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La Bretagne passe le cap des 100 points d'injection en biométhane

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Installée sur la commune de Noyal-sur-Vilaine près de Rennes (35), l’unité de méthanisation du GAEC Pannetier a été bien accepté des habitants du lotissement où habitent Mélanie et Grégory. Cette zone résidentielle est située de l’autre côté d’un champ, à environ 250 mètres du centième point d’injection de gaz vert en Bretagne.
 
Présent lors de la petite cérémonie célébrant le raccordement du 100e point d’injection de biogaz en Bretagne, Pierre Larrey, secrétaire général à la préfecture d’Ille-et-Vilaine, a rappelé : « La Bretagne était dans une impasse énergétique. Alors qu’on y consommait de plus en plus d’énergie, on n’en produisait pas. Ce qui provoquait des tensions sur le réseau national. C’est pourquoi nous essayons d’aider au mieux les porteurs de projets autour de l’énergie ».

« Aujourd’hui le GAEC vit pour moitié des revenus de l’élevage et autant de la production de biogaz »

Ce qui a été le cas du GAEC Pannetier qui regroupe quatre jeunes agriculteurs. L’un d’eux, Charles-Antoine, a complété pour Gaz Mobilité : « Je suis associé avec mes 3 cousins Erwan, Julien et Alban, comme l’étaient déjà nos pères auxquels nous avons repris les exploitations. Aujourd’hui le GAEC vit pour moitié des revenus de l’élevage et autant de la production de biogaz. Ce qui me convient parfaitement parce que j’aime l’agriculture et j’ai aussi toujours aimé le domaine des énergies ».

Concernant cette double production, Pierre Larrey a précisé : « C’est autant une diversification qu’une sécurité grâce à une stabilité sur plusieurs années des prix d’achat sur les énergies dont le biogaz. Il ne faudrait toutefois pas qu’elle dépasse la production agricole qui doit rester première ».
 

Sauver l’agriculture bretonne avec la méthanisation ?

Maire de la commune de Noyal-sur-Vilaine, Marielle Muret Baudouin s’est réjouie : « Avec leur unité de méthanisation, c’est la moitié de la vie résidentielle de Noyal-sur-Vilaine qui est couverte en gaz ».

De l’autre côté du champ, le lotissement relevant de la commune de Domloup, commune également intégrée au Pays de Châteaugiron Communauté, est aussi directement alimenté par ce biogaz. Parce qu’ils en profitent directement, les riverains ont bien accueilli le méthaniseur qui est d’ailleurs invisible depuis chez eux. Placé en contrebas, on ne voit que des champs et bâtiments agricoles autour de lui.



Isabelle Le Callennec, députée européenne, a les idées claires concernant l’atout que représente la méthanisation pour la région : « Nous avons besoin d’un mix énergétique pour une région plus autonome. Moi j’y crois à la méthanisation. Elle soutiendra, voire même, elle sauvera l’agriculture en Bretagne. Il a fallu qu’on se batte pour que le biogaz soit intégré comme le nucléaire à la taxonomie de l’Union européenne ».

Pour David Colin, directeur territorial de GRDF,  la production du gaz local, renouvelable et produit à partir des déchets devrait peser en Bretagne 6 000 emplois, dont 2 500 chez les méthaniseurs, à échéances 2030. « Avec le gaz vert, 70 % de la valeur ajoutée reste sur le territoire » insiste-t-il.
 

De quoi alimenter 205 000 logements neufs

Délégué territorial Centre Atlantique chez NaTran, Amaury Mazon a souligné qu’en « Bretagne, 17 % de l’énergie finale consommée, c’est du gaz. Ce qui nécessite de développer la production locale après avoir importé du gaz naturel pendant des décennies. Pour que ça marche, il faut aussi travailler sur la sobriété et les performances énergétiques ».

Que peut-on attendre des 100 points d’injection bretons ? David Colin aligne quelques chiffres : « Ils représentent la consommation de 205 000 logements neufs. Dans le territoire, le pourcentage de couverture par du gaz vert des besoins en gaz est de 7,5 %, ce qui fait de la Bretagne la première région de France à ce sujet. Une fois en service les 27 méthaniseurs actuellement en cours de construction, ce taux atteindra les 10 %. Grâce à d’autres projets, d'ici à 2030, on atteindrait les 30 %. Ce qui permettrait de couvrir les besoins en gaz de 670 000 logements neufs ».

Petite précision apportée par Jean-Charles Colas-Roy, président de Coénove : « En France, 40 % du gaz est consommé dans les bâtiments ». Son association créée en 2024 rassemble justement « les acteurs majeurs de l’efficacité énergétique dans le bâtiment ».

Une ration de 27 tonnes par jour

En passant par l’étable aux 200 vaches laitières du GAEC Pannetier, on arrive sur le site de méthanisation que nous a présenté Charles-Antoine.

A la gauche, la benne qui contient la ration quotidienne à ajouter dans le digesteur : « Elle pèse environ 27 tonnes. Nous essayons d’être le plus autonomes possible dans les matières apportées qui sont du lisier, du fumier de nos bêtes et 400 tonnes à l’année qui proviennent de l’extérieur, du seigle et de l’orge en Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique), et une part minimale de maïs. Le tout est porté à l’intérieur à une température de 40 à 42° C ».

Sur la droite se trouvent deux conteneurs : « Le plus proche, c’est pour l’épurateur. Le gaz qui sort du méthaniseur ne contient que 55 % de biométhane. Pour l’injecter dans le réseau, il doit être pur à 98 %. Il faut donc trier les molécules, mais aussi retirer le soufre. Tout est automatisé. Par exemple, si on arrive à un taux de remplissage de 95 %, une torchère se met en route ». Et le deuxième conteneur ? « C’est la chaudière pour le méthaniseur. Nous consommons pour cela une partie de notre production. Mais c’est la seule. Nous n’utilisons pas de véhicules fonctionnant au bioGNV. Le prix de revente de notre biogaz est plus élevé que le prix du réseau. Nous n’avons donc aucun intérêt à consommer notre gaz pour nos véhicules ou tout autre besoin ».


 

A deux doigts d’être abandonné

Sur place, on trouve aussi un groupe électrogène du fabricant breton Gelec installé près de Saint-Brieuc : « C’est pour la sécurité. En cas de coupure du courant, il va se charger de maintenir la pression entre les deux dômes du méthaniseur. Sinon le vent pourrait les emporter. Celui du dessous fait le stockage du biogaz. Celui du dessus sert de protection. Il est gonflé de telle sorte à résister aux intempéries. Le groupe est aussi utilisé en secours pour allumer la torchère. Il ne sert en revanche pas à l’injection qui demanderait trop de puissance ».

Les livraisons au réseau national ont démarré le 12 décembre 2024 au GAEC Pannetier. Le projet avait initialement été lancé il y a environ 4 ans, l’hiver 2021-2022, avant d’être suspendu. Il aurait même pu tout simplement être abandonné : « Nous étions en pleine période de début du conflit en Ukraine, avec des tensions très fortes sur les énergies. Les prix de l’électricité et des matériaux s’étaient envolés ».
 
Aujourd’hui Charles-Antoine peut souffler : « La revalorisation des tarifs d’achat du biogaz nous a permis de relancer le projet. Et comme le point d’injection est tout proche, nous n’avons eu à sortir que 40 000 euros pour le raccordement, contre parfois plusieurs centaines de milliers d’euros ». À partir de la décision de relancer le projet, il n’aura pas fallu plus d’un an pour construite l’unité et démarrer la production de biogaz grâce à un permis de construire déjà reçu. Quelqu’un a même été embauché.

Mais tout n’a pas été toujours très simple : « Le coût du projet était de trois millions d’euros, mais les banques ne voulaient pas nous fournir de fonds, doutant de sa viabilité en raison de notre volonté à être au maximum autonome pour les matières à méthaniser ». Pas mieux au niveau administratif : « Ça a été aussi bien compliqué de remplir le dossier pour obtenir des subventions de l’Ademe. Il y avait toujours un truc qui n’allait pas, parfois même seulement le format du relevé d’identité bancaire ».
 

Choisir le gaz vert

Au GAEC Pannetier, le point d’injection sur le réseau est situé entre un bâtiment de l’exploitation et la zone du méthaniseur. Quand on se retourne, on aperçoit le lotissement que seul un champ sépare. Il y a environ 250 mètres entre les maisons cossues et ce poste. L’une d’elles appartient depuis sa construction il y a douze ans à Mélanie et Grégory. Ils ont accepté de nous recevoir alors que David Colin et Jean-Charles Colas-Roy apposaient sur leur chaudière à condensation l’étiquette « Compatible gaz vert ».

Du fait de la proximité avec le point d’injection, l’appareil du couple reçoit bien via le réseau la production du GAEC Pannetier, sans avoir à passer par une offre verte qu’un fournisseur d’énergie garantirait par les certificats d’origine.



Pour l’instant, le foyer est lié à Engie pour sa consommation de gaz avec un contrat standard. Souscrire à une formule « Gaz vert » aurait cependant comme intérêt de soutenir la filière de la méthanisation. C’est d’ailleurs le sens de la démarche du site www.choisirlegazvert.fr qui oriente en particulier vers le comparateur d’offres en gaz et électricité développé par le médiateur national de l’énergie.
 
Grégory et Mélanie suivront-ils la piste qu’ils peuvent retrouver grâce au QR Code présent sur l’étiquette nouvellement collée en façade de leur chaudière ? Ils ont en tout cas déjà démarré une véritable démarche pour décarboner leur quotidien avec une pompe à chaleur pour la piscine et 3,2 kWc de panneaux photovoltaïques installés sur le toit par le mari lui-même. Et pour la mobilité, une voiture au bioGNV bientôt ? « Non », nous répond-il, « plutôt une hybride rechargeable ».

Leur chaudière à condensation fabriquée dans l’usine nantaise de Saunier Duval devrait bien durer encore une dizaine d’années : « Elle alimente le chauffage de la maison, l’eau chaude sanitaire et l’appareil de cuisson. Nous aimons bien cuisiner au gaz et l’électricité nous reviendrait deux fois plus cher ». Si elle était hybridée avec une pompe à chaleur comme c’est préconisé aujourd’hui, leur prochaine chaudière au gaz pourrait leur permettre de réaliser une économie d’énergie d’environ 70 %.
 
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