Pour ce climatologue, le mix-énergétique est essentiel pour décarboner la mobilité

Pour ce climatologue, le mix-énergétique est essentiel pour décarboner la mobilité
L’ECoGreen Energy, c’est à la fois un challenge de faible consommation en bioGNV, hydrogène et électricité, mais aussi un club qui reçoit des conférenciers. Ainsi le climatologue François Gemenne qui a ouvert le temps de réflexion déjeunatoire avec le thème « Pourquoi peut-on réussir la transition, notamment dans le secteur automobile ? ».
 
Jusqu’à l’année dernière, c’est un forum qui servait d’espace de réflexion en marge du challenge EcoGreen. Destiné aux professionnels, il permettait d’entendre des témoins et spécialistes impliqués dans la transition énergétique en matière de mobilité. Les participants étaient alors reçus au domaine du Thiémay, tout à proximité du circuit de Fay-de-Bretagne (44). Avec l’édition 2025, la formule a changé. Ce temps s’appelle désormais « Club EcoGreen Energy », se déroulant dans l’ambiance du paddock du challenge, au cours d’un déjeuner. « Il n’y avait pas assez de cohésion avec les deux sites, et nous avions fait le tour des thèmes concernant la décarbonation des transports lourds », a expliqué en préambule à l’événement, Patrice Mehrand, à la tête de l’organisation.
 
Au programme cette année : la stratégie de décarbonation des courses automobiles par l’hydrogène (Pierre Fillon, président de l’ACO, association en charge des 24 Heures du Mans) ; Présentation de l’autocar scolaire diesel Euro 6 rétrofité au bioGNV par le CRMT (Brieuc Drouhot) ; Une vision dynamique pour réussir le passage à la mobilité durable (François Gemenne, climatologue, co-auteur du 6e rapport du Giec, professeur à HEC Paris, chercheur FNRS de l’université de Liège, et bien d’autres responsabilités).

Le climatologue François Gemenne a ouvert les débats lors de l'ECoGreen Energy, organisé les 14 et 15 mai derniers en Loire-Atlantique. Photo : P. Schwoerer. 
 

On élimine le scénario catastrophe à 4° C

François Gemenne l’assure : « Nous avons toutes les solutions qu’il nous faut pour décarboner la mobilité. Electrique à batterie, hydrogène et bioGNV : il faut les déployer à grande échelle ».
 
La raison de le faire est toujours la même depuis l’accord de Paris sur le climat en 2015. Il s’agit de limiter l’élévation de la température sur la planète : « Nous en sommes pour le moment à +1,3° C et pas sur une bonne trajectoire. Nous pouvons éliminer le scénario le plus optimiste avec une hausse à 2° C maximum, mais aussi le plus catastrophique à +4° C. Nous pourrions obtenir une limite à 2,72° C ».
 
De cet aveu en demi-teinte, le climatologue veut extraire de l’optimisme qu’il érige en « message principal » de son intervention : « Nous avons aujourd’hui toutes les connaissances, toutes les technologies, et toutes les finances pour limiter le réchauffement climatique ». Selon lui, « 89 % des gens dans le monde espère » qu’on y parvienne. Ce qui passe forcément par « la massification de nos actions : c’est à notre portée, et dans notre intérêt ».
 
Au premier rang, on trouve les transports : « Avec 34 %, c’est le plus gros poste CO2 en France. Là-dedans, la route pèse 94 %, et 55 % concerne les véhicules individuels. Si nous n’arrivons pas à décarboner le transport, nous n’arriverons pas à atteindre les objectifs ».
 

Montrer par le sport automobile

Faut-il rester chez soi et ne plus sortir ? « Pour des raisons affectives, intellectuelles, culturelles et économiques, ce ne serait pas bon. Regardez comment les gens se rencontrent : avec des applications. Les proches sont de plus en plus éloignés géographiquement. La seule solution est de décarboner la mobilité ». Pour que ça fonctionne, « il faut faire la démonstration que c’est dans l’intérêt du consommateur. Nous sommes le plus souvent guidés par nos intérêts. Pour changer les habitudes, il faut donc y trouver de l’intérêt. Les voitures électriques, par exemple, doivent être meilleures et plus performantes que les modèles classiques ».
 
En exemple, il a cité le cas des automobilistes qui se sont mis au vélo pour se rendre au travail : « Ils ne le font pas en général pour réduire leur empreinte carbone, mais pour faire du sport, des économies ou impressionner la collègue de bureau avec laquelle ils aimeraient sortir ». Montrer qu’adopter une autre solution de mobilité est dans l’intérêt des gens nécessite de casser la désinformation : « On nous dit que ce serait aller vers moins de confort, moins de performances… alors que c’est tout le contraire. Et ça, par exemple, il faut le montrer par le sport automobile ».
 

Passer de la contrainte à l’intérêt

Un précédent tout récent pourrait faire réfléchir : « Au moment des grands chantiers préparatifs aux Jeux olympiques, beaucoup de Parisiens pensaient que ce serait la cata de la décennie, allant jusqu’à demander la démission d’Anne Hidalgo. Beaucoup ont quitté la Capitale pour éviter les problèmes. Mais à peine 15 minutes après le lancement de la cérémonie d’ouverture, tout le monde a compris que ce serait une réussite, et beaucoup ont regretté de ne pas être là ».
 
On peut en tirer cet enseignement : « Pour que l’état d’esprit des gens changent, il faut qu’ils puissent toucher du doigt. Ce qui apparaît comme une contrainte doit pouvoir être perçu comme un intérêt individuel et collectif ». Ce réajustement nécessite de se débarrasser des fausses idées qui freinent les élans. Par exemple, concernant le mix énergétique français : « Il est bien meilleur que chez les voisins, même si on doit encore progresser sur le bâtiment et l’agriculture ». Ce qui peut bloquer, aussi, c’est l’idée que les autres pays ne font rien : « On ne soupçonne pas le niveau d’investissement de l’Inde et de la Chine pour la décarbonation. Concernant les énergies renouvelables, le total mondial des investissements a été de 2 000 milliards de dollars l’année dernière, dont 1 300 milliards pour la Chine. Elle a donc fait deux fois plus dans les EnR que le reste du monde tout entier ».
 

De mauvais signaux paralysants pour les investisseurs

Une autre infox que François Gemenne a voulu démonter, c’est que le déficit de compétitivité de Renault et Stellantis sur les véhicules électriques face aux Chinois viendrait du coût du travail : « C’est surtout qu’en France le prix de l’électricité est quatre fois plus cher qu’en Chine ». Pour le co-auteur du 6e rapport du Giec, passer aux énergies renouvelables s’impose : « Nous n’avons pas de pétrole, presque plus de charbon et pas beaucoup de gaz naturel. Nous n’obtiendrons pas de prix d’ami de la part des pays producteurs. Ce qui nécessite d’être conscients de nos atouts, pour la compétitivité de nos entreprises et la souveraineté de l’Europe. Les initiatives doivent donc être encouragées ».
 
En matière d’énergie, le mix, c’est « éviter de commettre l’erreur de mettre tous nos œufs dans le même panier ». Ce n’est toutefois pas suffisant. Le climatologue estime qu’il faut aussi « une stratégie européenne, et non 27 stratégies nationales toutes différentes et mal connectées. A cette condition, les énergies pourront être abondantes en Europe, alors que les besoins ne feront qu’augmenter au fil du temps ».
 
De mauvais signaux, le conférencier en dénombre quelques-uns avec une véritable inquiétude. A commencer par cette politique des deux pas en avant et trois pas en arrière : « C’est un message d’incertitude et d’instabilité qui est envoyé aux investisseurs. ArcelorMittal, par exemple, a besoin d’une vision sur 15-20 ans de la législation et du prix des énergies ». Le comportement de Donald Trump a aussi été pointé comme un mauvais signal.
 

« Toutes nos hésitations du moment, c’est du temps qu’on perd »

François Gemenne alerte : « Toutes nos hésitations du moment, c’est du temps qu’on perd ». Comment faire avec les caisses de l’Etat qui sont vides ? « Arrêtons de nous imaginer plus pauvres que nous ne le sommes. En France, il y a entre 6 000 et 8 000 milliards d’euros d’épargne. Il faut permettre aux Français d’investir dans les énergies renouvelables. Ils seraient contents de savoir que leur épargne leur rapporte et sert les entreprises du pays ».
 
De sérieux freins viennent des climato-sceptiques que l’on retrouve régulièrement sur les forums et dans les commentaires : « Ils sont entre 30 et 40 %, à différents niveaux. On peut les classer en trois catégories. Il y a d’abord ceux qui pensent que le changement climatique, c’est un grand complot et que tout le monde leur ment. Ils sont minoritaires, mais définitivement perdus pour la cause ». Les plus nombreux sont ceux qui estiment que la transition énergétique « est socialement pénalisante, ce qui provoque un rejet en bloc de la science pour des raisons politiques ». La dernière catégorie des climato-sceptiques poursuit des inspirations sociologiques, et ne se « reconnait pas dans les discours d’engagement pour le climat qui sont véhiculés par les médias ».

Un média soutenu par ses partenaires
Si Gaz-Mobilite.fr vous informe gratuitement et sans publicité sur toute l'actualité de la filière GNV, c'est grâce au soutien d'une quarantaine de partenaires.
Vous souhaitez nous soutenir ?
Rejoignez nos partenaires !

Partager cette page

A lire également

Ajouter un commentaire