Forum Ecogreen Energy : « La logique du 100 % électrique n'est pas tenable »

Forum Ecogreen Energy : « La logique du 100 % électrique n'est pas tenable »
Ayant en particulier comme partenaires GRDF, GRTgaz et la région des Pays de la Loire très nettement engagée dans la méthanisation, la troisième édition du forum Ecogreen Energy a été une nouvelle fois l’occasion de montrer que la mobilité au GNV/bioGNV continue d’être soutenue et de progresser sur le territoire.
 
Une vingtaine de personnes ont pris la parole au cours de cinq séances depuis le lancement du forum par Patrice Merhand, président de l’association Ecogreen Energy, jusqu’à la clôture par les quatre partenaires dont l’établissement d’enseignement La Joliverie que nous n’avons pas encore cité. En 2024, les conférences et tables rondes répondaient au thème « Décarboner le transport lourd ? Et maintenant que fait-on ? ». Un choix motivé par l’adoption d’une feuille de route européenne très autocentrée sur l’électrique pour décarboner le transport du fret et des passagers.
 
Directrice des affaires publiques pour France Mobilité Biogaz, Selma Treboul a rappelé les objectifs à tenir par rapport à 2019 concernant les camions et autocars neufs de plus de 7,5 tonnes : réduction de 15 % pour la période 2025-2029, 45 % pour 2030-2034, 65 % pour 2035-2039 et 90 % au-delà. « Dans les 10 % de véhicules lourds thermiques en 2040, l’Europe ne fait pas la différence entre les modèles diesel et ceux fonctionnant au bioGNV » souligne t-elle.

Entrevoyant la possibilité de rectifier le tir, la filière ne se démonte pas pour autant : « Deux études de la Commission européennes sont programmées pour 2025, en plus des deux clauses de revoyure. Ce qui va permettre de transmettre des propositions de méthodologie pour le calcul des émissions de CO2 ».
 

Pourquoi l’Europe bloque sur l’électrique ?

Ce qui pose toujours problème, c’est effectivement la méthodologie pour calculer les émissions de CO2. La Commission européenne continue à se limiter à ce qui se passe à l’échappement. Forcément, l’électrique et l’hydrogène ressortent gagnants : « Ce qui tend à nier toutes les autres solutions alternatives. Il faudrait au contraire s’intéresser à ce qui se passe du puits à la roue. Dans ce cas, le niveau de décarbonation par le GNV serait déjà similaire à celui de l’électrique », a comparé Selma Treboul.
 
« Toutes les solutions matures doivent être prises en compte »
 
Concernant les autobus urbains, les objectifs sont plus ambitieux encore, avec une réduction de 90 % d'ici à 2030 et le passage au zéro émission dès 2035. L’association espère déjà la mise en place « de dérogations pour les collectivités qui ont déjà investi dans des bus GNV ».
 
Plus globalement, et c’était l’avis de tous les intervenants réunis ce mercredi 15 mai : « Toutes les solutions matures doivent être prises en compte pour décarboner les transports et le bioGNV doit avoir sa place dans ce mix ». Responsable technique, sécurité et environnement à la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), Théo Farge donne son explication au sujet du centrage de l’Europe sur l’électrique : « L’accent a été mise sur la production massive d’énergies renouvelables avec le solaire et l’éolien. C’est alors plus facile ensuite de vendre l’électrique pour décarboner la mobilité plutôt que la biomasse ».

Théo Farge et Selma Treboul lors du Forum Ecogreen Energy
 

Les Pays-de-la-Loire, territoire précurseur

A propos des territoires qui investissent dans la méthanisation et la mobilité bioGNV, on peut citer en exemple les Pays de la Loire. Vice-président du conseil régional, Philippe Henry connaît parfaitement le sujet : « Sur un objectif de 80 stations d’avitaillement en 2040, nous en avons déjà 22 d’ouvertes. Le parc des véhicules que nous avons aidés va passer de 130 à 200. Sont déjà en circulation 70 autocars qui roulent au bioGNV et nous expérimentons aussi le rétrofit ».
 
A « la politique des petits pas de l’Europe », il oppose ce qui est déjà en marche : « Il y a quelques années, les territoires ont chacun écrit leur propre feuille de route pour la décarbonation. Ils vont continuer à la suivre. Chaque fois que nous en avons la possibilité, nous faisons évoluer les parcs de véhicules lourds vers le GNV, en attendant éventuellement la maturité de l’hydrogène. Il ne faut surtout pas que les constructeurs nous lâchent, nous leur disons et redisons. On a aussi besoin de donneurs d’ordres ouverts à cette énergie pour soutenir et encourager les transporteurs ».
 
Les autobus électriques ont déjà été testés dans les Pays de la Loire : « C’était sur le secteur du Grand Laval. Nous avons rencontré des problèmes. Des problèmes pour recharger, des problèmes de sécurité, et même des problèmes pour faire assurer les bâtiments. Les utilisateurs veulent ce qui est mature aujourd’hui. La logique du 100 % électrique n’est pas tenable, et le brouillard politique n’arrange rien. Ceux qui s’opposaient hier au nucléaire sont aujourd’hui à fond sur l’électrique ».
 

Pas assez de biomasse pour la mobilité ?

Nombre de détracteurs de la mobilité au bioGNV mettent en avant que la ressource biomasse est et sera insuffisante au regard des besoins en biogaz pour d’autres secteurs qui seraient prioritaires. Dans les Pays de la Loire, on n’est forcément pas d’accord.
 
Ainsi Patrick Villalon, vice-président du SyDEV, le syndicat d’énergie de la Vendée : « Nous avons déjà 140 unités de méthanisation dans la région. Nous seront quasiment autonomes sur le territoire à horizon 2050 ». Une vision appuyée par Philippe Henry : « Après quelques déboires que nous avons connus avec quelques dossiers, nous allons relancer la production de biogaz. Quarante projets sont actuellement en cours de livraison ».
 
Il milite pour que l’Europe laisse une certaine liberté aux Etats, au bénéfice de toute la zone au final : « Nous avons besoin d’une autonomie énergétique. L’avantage est incontestablement au bioGNV. Il est produit localement et nous en connaissons les coûts de production. Ce qui n’est pas le cas avec les énergies fossiles. Le bioGNV est bon pour l’environnement et bon pour l’économie ». C’est également l’avis de Patrick Villalon : « Les énergies dont nous avons besoin, ce sont celles qui peuvent être produites localement. Ce qui s’inscrit dans une économie circulaire, avec un système équilibré et cohérent. La réglementation de la Commission européenne est aberrante et sera rattrapée par la réalité dans les territoires ».
 

Ne pas concurrencer les cultures alimentaires

Une autre fake news concernant le bioGNV est cette idée tenace que les agriculteurs méthaniseurs emploient très largement voire exclusivement des cultures vivrières pour produire du biogaz. « Il y a 7 % de biodiesel contenant en France deux tiers de colza dans l’actuel gazole B7 et ça ne choque plus personne. L’essence E10 contient une proportion d’éthanol obtenu de la fermentation du blé ou de betteraves, et ça ne choque personne », rapporte Jean-Baptiste Vincent, responsable des affaires agricoles chez GRDF.
 
Et dans le bioGNV ? « Pas plus de 15 % de cultures alimentaires vont dans les méthaniseurs. Certains exploitants n’en mettent pas du tout. On évite de concurrencer l’alimentaire. En outre, dans la hiérarchisation des usages, les terres sont prioritairement exploitées pour l’alimentaire. L’énergie arrive en dernier ». Dans les unités agricoles, « l’intrant principal, ce sont les effluents d’élevage. Sont exploitées aussi les cultures intermédiaires à vocation énergétique -cives - que l’on fait pousser en interculture. Aujourd’hui, les herbes des praires sont d’abord utilisées pour alimenter les vaches. Si on mange moins de viande d'ici à 2050, une partie pourra être méthanisée. On trouve donc dans les intrants des produits dont on ne sait pas faire autre chose que de les employer pour la méthanisation. Les résidus de culture comme les pailles et le colza retournent au sol. Grâce à l’épandage des digestats, les puits de carbone ne sont pas mis en péril ».


Jean-Baptiste Vincent, responsable des affaires agricoles chez GRDF.
 

« Hors de question de s’enfermer dans une seule énergie »

 
« Si tu ne connais pas ton adversaire et que tu te connais, pour chaque victoire, une défaite. Si tu ne connais ni ton adversaire ni toi-même, à chaque bataille tu seras vaincu. Connais-toi, connais ton adversaire, et cent batailles ne te mettront pas en danger », Sun Tzu, auteur du livre L’Art de la guerre.
 
Directrice régionale chez GRDF, Véronique Bel a fait à nouveau le choix de l’originalité en citant le général et stratège chinois pour bien faire comprendre tout l’intérêt de persévérer avec la méthanisation et le bioGNV. « On connaît bien ce carburant, les territoires se connaissent. Ils ont la vision, et ils ont fait ce travail. On connaît nos filières, et on connaît les gisements de biomasse ». Utiliser le bioGNV relève pour elle de la « décarbonation pragmatique ».
 
Les phrases choc, un art que Philippe Henry maîtrise aussi, avec le même objectif : « Il faudrait arrêter de détaxer le pétrole lourd ici ou là dès que trois personnes descendent dans la rue. Il vaut mieux pousser nos solutions alternatives matures ». Il a conclu par quelques formules auxquelles tous les intervenants adhérent : « Il y a des usages, il y aura des réponses dans un mix énergétique dont fait partie la méthanisation. Nous avons encore de grandes capacités de production à ajouter. Il est hors de question de s’enfermer pour la décarbonation dans une seule énergie ».
 

Un second volet en prolongement

Comme chaque année, le public reçoit au forum Ecogreen Energy une grande densité de matière à réflexion. C’est pourquoi nous allons consacrer à cet événement un second volet dans lequel de grandes entreprises comme La Poste, Système U, Jacky Perrenot, Transdev, Keolis expliqueront pourquoi elles font confiance au bioGNV et comment elles l’exploitent dans le transport de fret et des personnes.
 
Face à elles, Scania réaffirmera son soutien, sans pour autant oublier les décisions de la Commission européenne qui pourraient l’obliger à terme à privilégier l’électrique et l’hydrogène. Il sera aussi question d’une expérimentation par Transdev d’une solution de rétrofit au GNV/bioGNV développé par le CRMT. Nous avons également sollicité plusieurs intervenants pour des interviews ciblées.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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1 Commentaire

  1. LeclercPublié le 27/05/2024 à 18:38

    bonjour, d’accord pour des alternatives à l’électrique, mais vous ne parlez plus du GPL. Je vois qu’apparait dans les stations du GNL ou GNV à 1,50 euro 55% plus cher que le GPL. J’attends les subventions à l’installation GPL comme j’en ai eu en 1999 car le prix de l’installation s’envole en France (de 2500e c’est passé à 3500e) alors qu’il y a tant de bonnes berlines à convertir .....
    Bien à vous.

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