Enerjump : « Le bon combo, c'est biométhane-électrique »

Enerjump : « Le bon combo, c'est biométhane-électrique »
Fondateur de Gaz'Up, Arnaud Bilek revient sur la création d'Enerjump, les perspectives du marché du GNV et les contraintes imposées par le nouveau règlement CO2 des véhicules lourds.
 
 
Arnaud Bilek, fondateur d'Enerjump (ex Gaz'Up)

En début d’année, Gaz’Up annonçait son changement de nom pour devenir Enerjump. Après le lancement de Watt’Up sur l’électrique, cela illustre une stratégie plus orientée vers le multi-énergies ?
 
Arnaud Bilek : Effectivement. Sur cet objectif de décarbonation et de dépollution, le biométhane est très intéressant, mais on s'est rendu compte que l'électrique peut remplir certaines missions. Et pourquoi pas aussi demain l'hydrogène. C'est pour cela qu'on a rebaptisé la société d'exploitation Enerjump, même si les stations resteront siglées Gaz'Up pour ce qui est du gaz et de l'hydrogène et Watt'Up pour l'électrique.

 
Malgré ce changement de dénomination, vous restez sur le même modèle, à savoir que les stations sont financées par les transporteurs ?
 
AB : Il y a tout même un changement de structure. Les transporteurs vont, au final, être propriétaires d'une partie du groupe et non plus d'une partie de leur station. On va lancer une opération auprès des transporteurs pour qu'ils puissent entrer au capital d’Enerjump, mais ils vont être regroupés dans une holding commune. Et cette holding commune va être propriétaire d'une partie de l'entreprise, c'est-à-dire à la fois la société de projets et l'ensemble des stations.
 
Cela reste un changement important, mais qui, compte tenu de notre taille et de notre projet de développement, permet de mutualiser le risque et d'apporter de la visibilité aux transporteurs. Cela ne change pas finalement l'ADN du modèle dans le sens où les transporteurs pourront - et ce n'est pas une obligation - prendre une participation et donc être intégrés à la gouvernance du réseau.

 
Un truckfunding en cours

Afin de continuer à renforcer son offre Enerjump a lancé une opération de levée de fonds réservée aux professionnels du TRM et du TRV dans le cadre d'une nouvelle phase de développement baptisée HERACLES. Pour plus d'information, c'est par ici ! 

 

Les derniers mois ont été marqués par la crise du gaz, mais aussi par la perspective d’une réglementation européenne pas vraiment favorable au bioGNV. Certains opérateurs ont choisi de ralentir leurs projets. Est-ce aussi le cas chez Gaz’Up ?
 
AB : Chez Enerjump, il y a toujours des projets en développement sur le gaz. Nous sommes en ce moment dans un creux qui est avant tout conjoncturel et lié à plusieurs choses. Il y a d'abord cet effet de traine de la crise de gaz.  C'est également la position de la motorisation gaz qui n'a pas les faveurs de la Commission européenne même si on voit que les choses ne sont pas complètement fermées. Il y a encore des clauses de renégociation et on voit que l'électrique, malgré tout le volontarisme, sera limité à certaines activités et segments de véhicules. Au final, nous ne sommes pas à l’abri d’un revirement et la Commission européenne pourrait se rendre compte que ce n'est pas forcément un bon calcul de mettre tous ses œufs dans le même panier.
 
Le troisième volet est franco-français. On a une situation assez paradoxale en France avec des acteurs privés, des transporteurs, des développeurs de stations et des énergéticiens qui ont vraiment saisi le challenge du biométhane et investi massivement. À côté de cela, on a une administration qui est aux abonnés absents et qui met beaucoup trop de temps à traduire les directives européennes, mais aussi à fournir aux acteurs un cadre réglementaire et fiscal qui soit clair et stable.
 
Du côté d'Enerjump, les projets ne sont pas arrêtés pour autant. On a une station Gaz’Up qui ouvrira à Compans en juin. Il y aura d'autres stations à venir. Avec la baisse du prix du gaz, on reparle aujourd'hui de croissance et de renouvellement de flotte. On est en train de sécuriser certains projets et on sera probablement sur 4 ouvertures de stations sur l’année 2025. A priori, ce sera une GNLC pour trois bioGNC.

 
Justement, Gaz’Up a choisi en 2023 de basculer sur une offre 100 % bioGNC ?
 
AB : Effectivement. Depuis le 1ᵉʳ novembre 2023, tout ce qu'on achète en gaz réseau est d'origine renouvelable via les garanties d'origine avec un procédé de certification Bureau Veritas.
 
Cela représente donc 100% de notre gaz réseau, mais il y a aussi du GNL chez nous. Donc cela veut dire que si on prend le réseau dans sa globalité, notre taux d'incorporation est d’environ 40  car on a un peu plus de GNL que de GNC en approvisionnement. L'objectif, c'est de monter à 100 % d'ici à 2030. Cela va nécessiter de verdir le GNL, mais on est déjà 100 % bio sur le gaz réseau.

 
On sait les opérateurs de plus en plus intéressés par le bioGNL. Gaz'Up avait été précurseur en 2021, en annonçant un programme baptisé Bourgogne BioGNL. Où en est-on aujourd'hui ?
 
AB : Notre projet, Bourgogne BioGNL (BBG) est tombé à l'eau par faute, une nouvelle fois, de manque de réponses et de prises de position de l'administration.
 
Malgré cela, je pense que le bioGNL va finir par devenir une réalité avec une mise en œuvre qui aura lieu sur 2025 ou 2026. Nous avons abandonné notre projet BBG mais avons noué des partenariats avec d'autres acteurs comme Sublime Energy pour faire du bioGNL à la ferme ou depuis du gaz de ferme non connecté au réseau, puisqu'il y a un décret en préparation qui permettra de bénéficier du tarif de rachat pour le biométhane non connecté sous certaines conditions.
 
En attendant, on travaille avec nos clients sur une certification privée qui permet, y compris pour les transporteurs roulants au GNL, de pouvoir revendiquer des baisses de CO₂ liées à l'utilisation de biométhane sur le réseau. C'est un pis-aller qui va nous permettre d'aller jusqu'en 2025-2026. Après, on espère que la réglementation et nos accords permettront de prendre le relais avec du bioGNL physique.

 
L'autre sujet qui intéresse les transporteurs, c’est le prix du GNV à la pompe. Comment anticipez-vous l’évolution du marché et construisez-vous vos offres ?
 
AB : Chez Enerjump, on travaille vraiment sur des partenariats long terme avec les transporteurs. 80 % de nos contrats sont sur des volumes engagés. Comme on l'a vu avec la crise du gaz, se lancer dans la transition énergétique, ce n'est pas juste changer un camion et acheter un autre carburant. Si les transporteurs et leurs clients veulent réellement travailler de manière sécurisée sur le long terme, cela demande un peu de réflexion. Cela ne se fait pas en achetant du gaz au prix spot tous les quatre matins.
 
Aujourd'hui, le prix baisse de façon générale et on conseille à nos clients de figer leur prix ou une partie de leur prix pour 2024-2025 et 2026, car on sait que le contexte énergétique va encore être perturbé pendant quelques années. Pour le transporteur, il y a donc moins de risques de faire un bon coup ou de se planter en fonction du prix spot.

 
Prix indexé sur le PEG ou tarif fixe... le client a donc le choix. Il peut aussi faire un mix des deux ?
 
AB : Oui, chez nous, c'est à la carte. Chez un transporteur, il y a des clients où les prix sont indexés au gaz et d’autres où ce n’est pas le cas. Sur un portefeuille d'achat, un transporteur peut donc avoir différents contrats avec différents prix, de manière à pouvoir au mieux gérer son risque. L’intérêt, c'est que cette offre de trading n'est pas réservée uniquement aux gros consommateurs. On le fait aussi pour les plus petits clients !
 
Un point marché organisé le 23 mai
Pour mieux informer les transporteurs, Enerjump organise régulièrement des points marchés visant à décrypter l'actualité du marché du gaz, du gnl, du pétrole et de l'électricité. Le prochain webinaire aura lieu le jeudi 23 mai à 11h00. Il sera animé par Alex Werner, Directeur du pôle énergies et certifications chez Enerjump.
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Nous évoquions l’hydrogène en début d’interview. Il y a-t-il des projets concrets chez Enerjump ?
 
AB : L'hydrogène est quelque chose que l'on regarde comme un développement possible à long terme. Si cette technologie finit par être mature, on se dit qu’elle pourrait devenir une étape ultérieure de développement pour nos stations GNV.
 
Aujourd'hui, on travaille à la fois sur des pilotes d'hydrogène et des procédés qui permettraient éventuellement de transformer nos stations bioGNV raccordées réseaux en des stations hydrogène à moindre coût. Pour nous, c'est presque de la R&D. Mais le gros enjeu de l'hydrogène, c'est son verdissement, tout comme le gaz.

 
Comment anticipez-vous le marché du GNV dans les prochaines années ?
 
AB : Les perspectives que l'on a, notamment sur la fiscalité, devraient donner un vrai regain d'intérêt sur la composante bio. Même s'il a connu une période un peu compliquée, le GNV reste une énergie bien installée dans le paysage des transporteurs. Aujourd'hui, il n'y a pas un gros transporteur en France qui n'a pas de gaz, même si ce n'est pas la majorité de sa flotte. On a aussi un réseau de stations publiques qui est maintenant très dense et qui continue à se densifier tant en France que dans le reste de l’Europe.
 
En résumé, on s'attend à une progression, à un développement et à une poursuite du développement du GNV. On continue donc à développer les flottes, à développer les stations et à sécuriser le bio. Notre analyse, c'est que le bon combo, c'est biométhane élec. Parce que c'est le combo qui permet de décarboner de manière massive, durable et efficace.
 


Gaz'Up
La structure coopérative de Gaz’UP vise à rendre le marché du GNV plus compétitif pour favoriser l’utilisation du Bio GNV en France et pour développer la production en circuit court de Bio GNV.
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Michaël TORREGROSSA Michaël TORREGROSSA
Rédacteur en chef
Persuadé que la mobilité du future sera multi-énergies, Michaël est le rédacteur en chef et fondateur de Gaz Mobilité.

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1 Commentaire

  1. AlberiPublié le 04/05/2024 à 07:19

    Interview intéressante, mais....
    Gazup ne publient plus ses prix sur son site.
    Gazup met en avant l’origine biogaz certifiée par Bureau Veritas. Et effectivement, il y a sur le site un document qui indique : "Le GROUPE BUREAU VERITAS, Département Agro-Industrie France, atteste qu’il a procédé auprès de l’organisme susmentionné, à une évaluation de conformité avec le référentiel : « Gaz Vert Mobilité Gaz’Up» Version 04/2023 "
    Mais ce référentiel "Maison"au vu de son nom « Gaz Vert Mobilité Gaz’Up» n’est communiqué nul part sur le site.
    Alors satisfaire à un référentiel Maison non communiqué.... c’est un peu facile.....

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