Energie ENERGIE

Quel bilan environnemental pour la méthanisation agricole ?

L'analyse du cycle de vie montre que la méthanisation obtenue de ressources agricoles présente un impact positif contre le changement climatique, l'épuisement des ressources énergétiques, et la destruction de la couche d'ozone.

L’analyse du cycle de vie montre que la méthanisation obtenue de ressources agricoles présente un impact positif contre le changement climatique, l’épuisement des ressources énergétiques, et la destruction de la couche d’ozone.
 
Dépendant de l’Institut national de recherche agronomique, Inrae Transfert se présente comme une société d’ingénierie de projets et de transferts technologiques en faveur de l’innovation en alimentation, en agriculture et en environnement. Elle développe depuis quelques années une collaboration avec GRDF. C’est dans ce cadre qu’elle a réalisé l’« Analyse du cycle de vie du biométhane issu de ressources agricoles ». Il s’agissait, entre autres, de confirmer que la méthanisation doit bien être perçue comme un levier majeur dans la trajectoire qui vise à atteindre un mix de gaz 100 % renouvelable dans les réseaux en 2050. Les résidus des végétaux agricoles, les effluents d’élevage, et les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) « pourraient assurer 50 à 75 % de la production de gaz renouvelable », soulignent les rédacteurs.
 

Fonctions et indicateurs

Dans l’étude, la méthanisation est appréhendée en tenant compte de ses 3 fonctions complémentaires qui sont la production d’énergie (fonction principale), la gestion des effluents et la fertilisation des sols (fonctions secondaires). Pour comparer la situation sans méthanisation, avec les scénarios permettant d’exploiter d’un côté les déchets des polycultures, et de l’autre ceux en provenance des élevages, les chercheurs ont exploité les 16 indicateurs recommandés par la Commission européenne :
Changement climatique ;
Destructions de la couche d’ozone ;
Formation d’ozone photochimique ;
Particules fines ;
Toxicité humaine avec effet cancérigène ;
Toxicité humaine sans effet cancérigène ;
Radiation ionisante ;
Acidification ;
Eutrophisation terrestre ;
Eutrophisation des eaux douces ;
Eutrophisation marine ;
Ecotoxicité de l’eau douce ;
Occupation des terres ;
Epuisement des ressources en eau ;
Epuisement des ressources métalliques et minérales ;
Epuisement des ressources énergétiques

Les indicateurs au vert

Le travail de Inrae Transfert a permis de mettre au jour que nombre de ces indicateurs présentent de meilleures performances grâce à la méthanisation. Ils sont ainsi 7 avec les scénarios agricoles privilégiant les cultures, et 9 pour ceux s’attachant à l’élevage. Il a ainsi été chiffré « une amélioration de 60 à 85 % pour le changement climatique, l’épuisement des ressources énergétiques, et la destruction de la couche d’ozone ». En outre 5 autres indicateurs ne présentent pas d’écarts significatifs entre les situations avec ou sans méthanisation.

Globalement, ceux qui affichent des performances en retrait le doivent aux « besoins en énergie électrique nécessaire au procédé de méthanisation ». Ainsi pour les radiations ionisantes, l’épuisement des ressources métalliques et minérales pour les deux scénarios, et l’eutrophisation des eaux douces spécifiquement dans le cas des cultures. Les rédacteurs ont tenu à souligner que la qualité des eaux n’est pas dégradée localement par les processus de méthanisation.




 

Cive : à ne pas négliger

Présentent dans les intrants de nombre d’unités de méthanisation, les cultures intermédiaires à vocation énergétique jouent des rôles qui dépassent largement celui de la seule production d’énergie. Elles sont employées entre 2 productions agricoles qu’il n’est pas légalement possible de mobiliser en France pour la méthanisation au-delà de 15 % du tonnage de matière brute en entrée des digesteurs. C’est pourquoi Inrae Transfert n’a pas hésité à s’attarder sur les cive.

Dans ses projections, l’Ademe a envisagé pour 2030 un gisement net disponible de 22 TWh pour un scénario volontariste, qu’il serait possible d’exploiter en partie, à 15 ou 30 %, par exemple. Ces cultures mélangeant triticale, avoine et seigle présentent des intérêts divers. Ainsi en piégeant les nitrates, en évitant l’érosion des sols, en redistribuant les sels minéraux lors de l’épandage du digestat, en limitant la progression des mauvaises herbes et des animaux ravageurs, en formant des puits de matières organiques et de carbone, etc. L’utilité globale des cive est à rapprocher des cipan (culture intermédiaire piège à nitrates) qui sont régulièrement employées entre 2 productions végétales commercialisables lorsqu’il n’y a pas d’activité de méthanisation sur place.
 

Le souci du détail

Une bonne cinquantaine de pages du document qui en compte presque 200 est consacrée à définir les hypothèses et les contours des différents scénarios retenus. Et ce, avec une certaine marge qualifiée de « sensibilité ». Ce souci du détail montre que les rédacteurs ont véritablement effectué un travail de fourmi et sans concession, n’hésitant pas à inclure des éléments qui ne plaident pas d’emblée en faveur de la méthanisation. Ainsi, par exemple, en prenant en compte les émissions fugitives dans la production du biogaz, et en montrant leur impact suivant qu’elles comptent pour 0,15, 0,5, 1,5 ou 3 % dans les volumes de gaz obtenus. Idem pour les variations constatées au niveau des matières sèches après un stockage plus ou moins long. Les chercheurs expliquent également longuement les choix qu’ils ont effectués, notamment en matière d’outils privilégiés pour aboutir à leurs modélisations.
 
L’analyse du cycle de vie menée dans la présente étude rendue par Inrae Transfert prend en compte tous les flux entrants et sortants des systèmes étudiés, de telle sorte à pouvoir « identifier les étapes du système les plus contributrices et les possibilités de réduction d’impacts ». En identifiant les 16 indicateurs, la démarche permet déjà de comparer finement 2 systèmes qui remplissent la ou les mêmes fonctions. Mais aussi de quantifier les bénéfices et/ou les impacts environnementaux qui résultent des changements de pratiques agricoles. Par ailleurs, cette façon de procéder aide à identifier de possibles transferts de pollution entre étapes de production, et entre catégories d’impacts. Les résultats communiqués pour les scénarios « culture » et « élevage » sont exprimés, pour tous les indicateurs, en pourcentage par rapport aux situations sans méthanisation.

Ainsi, ces dernières présentent un niveau à 100 pour les 16 points étudiés. C’est le cas, en particulier pour le changement climatique, qui descend en moyenne à 26,6% (gain de 73,4 %) pour le scénario culture (SC), et à 28,9 % avec le scénario élevage (SE). Concernent la destruction de la couche d’ozone, on obtient 17,1 % en SC et 19,6 % en SE. Pour les particules fines : 81,9 % en SC mais 52,6 % en SE. Au sujet de l’épuisement des ressources énergétiques : 33,3 % en SC et 35,3 % en SE. Les rédacteurs ne se sont pas contentés d’aligner les chiffres. Ils ont également longuement commenté les résultats. Ainsi, au sujet des particules fines, ils expliquent que le moindre bénéfice est plombé par les émissions d’ammoniac qui sont proches dans les scénarios avec méthanisation « culture » et sans méthanisation. Une justification qui joue également pour 2 autres indicateurs : Acidification, et eutrophisation terrestre. Toutefois, l’optimisation de l’épandage du digestat apporterait une très nette amélioration pour les particules fines, l’acidification, l’eutrophisation et l’épuisement des ressources en eau.

 

Quelques observations sur le scénario « culture »

Toujours au sujet des scénarios avec méthanisation « culture », Inrae Transfert souligne qu’ils obtiennent « de moins bonnes performances sur l’indicateur de radiations ionisantes, l’épuisement des ressources métalliques et minérales, l’eutrophisation des eaux douces et l’épuisement des ressources en eaux ».

Les rédacteurs envisagent toutefois pour 3 d’entre eux des progrès « en optimisant les cycles des éléments fertilisants au sein des agroécosystèmes », mais sans pour autant inverses les résultats. Juste, au mieux, atteindre l’équivalence, comme ça pourrait être le cas notamment avec l’eutrophisation des eaux douces. En outre, l’introduction de légumineuses, à la place des cive, aurait un impact très bénéfique pour modérer l’épuisement des ressources en eau, avec, comme contrepartie de moindres performances sur le changement climatique. Par ailleurs, le mix énergétique norvégien, très sourcé en EnR, apparaît bien meilleur pour les scénarios avec méthanisation que celui de la France très marqué par le nucléaire.
 

Quelques observations sur le scénario « élevage »

Globalement, les résultats du scénario « élevage » sont assez proches de ceux alignés pour le scénario « culture ». Il existe cependant des indicateurs avec des écarts plus positivement marqués. Ce sont plus particulièrement ceux où les étapes de gestion du digestat sont très contributrices. Ainsi la formation d’ozone photochimique (60,4 % pour le scénario « élevage » contre 73,5 % pour le scénario « culture »), l’acidification (52,2 % contre 80,3 %), l’eutrophisation marine (69,3 % contre 94,9 %), l’eutrophisation terrestre (53,3 % contre 80,5 %), et les particules fines (52,6 % contre 81,9 %).

Inrae Transfert compare : « La faible teneur en énergie des lisiers et fumiers, présents en quantité importante dans le mix de substrats ‘élevage’, provoque une forte demande de ces substrats. La quantité de digestat produite est nettement plus importante que pour le scénario ‘culture’ ». Avec, pour conséquence, un affaiblissement apparent des bénéfices de la méthanisation par rapport à une situation qui en est dépourvue.
 
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