Heppner : « On rate quelque chose en ne misant pas sur le biométhane pour le long-terme »

Heppner : « On rate quelque chose en ne misant pas sur le biométhane pour le long-terme »
Après avoir défini une importante trajectoire de décarbonation en 2019, le groupe de transport et de logistique Heppner a rejoint le SBTi (Science-Based Target initiative) en 2022, prouvant une fois de plus son engagement envers la lutte contre le changement climatique. Avec 50 agences dans toutes les régions de France, et un champ d’action élargi à plus de 150 pays, Heppner a beaucoup investi dans le GNV et sa version renouvelable, et encourage ses partenaires et sous-traitants à en faire autant. Retour d’expérience de Noémie Feldbauer, Directrice de la Transition Énergétique du groupe.  
 
En 2021, Heppner annonçait un objectif de 50 % de GNV dans sa flotte d’ici à 2025. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
 
Noémie Feldbauer : Aujourd’hui, on est en ligne avec la trajectoire définie en 2019, car sur notre flotte de 270 véhicules en France, 40 % fonctionne au gaz, dont la moitié au bioGNV. Un gros renouvellement arrive en 2025, qui nous permettra d’atteindre les 49 % de véhicules gaz. L’objectif est de s’approcher des 100 % biogaz, même s’il est un peu plus cher que le GNV. Comme l’équilibre économique est bon, les agences, parfois sur demande de leurs clients, proposent d’elles-mêmes de passer au biométhane.

Quid de l’autre moitié de la flotte ?

N.F. : La prévision veut qu’en 2028, la flotte Heppner roule à 50 % au biogaz, 30 % au XTL (ce qui est déjà le cas), 10 % à l’électrique et 10 % au diesel. Cela nous permettra d’avoir l’ensemble du mix énergétique pour faire face aux risques d’approvisionnement et de volatilité des prix.
 
Comment se passe l’approvisionnement des véhicules Heppner en GNV et bioGNV ?

N.F. : Le réseau s’est densifié bien plus que ce que l’on pensait, ce qui nous permet de nous approvisionner sur des stations publiques un peu partout sur le territoire, en plus de notre station privée du Mans. Il y a eu un moment où la question s’est posée d’en créer d’autres, car certaines stations étaient en tension, avec beaucoup de temps d’attente, mais on n’a heureusement plus ce problème-là.



La hausse des prix du gaz a-t-elle impacté la stratégie de décarbonation d'Heppner ?

N.F. : Notre stratégie de décarbonation s’est appuyée dès le départ sur 50 % de gaz, ce qui nous laissait de la latitude pour explorer d’autres types de carburants pour l’autre moitié de la flotte. De plus, les contrats de location étant généralement sur 6 ou 8 ans, on ne peut pas rendre les camions dès que les prix du gaz augmentent, donc notre stratégie n’a pas changé.
 
En revanche, en 2022, on a souffert des prix du gaz : en moyenne, le GNV était 22 % plus cher que le gazole, alors qu’il était censé coûter 30 % de moins ! Mais grâce au fait que certains de nos fournisseurs ont réussi à maintenir des prix intéressants, nous avons réalloué certains de nos véhicules gaz à d’autres régions, sans baisser la part totale de camions GNV pendant cette période. En 2023, les tarifs sont redescendus en dessous de ceux du gazole, donc tout le monde est à nouveau très content de rouler au gaz.
 

Comment appréhendez-vous le Règlement européen des standards CO2 pour les poids lourds, qui exclut les carburants renouvelables de sa définition des véhicules zéro émission ?

N.F. : Déjà, cette réglementation se base sur les émissions à l’échappement et pas sur les cycles de vie, donc je garde un petit espoir qu’elle évolue pour inclure le bioGNV. Mais si ce n’est pas le cas, on ne trouvera plus que de l’électrique et de l’hydrogène dans l’offre de véhicules neufs dès 2040. On va donc espérer que les réseaux d’infrastructures électriques se développent, que les coûts des véhicules soient de plus en plus acceptables et que l’hydrogène devienne plus mature. Mais du côté des biocarburants, un enjeu important est d’allonger la durée de vie du matériel : on fera en sorte de garder des véhicules thermiques d’occasion pour continue de rouler au biogaz.
 
Est-ce que Heppner se penche déjà sur la technologie hydrogène, pour anticiper cette échéance ?

N.F. : J’ai commencé à regarder, mais on est encore très en amont. Je préfère me concentrer sur les énergies qui sont déjà matures aujourd’hui, pour lesquelles on a déjà un business case à prouver. Je reste bien sûr en veille sur l’hydrogène, mais je ne veux pas faire d’opération de communication avec un seul camion hydrogène, j’attends donc que le marché soit prêt. En attendant, on décarbone avec le biogaz !


 
Comment Heppner montre-t-il l’exemple à ses partenaires, sous-traitants et confrères en matière de mobilité verte ?
 
N.F. : Heppner est commissionnaire de transports avant tout, on s’appuie donc sur un réseau de sous-traitants pour la distribution urbaine et régionale, sur des affrétés, des partenaires internationaux, etc. Donc, nous devons les engager aussi pour faire baisser nos émissions, car 97 % du bilan carbone d’Heppner repose sur le scope 3 [soit toutes les émissions indirectes produites par l’entreprise et ses fournisseurs, ndlr] !
 
Dès 2019, on a mis en place un programme de sensibilisation des sous-traitants et de l’ensemble des partenaires qui leur explique la réglementation, leur présente les solutions d’énergies alternatives, les subventions existantes pour toutes tailles d’entreprise…
 
On a aussi instauré un pacte de transition énergétique vers le gaz : nos partenaires bénéficient de conditions tarifaires préférentielles auprès des constructeurs et fournisseurs d’énergie. En échange de leur engagement dans la transition énergétique, nous nous engageons à maintenir notre activité avec le sous-traitant pendant 5 ans, ce qui les rassure et leur permet de faciliter la prise de décision sur cet investissement important. Un courtier les aide également à obtenir les meilleurs financements possibles. Ce pacte est complété par la possibilité pour nos sous-traitants d’installer leurs cuves de B100 chez nous pour s’y approvisionner facilement et gagner en productivité. Enfin, nous développons un petit écosystème pour permettre aux cyclo-logisticiens d’acquérir du matériel.
 
En tout, 120 sous-traitants ont déjà bénéficié de ces conditions avantageuses.

 
Pour vous, la mobilité décarbonée passera donc absolument par le bioGNV ?
 
N.F. : Je pense que le biogaz est vraiment une énergie à défendre, car elle fait le lien avec le monde agricole. C’est vraiment dommage que cette énergie ne soit vue que comme une transition et pas comme une énergie cible pour la décarbonation.
 
On suivra la réglementation et on s’adaptera, mais je trouve qu’on rate quelque chose en ne misant pas sur le biométhane pour le long-terme. Il y a des investissements monstrueux qui ont été réalisés, et se dire qu’en 2040 on ne pourra plus s’en servir me paraît un immense gâchis.


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Adeline ADELSKI Adeline ADELSKI
Journaliste
Passionnée par les enjeux de mobilité durable, Adeline aime informer et inspirer les lecteurs sur les dernières tendances et innovations dans ce domaine.

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1 Commentaire

  1. AlberiPublié le 20/04/2024 à 11:35

    Interview intéressante. Au vu du contenu de l’article, Heppner semble inciter ses partenaires sous-traitant à se tourner vers le bioGNV en s’engageant avec eux pour une durée de 5 ans en cas de tel choix. Pratique vertueuse.
    Par contre, sur le niveau des décisions politiques, Heppner semble se résigner aux décisions prises sans chercher à faire entendre leurs choix effectués et les motivations associées auprès des décideurs et élus.

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