Une technologie hybride bioGNV pour les TER de demain ?

Une technologie hybride bioGNV pour les TER de demain ?
Le bioGNV séduit la SNCF pour la remotorisation d’une partie de ses TER. Une solution sur laquelle travaillent les équipes de GRDF accompagnées par le cabinet de conseil 2C-Consulting qui ont imaginées le rétrofit des modèles existants avec une technologie hybride bioGNV.
 
Déjà à l’étude en région Hauts-de-France dans le domaine du fret, le biogaz intéresse également les équipes de la SNCF et la Région Hauts-de-France pour le transport de passagers. L’enjeu est de taille : d’ici à 2035 l’opérateur souhaite remplacer l'intégalité du Diesel par des carburants alternatifs.
 

Une approche multi-énergies

Hydrogène, batteries, B100. Pour remplacer les TER thermiques, plusieurs solutions complémentaires sont sur la table. Chacune avec leurs avantages et leurs inconvénients.

Si les batteries et l’hydrogène restent les solutions les plus vertueuses dans une approche du « réservoir à la roue », la première présente l’inconvénient d’une autonomie limitée à environ 80 kilomètres tandis que la seconde affiche des coûts parfois démesurés.

« Sur les 1000  trains que la SNCF doit remplacer, on estime que 300 pourront fonctionner sur batteries et une quinzaine à l’hydrogène. Il reste encore 600 trains à passer à une énergie alternative. Sur la partie bioGNV, 300 trains pourraient répondre à la solution » chiffre Antoine Jabet, analyste marché du gaz à la direction de la stratégie de GRDF.

Hybridation bioGNV

Pour GRDF, l’idée est de parvenir à faire un premier démonstrateur en partant sur le rétrofit du parc existant qui, dans sa partie diesel, repose sur deux grandes technologies : du 100 % thermique et du bi-mode avec des trains capables de fonctionner au gazole ou par caténaire.

« Nous avons déjà lancé avec Bombarbier et la région Hauts-de-France des études sur l’intégration du bioGNV sur les trains qui fonctionnent au gazole et pour lesquels les batteries ne seraient pas suffisantes pour couvrir les besoins » détaille Antoine Jabet. « L’objectif était de savoir comment intégrer les réservoirs gaz sur le matériel dans une configuration batteries + bioGNV. Sur cette configuration l’objectif est d’être dans une optimisation énergétique du train en utilisant le meilleur des deux énergies : récupérer de l’énergie de feinage avec les batteries et utiliser au mieux le moteur BioGNV, lors des phases de lancée » poursuit-il. « Il y avait aussi la demande de la région de pouvoir arrêter les moteurs thermiques en gare pour limiter les nuisances sonores. Nous sommes aujourd’hui partis sur une capacité de l’ordre de 100 kWh mais cela reste à calibrer » complète Richard Lecoupeau de 2C-Consulting, bureau d’étude qui a accompagné les équipes de GRDF sur la faisabilité technique du projet.


« Sur le rétrofit d’un train existant, on reste très contraints. On ne peut pas dépasser le gabarit et la masse d’origine. Malgré la taille imposante d’un TER, la place disponible pour les équipements est comptée. Nous envisageons des réservoirs gaz à la place occupée initialement par les réservoirs de gazole et utilisé les espaces disponibles en toiture pour compléter le stockage gaz »  détaille le représentant de 2C-Consulting. « Pour optimiser la quantité de gaz embarqué, le choix s’est porté sur un stockage à 250 bars. On a discuté avec les autorités d’homologation et il n’y a rien de normé sur le ferroviaire. On pourrait donc s’appuyer sur des équipements gaz conventionnels dans le routier qui peuvent aller à 250 bars. Ça permet de limiter la quantité de réservoirs à installer » poursuit-il.

En matière de motorisation, la solution imaginée par GRDF se base sur un couplage entre deux moteurs gaz MAN de 420 kW chacun et un pack batterie de 300 kW de puissance. De quoi atteindre 1.2 MW de puissance cumulée, soit une valeur proche des puissances classiques embarquées sur les rames diesel.
 
  XGC BGC
Puissance électrique 300 kW 300 kW
Puissance GNV 840 kW 840 kW
Autonomie 750 – 1100 km 570 – 850 km
 

93 % de CO2 en moins

« L’équation globale du passage au gaz est bonne sur tous les aspects » souligne Richard Lecoupeau. « D’un point de vue pratique, c’est la solution la plus simple avec un gain énorme sur le plan environnemental. En bioGNV, c’est moins 93 % de CO2 par rapport au train diesel, le tout avec un bilan financier acceptable ».

« Avec ce rétrofit, on permet de maintenir les trains existants. Au final, on fait aussi bien de la transition énergétique que de l’optimisation sans casser la structure du train. On est sur une solution qui n’est pas loin du ‘plug and play’. Ce que l’on a déjà envisagé pour Bombardier pourrait être facilement transposé sur d’autres modèles. Nous sommes en train de l’étudier »


Quid du GNL ? « Le bioGNL n’est pas exclu mais l’équation n’est pas facile à résoudre » nous répond Richard Lecoupeau. « En rétrofit, il n’y aucun espace pour intégrer le diamètre des réservoirs. Sans casser structurellement le train et enlever des places, il sera difficile d’intégrer du GNL » estime-t-il. « La SNCF risque aussi d’être sensible au risque dégazage, notamment dans un tunnel ou une gare. Sur du neuf, la solution GNL parait toutefois pertinente. Il y aurait un marché pour le fret où les trajets sont beaucoup plus longs. Sur un train de fret, on peut aussi dédier une remorque au stockage GNL. La solution est très simple » juge-t-il.

Vers une coopération inter-régionale ?

En matière de déploiement, la stratégie de la filière bioGNV est finalement assez proche de ce qui se fait sur le train hydrogène. Au-delà de la région Haut-de-France, qui sert de « locomotive » au projet, l’objectif est de parvenir à fédérer d’autres régions pour impulser une dynamique nationale.

« Nous avons déjà présenté le projet aux régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie qui se sont montrées très intéressées. Nous avons aussi pris contact avec Auvergne Rhône Alpes et la Région Sud » détaille Antoine Jabet. « L’idée serait d’avoir un protocole inter-régional qui associe 4 ou 5 régions, la SNCF voire un constructeur pour lancer une première expérimentation ».

L’arrivée d’un premier TER fonctionnant bioGNV en France n’est toutefois pas prévue pour tout de suite. « Il faut compter 5 à 6 mois pour construire cette collaboration inter-régionale et ensuite 2 à 3 ans avant d’avoir un prototype de train GNV sur les rails » chiffre le représentant de GRDF  « le premier train BioGNV pourrait entrer en circulation en 2024 ».
 
 

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Michaël TORREGROSSA Michaël TORREGROSSA
Rédacteur en chef
Persuadé que la mobilité du future sera multi-énergies, Michaël est le rédacteur en chef et fondateur de Gaz Mobilité.

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2 Commentaires

  1. LangPublié le 24/11/2020 à 22:10

    Roulant moi-même au GNV depuis 2007, je me félicite, en tant que citoyen, mais aussi cheminot retraité, que la SNCF ait adopté la solution du bioGNV, carburant renouvelable, propre et très peu émetteur de CO2 ayant un effet de serre puisque c’est une restitution du carbone pris récemment dans atmosphère par la photosynthèse.

  2. ChristophePublié le 13/01/2021 à 08:28

    Il me semble nécessaire d’apporter une précision, pour les AGC (les TER de Bombardier dont il est question dans cet article) que ce soit les versions XGC ou BGC (dont il existe une version BBGC, bicourant capable de fonctionner sous caténaire 1500 V ou 25 kV), la traction est toujours électrique avec des moteurs électriques sur le essieux (tension 1500 V). Ces trois versions sont développées à partie de la version de base, uniquement électrique, la ZGC.
    Pour les versions XGC, l’électricité est produite à bord avec deux powerpacks qui sont au final des groupes électrogènes équipés de moteurs MAN industriels.
    Pour les versions BGC on peut avoir le fonctionnement de la version XGC ou capter le courant directement sur la caténaire. La version BBGC intégrant un transformateur pour les caténaires en 25 kV (tension développée pour le TGV et implémentée sur les lignes électrifiées depuis l’avènement du TGV).
    C’est bien cette conception modulaire qui permet d’envisager un rétrofit et c’est bien cette traction électrique qui permet d’envisager de récupérer de l’électricité au freinage (à ce titre le freinage est déjà en partie électrique soit avec réinjection au réseau soit dissipation dans un pont de diodes (rhéostat donc freinage rhéostatique)).

    La version suivante des TER (Regiolis de Alstom) existe en version Z ou B mais pas en version X. Par contre les powerpacks sont au nombre de 4 et utilise des moteurs routiers dont il est prévu un remplacement à mi-vie (15 ans).
    A partir de 2030 ces TER intégreront donc différentes technologies permettant de supprimer les moteurs diesels éventuellement en panachant.

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