Du diesel au gaz naturel : le TER bioGNV futur vivier d'emplois ?

Du diesel au gaz naturel : le TER bioGNV futur vivier d'emplois ?
Sia Partners vient de publier une étude sur l’impact, au niveau de la création d’emplois, de la conversion au bioGNV des trains express régionaux diesel. Le cabinet de conseil a envisagé 3 scénarios vers 2030. Dépendant du nombre de rames à transformer, le volume de nouveaux postes directs, indirects et induits s’élèverait à 9.360, 16.750 ou 19.110 ETP (équivalent temps plein).
 
Avec son enquête intitulée « Etude d’impact de la filière TER bioGNV française sur l’emploi », Sia Partners poursuit un objectif principal : « Déterminer l’activité totale générée par le mise en place et l’exploitation d’une filière bioGNV ferroviaire ». Au niveau de l’emploi, seront estimés le nombre de nouveaux postes créés ainsi que ceux qui seraient maintenus et qui ne concerneraint pas directement l’activité ferroviaire. Le volet environnemental est également traité, en évaluant le potentiel de réductions sur les émissions de gaz à effet de serre, d’oxydes d’azote et de particules.
 

Près de 1000 TER diesel en France

Il circule en France 930 rames TER diesel. Trois régions en exploitent plus de 100 : Auvergne-Rhône-Alpes (192), Nouvelle Aquitaine (137) et Grand Est (112). A l’inverse, 3 territoires affichent des flottes extrêmement basses : Bretagne (23),  Ile-de-France (24) et Centre-Val-de-Loire (33)

Ce presque millier d’autorails repose sur 6 modèles, dont 4 diesel : X76500 (163 unités) de Bombardier, et X72500 (110), X73500 (315) et X73900 (17) d’Alstom. Les 2 derniers sont bi-mode diesel/électrique Bombardier : B81500 (185) et B82500 (140). Ils utilisent leur bloc thermique sur les portions non électrifiés. Autrement, ces modèles avancent grâce à leur moteur électrique, alimenté en énergie via caténaire. Ils n’embarquent actuellement pas de batterie qui permettraient d’effectuer des dizaines de kilomètres en mode électrique.

 

Combien de rames à convertir ?

Le cabinet de conseil est parti du principe que pour des distances non électrifiées inférieures à 80 kilomètres, les lignes pourraient être desservies par des rames fonctionnant sur batterie. Ce qui réduit de 50% le nombre de TER bi-mode à convertir au bioGNV. En revanche, toutes les unités 100% thermiques seraient rétrofitées au gaz naturel. Dans ce scénario, ce sont 647 rames qui devraient être converties au bioGNV à échéance 2030, soit 70% du parc.

Les premières transformations interviendraient dès 2025, les 2 premières années avec un nombre faible de TER. Ce premier palier permettrait de mettre en place l’organisation nécessaire pour passer à des volumes industriels de conversions. Dans le deuxième cas (scénario intermédiaire), les terminus pourraient en plus recevoir des bornes de recharge. Dans ce cas, seulement 25% des rames diesel/électriques nécessiteraient une transformation pour être alimentées au gaz naturel. Le taux de transformation du parc au bioGNV serait ainsi plus modeste : 61%. En 2030, 563 TER accepteraient alors une alimentation au biogaz.
 
Sia Partners a également envisagé le B100 comme alternative au gazole. Un choix que pourraient effectuer les territoires producteurs de biogazole. Ainsi les régions Hauts-de-France, Grand Est, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Paca. Dans ce troisième et dernier scénario, seulement 33% du parc serait à convertir au bioGNV, soit 307 rames pour 2030. Dans tous les cas, le cabinet a exclus le modèle de TER X72500, trop récent, et pour lequel les régions attendraient certainement au-delà de 2030 avant de statuer sur son sort. Pour le scénario intermédiaire - c’est-à-dire 563 TER à convertir -, les 3 territoires les plus concernés par une éventuelle conversion au bioGNV sont Auvergne-Rhône-Alpes (125), Grand Est (97), et Nouvelle Aquitaine (65). En revanche, les chiffres sont compris en 6 et 16 pour l’Ile-de-France, la Bretagne, Paca et Centre-Val-de-Loire.

 

Des territoires autonomes en biogaz

Que ce soit aujourd’hui ou en 2030, les régions seraient en mesure de fournir le biogaz nécessaire à la circulation des trains convertis pour leur territoire respectif. En partant des distances parcourues annuellement par chaque rame (entre 34.000 et 107.000 km) et des exemplaires GNV en circulation en 2030, la consommation varierait selon région entre 1,8 GWh (Ile-de-France) et 126 GWh (Auvergne-Rhône-Alpes). A cette échéance, les territoires devraient afficher des capacités d’injection de biogaz comprises dans une fourchette de 1.266 GWh (Paca) à 4.407 GWh (Nouvelle Aquitaine).

Globalement, il faudrait 560 GWh de bioGNV par an pour alimenter toutes les rames en France, soit 1,5% de la production de biométhane de l’Hexagone dans 9 ans.

 

Transformation au GNV/bioGNV

La conversion s’effectuerait en remplaçant tout ou partie de la motorisation diesel par des éléments permettant de faire fonctionner les rames au GNV. Pour rappel, le bioGNV est le même gaz, mais obtenu de sources renouvelables. Ainsi la méthanisation de déchets divers (agricoles, issus de l’industrie alimentaire, etc.).

Parmi les systèmes spécifiques à ajouter, Sia Partners cite en particulier des réservoirs pour le stockage du gaz, et des systèmes spécifiques de contrôle des moteurs et de l’injection. Le cabinet a également envisagé l’installation d’une batterie. Son rôle serait de couper le moteur thermique lors des passages en gare. Et ce, pour 2 raisons : limiter le bruit et réduire les émissions polluantes.

Le coût unitaire de conversion est estimé à 750.000 euros (scénario intermédiaire). Dont 220.000 euros spécifiques à l’alimentation au gaz : recherche, développement, prototypage et homologation (100.000 euros) + stockage du bioGNV et hybridation de la motorisation (120.000 euros). En contrepartie, une économie moyenne annuelle de 65.000 euros est réalisée par an et par rame.


 

Impact environnemental de la conversion

Toujours en se référant au scénario intermédiaire, ce sont 175.278 tonnes de CO2 qui ne seraient pas relâchées dans l’atmosphère en 2030, dont 39.452 tonnes en Auvergne-Rhône-Alpes, 26.871 tonnes dans le Grand Est, et 21.870 tonnes en Nouvelle Aquitaine. Soit, globalement, l’équivalent des émissions de 69.000 voitures particulières.

S’ajoutent à ce bilan carbone réduit, une baisse des rejets d’azote de l’ordre de 66% et une autre de 95% pour les particules. En outre le bruit d’une rame diminuerait de 70,9 à 67,1 dB(A). Fermer des lignes de TER pourrait en revanche causer une explosion des émissions, les usagers se reportant alors principalement sur la voiture individuelle pour leurs trajets quotidiens. Environ 94.000 personnes utilisent régulièrement ces trains pour se rendre au travail.
 

Création d’emplois

En fonction des 3 scénarios imaginés par Sia Partners, le nombre de créations d’emplois s’élèverait à 9.360, 16.750 ou 19.110 équivalents temps plein en 2030. Dont 56 % générés par l’activité directe, 36 % de façon indirecte par celle des fournisseurs, et 8 % par celle induite par les rémunérations.

Sur les 16.750 nouveaux postes envisagés pour le scénario intermédiaire, environ 1.600, soit près de 10%, seraient spécifiques à la filière BioGNV. Ils concerneraient en particulier la construction des unités de méthanisation (770 ETP) et la transformation des TER au BioGNV (700 ETP), mais aussi la réalisation des stations d’avitaillement.

Le plus gros des emplois générés (87%) toucherait directement le ferroviaire : exploitation et maintenance des TER fonctionnant au bioGNV (8.500 emplois), modernisation et maintenance des infrastructures ferroviaires (7.600), gestion en gare (45). Pour la plupart, il s’agit de postes pérennes. En dehors du ferroviaire, les créations d’emplois (2.110 ETP, dont 570 pérennes) reposeraient sur des catégories professionnelles très diverses. Depuis les agriculteurs exploitants jusqu’aux cadres supérieurs, en passant par les commerçants, artisans, chefs d’entreprise, professions intermédiaires, ouvriers et autres employés.
 

1,472 milliard d’euros d’activité

Et l’impact économique ? La filière TER BioGNV génèrerait un revenu proche de 1,5 milliard d’euros, dont 1,2 pour l’exploitation et la maintenance des TER, soit 82% des revenus. Sur les 279 millions d’euros d’activité restants, 16 millions concerneraient l’étranger. Et ce, en raison d’une avance industrielle prise dans certains pays d’Europe.

« Par exemple, les moteurs BioGNV intégrables dans les TER seraient exclusivement produits par le constructeur MAN en Allemagne. Pour les stations d’avitaillement, ce sont les compresseurs qui présenteraient une forte part d’importations auprès des acteurs allemands (Bauer) ou italiens (Fornovo Gas ou Safe) », souligne le cabinet de conseil. Ce sont donc 263 millions d’euros qui profiteraient aux acteurs français : 106 millions d’euros de valeur ajoutée sur les activités du direct, 89 millions sur celles de l’indirect, et 21 millions sur l’induit.


 
 
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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1 Commentaire

  1. ChristophePublié le 09/04/2021 à 15:16

    "Dans tous les cas, le cabinet a exclus le modèle de TER X72500, trop récent, et pour lequel les régions attendraient certainement au-delà de 2030 avant de statuer sur son sort." Il faut remplacer récent par ancien.
    Les X72500 ont été mis en service entre 1997 et 2002. Bien que n’ayant pas atteint les 30 ans, il y a déjà eu pas mal de radiations. Le parc sorti d’usine de 117 rames est tombé à 71 en novembre 2020 (et non 110 comme l’indique le rapport).
    Il faut dire qu’il a de sérieux concurrents à commencer par les B81500 et B82500 qui le remplace avantageusement sur les liaisons en partie électrifiées (cas de Bordeaux Périgueux où les dernières rames peuvent faire une partie en électrique Bordeaux Coutras).
    A ce titre le X76500, petit frère des B81500 et B82500, a comme eux une traction électrique et donc peut de se fait être équipé, en rétrofit, d’un pantographe pour circuler sous caténaire (sous au moins 1 tension).
    Ce n’est pas le cas des X72500, X73500 et sa version transfrontalière X73900 qui ont une transmission hydraulique, qui de fait sont les plus à même d’être rétrofité en modifiant le type de moteur.
    Le rapport ne parle pas de la série Regiolis (B83500, B84500 et B85000 et B85900 en fonction de l’aménagement et de l’utilisation), qui a mon avis pourrait être rétrofité avant les autres. C’est un choix dès la conception en intégrant des moteurs de type routier dans les power pack plutôt qu’industriel, moteurs au passage conforme à une norme antipollution aussi sévère que les normes Euro (voir norme Stage).
    Par contre à l’heure actuelle il n’y a pas de remplaçant aux X73500 et X73900 qui ont été mis en service entre 1999 et 2004 et donc qui ne devrait plus circuler au-delà de 2034, automoteurs de moins de 80 places. Il me semble plus important de prévoir leur succession (de préférence bimode) quitte à l’anticiper plutôt que de vouloir les rétrofiter (et qu’ils restent monomode).

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