Rétrofit : du diesel au GNV, la nouvelle vie de Faral

Rétrofit : du diesel au GNV, la nouvelle vie de Faral
Installé à Laval, en Mayenne, Faral Automotive est spécialisé dans le reconditionnement des moteurs et boîtes de vitesses. Son activité concerne aussi les véhicules anciens, et, désormais, la mobilité durable, en adaptant des moteurs diesel d’utilitaires à la monocarburation GNV. Sébastien Le Rendu nous a présenté sur place ce pari audacieux mais nécessaire.
 
Dans un contexte alourdi par l’actuelle crise sanitaire de Covid-19, Hubert Pothier et Sébastien Le Rendu dirigent l’entreprise créée en 1932 un peu comme un équipage de marins se rassemble pour dépasser les tempêtes. D’origine bretonne, notre interlocuteur ne cache pas les difficultés qu’a rencontrées Faral il y a encore peu.
 
L’année 2019 a été catastrophique pour la société mayennaise qui a éprouvé d’importantes difficultés à faite face à un passif de 1,3 million d’euros. Hubert Pothier occupait alors un poste de directeur opérationnel. Avec Sébastien Le Rendu qui s’activait à un poste similaire dans une autre entreprise de la Mayenne, il a présenté un dossier de reprise quand le spécialiste du reconditionnement des moteurs a été placé en liquidation judiciaire.
 
« Nous avons reçu les clés de Faral le 13 mars 2020, et 4 jours plus tard nous étions déjà bloqués par le coronavirus : impossible de nous faire livrer des pièces », se souvient parfaitement le dirigeant.

 

Sauvegarder l’emploi local

C’est cependant avec une fierté bien légitime que Sébastien Le Rendu nous annonce pour 2021 un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros, « à la hauteur de celui que présentait Faral avant le dépôt de bilan ». « Notre dossier différait de celui des autres repreneurs par notre volonté de préserver l’emploi local. Nous avons pu conserver 50 des 61 salariés de l’entreprise » met-il en avant.
 
Le métier de cette société est principalement d’effectuer du reconditionnement de moteur. « Nous prenons de vieux blocs pour en faire des neufs garantis 0 kilomètre », confirme notre interlocuteur. Les dirigeants de Faral regardent désormais plus loin, en anticipant la fin du diesel. « Nous intervenons sur des moteurs de véhicules qui ont le plus souvent entre 7 et 13 ans. Nous estimons donc que notre activité actuelle disparaîtra à horizon 2045 avec la fin du diesel en 2030 », calcule Sébastien Le Rendu.

 

Rétrofit GNV

Aujourd’hui, les dirigeants de Faral cherchent à faire connaître tout l’intérêt de convertir les moteurs diesel à la la monocarburation GNV. Nous avions d’ailleurs déjà donné la parole à Jean-Luc Guionie, dirigeant de Lyptech à ce sujet.
 
« Lyptech et Faral sont en relation depuis 2018. Ce lien fait partie de la dot dans notre reprise de l’entreprise. Dans nos projections, la collaboration avec Lyptech et le rétrofit permettant la carburation au bioGNV vont progressivement prendre une part de plus en plus importante au sein de notre activité », assure Sébastien Le Rendu. « Faral a permis à Lyptech de construire le moteur tel qu’il est aujourd’hui. C’est le fruit de nombreux échanges techniques entre les 2 entreprises. D’une certaine manière, Faral peut être vu comme un sponsor de Lyptech. Le deal, c’est que nous assurions la rénovation des moteurs », explique-t-il. 
 

 
KMV1, c’est le nom du premier « Kit de motorisation verte » qui peut modifier environ 80 % des moteurs diesel (PSA, Ford, Renault et Fiat) des utilitaires d’un PTAC compris entre 2,6 et 3,5 tonnes en France.
 
« Ces derniers représentent environ 3 millions des 6,03 millions d’utilitaires légers en circulation dans notre pays, et 12,21 millions sur les 27,14 millions en service en Europe. Nous ciblons les modèles diesel Crit’Air 2 équipés de caisses spécifiques, comme les ambulances et les véhicules de transport de personnes à mobilité réduite », détaille Sébastien Le Rendu. Les chiffres des véhicules répondant à tous ces critères retombent à 1,17 et 2,61 millions respectivement pour les 2 territoires.
 
« Notre objectif est de pouvoir équiper de moteur KMV1 2 % de ces utilitaires en France qui seraient alors classés Crit’Air 1, et 1,5 % pour l’Europe. Ce qui représente en volume respectivement 23 480 et 39 092 VUL. Pour donner une échelle de grandeur concernant l’impact sur notre entreprise, Faral reconditionne aujourd’hui 2 000 moteurs par an », compare le dirigeant.
 

Un TCO favorable au rétrofit

« Si l’on raisonne au niveau TCO, la solution de Lyptech est la mieux placée. C’est aussi la plus logique en rapport qualité/prix. Il faut compter un budget entre 12 000 et 15 000 euros hors taxe, qui comprend la dépose, la conversion et la repose d’un moteur rétrofité », affirme Sébastien Le Rendu.
 
Pour comparaison, un utilitaire équivalent neuf coûterait 28 000 euros HT en diesel Euro 6 ou 31 000 euros au GNV, soit environ le double. Idem avec une conversion électrique Phoenix avec un pack d’une capacité énergétique de 60 kWh. La facture serait beaucoup plus lourde encore avec un modèle électrique neuf : 47 000 euros HT.
 
Pour certains véhicules, la conversion permet de conserver des équipements qui coûtent le plus souvent très cher. Ainsi : 9 000 euros HT pour un aménagement destiné à recevoir de l’outillage, 17 000 euros pour une benne, 22 000 euros pour le transport de passagers PMR, 25 000 euros pour un caisson réfrigéré.
 

KMV1 et KMV2

Le kit KMV1 comprend, en plus du bloc transformé, du système d’injection spécifique, de l’unité de contrôle pour le gaz, et de la pose de l’ensemble : les réservoirs GNV placés sous le châssis, un vapodétenteur, un filtre, une valve de remplissage et une jauge.
 
Avec une économie de l’ordre de 30 % sur le poste dédié au carburant, la transformation permet de diminuer de 30 % au minimum les émissions de CO2 (et bien plus avec du bioGNV), 60 % les oxydes d’azote et 90 % les particules fines.
 
« Plusieurs sociétés d’envergure nous ont commandé des prototypes qui seront livrés l’année prochaine », souligne Sébastien Le Rendu. « Nous pensons très vite travailler sur des bus et cars, avec un kit KMV2. Les moteurs sont juste plus gros, mais il n’y a pas de difficultés particulières. La flotte de la région des Pays de la Loire compte environ 3 000 cars de ramassage scolaire. Pour la verdir, les collectivités ont financièrement intérêt à aller vers cette solution », plaide-t-il.
 

Une procédure identique à celle d'un échange standard

Avant d’adapter un moteur diesel à une alimentation monocarburation GNV, Faral appliquera le même scénario que pour un reconditionnement de bloc pour échange standard. Il repose sur 9 actes principaux.
 
Tout d’abord le démontage avec tri des éléments. Ensuite une phase de nettoyage par aspersion avec dérouillage et décalaminage à ultrason complet. Les dernières impuretés sont éliminées par microbillage et grenaillage. L’acte 4 est dédié à la rectification des manetons et tourillons, avec toilage du vilebrequin, des arbres à cames et de la pignonnerie.
 
Au cours de la cinquième étape : Alésage des cylindres et déglaçage du bloc ; surfaçage du plan de joint ; brossage et taraudage avant passage du bloc en cabine de peinture. Nouvelle phase majeure au cours de laquelle la culasse est brossée, taraudée, éprouvée et contrôlée à l’endoscope. Des soudures sont effectuées, si nécessaire. Cette sixième partie comprend aussi l’usinage du plan de joint et le ré-usinage des logements de soupape pour une parfaite étanchéité de l’ensemble.
 
Dès remontage et vérification de la culasse, le scénario passe à l’acte 7 de contrôle et de remise en état des bielles, des soupapes, des cascades, des culbuteurs, etc.
 
Vient enfin le moment de réassembler l’ensemble avec des coussinets et pistons neufs. La dernière étape consiste à passer le moteur au banc, avant son expédition à Lyptech.

 

Une solution complémentaire à l'électrique et à l'hybride

« A côté de l’électrique et de l’hybride, il y a une place pour une troisième solution avant l’arrivée de l’hydrogène que je ne vois pas avant 2050. Cette solution, c’est le rétrofit GNV. Contrairement à une adaptation bicarburation d’un moteur essence, notre transformation monocarburation est définitive car elle impacte le moteur. C’est ce qui explique qu’elle n’est pas homologuée aujourd’hui », expose Sébastien Le Rendu.
 
« Il faudrait un décret autorisant la pratique, comme pour le rétrofit électrique. Nous sommes prêts pour cela à créer une association qui pourrait réunir de façon plus globale tous les acteurs concernés, comme les agriculteurs, les entreprises de méthanisation, GRDF, les fournisseurs d’équipements et autres professionnels », met-il en avant. « C’est le meilleur moyen pour faire comprendre aux politiques tout l’intérêt de cette filière », évalue-t-il.
 

Doper l’emploi

« Il se dit que 700 000 emplois pourraient être perdus en France dans la filière automobile classique du fait de l’arrivée des modèles électriques. Et ce, en particulier, en raison des opérations d’entretien qui seront supprimées. Elle seraient conservées avec notre solution qui est de nature à créer une véritable boucle d’économie circulaire », justifie Sébastien Le Rendu.
 
« De notre côté, nous sommes prêts. Nous sommes capable de proposer un maillage dans l’Hexagone pour l’entretien et le SAV, grâce aux relations que nous développons avec nos clients. Nous avons déjà été sollicités par des enseignes nationales », rapporte-t-il. « Nous pourrions tout aussi bien développer notre technologie en Italie et en Allemagne, deux pays historiquement plus ouvert à la mobilité GNV. Mais nous sommes en France, où une école spécifique de formation pourrait être créée et des investissements technologiques effectués. il ne manque plus que l’évolutions de la législation », conclut-il.

 
Gaz Mobilité et moi-même remercions Sébastien Le Rendu de nous avoir reçus et ouvert les portes de Faral. Un grand merci également à Baptiste Orinel, chargé de communication chez GRDF, qui a facilité la mise en relation avec les dirigeants de l’entreprise.


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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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