Transports Mégevand : une décennie d'expérimentation au service du GNV et du bioGNV

Une démarche d'abord réactive, puis proactive
C'est en 2010-2011 que tout commence. « Comme bien souvent, tout est parti d'une demande client » se souvient Pascal Mégevand, Directeur R&D et SI au sein des Transports Mégevand Frères. « C'était un chargeur de la grande distribution qui nous a interrogé pour aller sur une réduction des émissions de GES ».
Engagé dans la démarche "Objectif CO2", le transporteur réfléchissait déjà aux alternatives. C’est presque par hasard que la solution gaz à alimenter les réflexions. « Le magazine publicitaire de Volvo Trucks France arrive sur le bureau avec, à l'époque, les fameux dual fuel GNL, GNC et un fort marquage bio » détaille notre interviewé. « Nous avions également une certaine appétence pour ces nouvelles technologies. Personnellement, cela faisait près de 10 ans que je roulais au GPL. Le gaz, pour moi, c'était quelque chose d'assez naturel » poursuit-il.
La rencontre avec Gilles Durand, alors secrétaire général de l’AFGNV (devenue France Mobilité Biogaz), lors du salon Pollutec 2010 a également été déterminante pour le transporteur. « On s'est dit qu'il fallait que l'on fasse quelque chose. Puis vint la rencontre avec Laurent Delolme, de GNVert. C'est ainsi qu'on a monté le projet Equilibre ». Equilibre ? Mais oui, souvenez-vous ! C’est ce projet collaboratif, initié dans les années 2010 avec l’appui de plusieurs transporteurs et acteurs de la filière, dont GRDF et le CRMT. Il visait à tester à grande échelle le potentiel du gaz naturel et du bioGNV dans le fret routier, en comparant les émissions à celles de véhicules équivalents diesel. Une expérimentation pionnière à laquelle Pascal Megevand et son équipe ont largement contribué, en mettant leurs véhicules et leur savoir-faire au service de la démonstration. Dix ans plus tard, difficile de ne pas y voir l’un des socles fondateurs de la dynamique actuelle autour du GNV et du bioGNV en France.
Des débuts avec les moyens du bord
« On a un peu mouillé la chemise » reconnait Pascal Megevand qui se remémore les premiers pas du GNV dans l’entreprise. « Le premier véhicule qu'on a eu, c'était un proto dual-fuel développé en rétrofit par Volvo ». À l'époque, la technologie convenait assez bien au contexte. « Comme ces véhicules-là fonctionnaient aussi bien au gasoil qu'au GNV, cela nous assurait une continuité d’exploitation. Pour rappel, il n'y avait quasiment pas de station en 2015. Il ne fallait pas tomber en panne ! »
Il y a 10 ans, il fallait également composer avec des performances assez limitées, tant en matière de puissance que d’autonomie. « Avec le premier 340 chevaux que nous avait prêté Scania, qui avait encore de petits réservoirs et une boîte qui consommait du gaz comme jamais, on était à 250 kilomètres d'autonomie » chiffre Pascal Mégevand. La puissance était un autre défi. « Sur les premiers Iveco en 330 chevaux, il fallait s'accrocher et ne pas avoir peur dans les côtes ! »

Des évolutions techniques spectaculaires
Dix ans plus tard, la différence est flagrante. « Entre le premier camion GNC Scania, un 340 ch à boîte manuelle, et la dernière génération, en 460 ch à boîte robotisée, on a franchi un sacré cap ! ». Les autonomies ont, elles aussi, nettement progressé. « Aujourd'hui, avec le nouvel d'Iveco (en 500 ch et avec 1240 litres embarqués, ndlr), on monte à quasiment 1 000 km en GNC » chiffre-t-il, n’hésitant pas à partager régulièrement les consommations constatées sur Linkedin. Ainsi 22,86 à 31,86 kg sur le modèle précité en fonction de la charge utile et de la charge embarquée.
Des évolutions qui permettent désormais au gaz d’assurer les missions du transporteur sans aucun compromis. « Chez nous, un véhicule GNV, qu'il soit GNC ou GNL, est désormais utilisé dans les mêmes conditions qu'un diesel ».
Côté stations, l’écosystème a aussi largement évolué. « Au début, avec ce fameux client avec lequel nous avons démarré, nous n’avions qu’une seule station à Nîmes. Après, sont arrivées celles de Saint-Pierre-en-Faucigny, Saint-Priest... Là où le sujet des stations était un vrai frein il y a 10 ans, la question n'est plus là aujourd’hui ». Car au-delà du maillage, la fiabilité a également nettement progressé. « Ce serait vous mentir que de vous dire que tout est parfait, on a encore des dysfonctionnements en 2025. Ce qui a fondamentalement changé, c'est la qualité de service. On a aujourd'hui un temps de réponse, de prise en charge des dysfonctionnements qui est de moins d'une heure ».
« Le gaz ne s’achète pas de la même manière que le diesel »
En 10 ans d’exploitation, les Transports Mégevand Frères ont également su adapter leur modèle économique à cette nouvelle énergie. « Le grand enseignement qu'on a eu avec le gaz, c'est qu'il ne s'achète pas de la même manière que le diesel. On a joué le jeu du marché du gaz, c'est-à-dire qu'on a pris des engagements, sur la durée, parfois à prix fixes, et avec clause d’indexation qui s'avèrent au final très protecteurs pour la gestion de l'entreprise ». Une stratégie qui se poursuit en 2025 avec une politique d’achat gaz hybride, entre prix fixe et tarif indexé sur le cours du PEG.
« Contrairement à beaucoup d’autres transporteurs, nous avons également appliqué très tôt le principe du pied de facture (qui permet qui permet d'ajuster les coûts liés au carburant en fonction des fluctuations des sur le marché, ndlr) y compris sur les prestations « gaz » » complète-t-il.
Cette flexibilité, le transporteur la doit aussi à sa station privative. Associée à un contrat à prix fixe, celle-ci permet d’équilibrer les usages avec le réseau public. Une fois encore, les 10 années d’expérience du gaz ont permis à Mégevand d’optimiser son modèle.
« Sur certaines stations qui ont atteint des volumes significatifs, le gaz nous coûte aujourd’hui moins cher que la station privative » reconnait Pascal Mégevand. Pour autant, la station privative conserve quelques atouts en main. « Le premier est de pouvoir nous engager avec un prix fixe. Le second est de supprimer les kilomètres parasitaires par un plein en temps masqué à l'arrêt du véhicule. Les 0.1 €/kg de surcoût par rapport à une station publique sont rapidement atténués par les économies réalisées en kilomètres et sur le temps des conducteurs et conductrices ».

Une flotte multi-énergies finement pilotée
« Ce qui fait le fond de notre expérience, c'est savoir su gérer ce mixte, tant sur l’énergie que l’approvisionnement ou les usages » résume Pascal Mégevand. Aujourd'hui, la flotte du transporteur haut-savoyard compte 22 moteurs : 21 en exploitation plus un véhicule de relais. « On a 11 GNV, dont 6 GNL et 5 GNC, un électrique et le reste en diesel qui roule une partie de l’année en HVO » détaille notre interlocuteur.
Mégevand garde ainsi une certaine appétence à tester les technologies, mais aussi à mettre sur pied de nouvelles solutions qui serviront à toute la filière. Ainsi avec Volvo sur le camion électrique où un nouveau système de facturation de la batterie à l’usage, a été mis en place. « En dissociant l'achat du véhicule et de la batterie, on a résolu avec Volvo le problème du frein à l'investissement et surtout de l'explosion de notre endettement. On attend maintenant leur version « Long range » avec une autonomie plus importante. Car aujourd’hui, et pour reprendre une formule un peu trash comme j'en ai l'habitude, un camion électrique ne finit pas la journée chez nous ».
Quid de l’hydrogène ? « Au début, j'étais très réticent sur l'hydrogène dans sa forme pile à combustible. [...] Par contre, en moteur thermique, avec le HPDI sur lequel travaille Volvo, pourquoi pas ! ».

« Convertir notre flotte sur une mono-énergie nous fait peur »
Compte tenu des orientations actuelles de la Commission européenne, pourrait-on envisager une flotte 100 % électrique chez les Transports Mégevand ? Sur ce point, le dirigeant nous répond une nouvelle fois sans détour : « Si on s'enquiquine à gérer plusieurs technologies, c’est pour ne pas dépendre d’une seule énergie et assurer une continuité d’exploitation pour accompagner nos clients ».
Et pour cause, chaque filière a montré des signes de faiblesse au cours des dernières années : rationnement du diesel en mars et septembre 2022, hausse brutale du prix du gaz, incertitudes autour du réseau électrique avec l’exemple du black-out espagnol… « Convertir notre flotte sur une mono-énergie nous fait peur. Surtout, sur une technologie aussi fragile que l'électrique à batterie, dont certains composants clés restent dépendants de fournisseurs extérieurs, voire contingentés par le pays de production. Un camion électrique qui coûte 300 000 euros et doit rester arrêté 6 mois par manque de pièces, ce ne sera pas possible pour nous ! » avertit-il.
Un virage vers le bio "physique"
Sur l'approvisionnement, Megevand a également amorcé un virage bio. Si le bioGNL est aujourd’hui mis de côté, compte tenu de l’impossibilité de recourir au bioGNL physique, le bioGNC est bien présent via le mécanisme des garanties d’origine. Une fois encore, Pascal Mégevand ne manque pas d’idées pour faire avancer la filière. Il pousse aujourd’hui le développement d’un nouveau modèle associant transporteurs, producteurs de biométhane et gestionnaires de réseaux. « La volonté est d’aller plus loin que les garanties d’origine en utilisant ce que j'appelle du 'vrai bioGNC', récupéré au pied du méthaniseur » résume-t-il.
Comme de coutume, l’idée résulte d’une observation de terrain : les réseaux gaz ont parfois du mal à absorber le biométhane produit, notamment en été où la consommation tend à diminuer. Plutôt que de multiplier les systèmes de rebours, dont l’investissement est coûteux, Pascal Mégevand imagine une sorte de « tournée du laitier » où le biométhane serait directement récupéré aux méthaniseurs puis transporté jusqu’aux stations dans une boucle très locale.
« Le gaz porté, qui était rejeté par la filière il y a 5 ou 6 ans, commence à trouver un intérêt fort pour désaturer les réseaux. Nous sommes au milieu de 7 méthaniseurs. On pourrait très bien imaginer que nos appros pourraient être directement prélevés suivant le pilotage de GRDF et avec un mécanisme de compensation pour ‘service rendu’ qui nous permettrait d’accéder à du biométhane à prix préférentiel » imagine notre interlocuteur. « C'est gagnant-gagnant pour le transporteur et le gestionnaire de réseaux, mais aussi pour le producteur qui arrive à mieux rentabiliser son installation en évitant les baisses de débit parfois imposées sur certaines périodes estivales ».
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