole du département, la Caisse d’épargne et prévoyance Bretagne-Pays-de-Loire et le Crédit mutuel Arkea se sont associés le 10 février dernier pour créer 56 énergies.

Cette SEM est dédiée au développement de projets énergétiques, dont la distribution du GNV et du BioGNV. De la société d’économie mixte Sigeif Mobilités, « nous comptons retirer toutes les expériences possibles, en pensant que c’est un modèle qui peut être porté dans d’autres régions », se réjouit le délégué territorial Val de Seine de l’entreprise privée.

Des traits communs

Frédéric Moulin dresse 2 traits communs entre les SEM créées pour monter un réseau de distribution de GNV : « l’intéressante présence, à la manœuvre, d’un syndicat de l’énergie qui va jouer le rôle de facilitateur ; et celle de la Caisse des dépôts qui s’intéresse à cette formule ». S’il reconnaît que la dimension régionale est la bonne pour un tel projet, signalant l’absence d’un acteur fédérateur au niveau national, il estime qu’il est important de conserver « un regard sur les flux logistiques et la continuité de la mobilité au GNV au-delà des territoires ».

Il s’appuie sur son propre secteur qui réunit la Normandie à l’Ile-de-France pour appeler à des « cohérences interrégionales », notamment dans des zones « qui se relient naturellement ». Il cite en exemple « les camions qui partent du Havre et devront rentrer dans Paris ». Il déplore un manque de mouvements naturels avec une impulsion vers le GNV dans les régions qui sont plus particulièrement touchées par les problèmes de qualité de l’air, rappelant, en soutien, les études économiques qui mettent au jour que : « Avoir un camion qui roule au gaz présente un réel intérêt ».
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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