GNL maritime : la France en première ligne de la décarbonation européenne

GNL maritime : la France en première ligne de la décarbonation européenne
Dans le cadre de l’une de ses matinales, France Gaz a organisé ce mardi 3 décembre 2025 trois tables rondes à travers lesquelles une dizaine d’intervenants ont répondu au sujet générique « GNL et Maritime : Cap sur la transition ». Ce premier volet des deux que nous consacrons à cet événement rend compte de la place et des perspectives du GNL en France et en Europe.
 

La position stratégique de la France

En ouverture de la matinale, la journaliste-animatrice Carine Dany a rappelé qu’en dépit d’un contexte « marqué par différentes crises énergétiques », le GNL reste « qualifié de gaz de l’avenir ». Défini comme un « levier stratégique pour la sécurité énergétique mondiale », sa croissance est réelle.
 
Directeur régulation, économie et Europe de France gaz, Guillaume Pierrat représentait aussi l’association France gaz Maritime qu’il dirige également. Cette structure permet de faire se rencontrer les acteurs du secteur maritime (ports, équipementiers, armateurs, énergéticiens) dont plusieurs, évoluant dans la sphère du GNL et des énergies à bas carbone, figuraient parmi les intervenants de l’événement. Concernant la mission de France gaz Maritime, elle « est d’étudier, promouvoir et d’accompagner le développement de carburants maritimes plus propre ». Ainsi avec le GNL/bioGNL et les carburants de synthèse obtenus à partir de l’hydrogène.
 
Décryptant les cadres réglementaires en France, en Europe et au niveau mondial, l’association cherche également à « garantir un cadre adapté et favorable à la décarbonation du maritime et atteindre la neutralité carbone ». Pour son dirigeant, « depuis la crise en Ukraine, le GNL a pris un peu une place de pilier de la sécurité énergétique en Europe ». Auparavant les flux de gaz qui étaient orientés de l’est vers l’ouest par gazoducs se sont inversés « avec des afflux de GNL assez massifs ».
 
Dans ce contexte, la France bénéficie d’un avantage stratégique important grâce à des terminaux implantés « sur l’ensemble de ses façades maritimes ». Ce n’est pas seulement pour notre pays que cette situation garantit la sécurité d’approvisionnement, c’est aussi pour toute l’Europe. Avec une part de 20 % en UE, la France est le premier importateur de GNL sur le Vieux Continent. D’où la possibilité d’offrir des prix attractifs aussi bien pour les consommateurs français que pour le secteur maritime du pays.

Les terminaux gaziers deviendront des hubs multi-énergies

La force du GNL pour décarboner le transport par la mer repose sur sa maturité technologique, sa disponibilité industrielle à l’échelle mondiale, et le nombre important d’armateurs qui exploitent cette solution : « Les commandes de navires fonctionnant au GNL ont été multipliées par 5 depuis 2020 ». Dans sa formule fossile, il permet déjà de réduire de 20 % les gaz à effet de serre et de « traiter toutes les problématiques liées aux particules, notamment celles concernant le soufre ». Par ailleurs, « sans aucune adaptation technique », les bateaux qui fonctionnent avec ce produit « pourront basculer sur des carburants encore plus performants en termes de réduction des GES ». Par exemple en employant du biométhane dont la production actuelle est de 15 TWh par an : « Ce qui est largement supérieur aux besoins du soutage en France ».
 
Pour 2030 et 2035, sont respectivement attendus 50 et plus de 95 TWh. « On aurait largement assez de biométhane pour décarboner le secteur maritime et l’usage du gaz en France de manière plus générale ». Avec lui, le taux de décarbonation atteindrait les 90, voir 95 %. De premiers avitaillements de navires en bioGNL ont eu lieu en 2025 dans l’Hexagone : « On voit que c’est un marché en plein essor et qui commence à arriver ».
 
Est-ce que la baisse de consommation de gaz fossiles pourrait être un problème pour les actuels terminaux ? Pas forcément, et pas à court terme en tout cas. Déjà parce que d’autres pays en Europe vont consommer du gaz fossile plus longtemps que la France. Ensuite parce que ces sites se préparent à devenir des hubs multi-énergies avec du bioGNL, de l’hydrogène, ainsi que l’exportation de CO2 pour des projets de séquestration du carbone.
 

Marché du GNL

Pour la première table ronde, dédiée au thème « Marché du GNL : les dynamiques et perspectives en France, en Europe » : deux intervenants. Laurent David représentait le groupe international des importateurs de GNL (GIIGNL). Créée en 1971 par 17 membres, avec « l’objectif principal de partager des informations techniques, des vues de marché, et travailler à la promotion d’une chaîne GNL qui soit sûre, fiable et durable », elle réunit aujourd’hui 93 acteurs dans le domaine. Grâce à eux, sont régulièrement produits des rapports de terrain recensant précisément les flux de GNL depuis les pays producteurs jusqu’aux importateurs. Le document recense aussi les installations de liquéfaction, ainsi que les terminaux de regazéification avec leurs évolutions. Entre les 2, une flotte de méthaniers qui « connecte la production à la consommation ».
 
Avec ces documents, il a été possible de constater la baisse des importations de GNL en Europe l’année 2024. A l’épisode précédent, sur fond de conflit russo-ukrainien en 2022-2023 provoquant la rupture d’approvisionnement par gazoducs depuis la Russie, un appel de GNL a été créé avec de très fortes importations.
 
D’où un certain reflux ensuite en 2024, la baisse étant compensée par les importations en Asie. Renversement de tendance en 2025 « avec un marché du GNL qui se rééquilibre ». Il s’accompagne d’un retour des importations en Europe, au détriment des flux vers l’Asie où la demande industrielle est en berne et où l’on observe un certain repli vers l’approvisionnement depuis la Russie via le gazoduc Power of Siberia.
 

De nouvelles capacités de production et de regazéification

En parallèle, « l’Europe a développé des capacités de regazéification, notamment dans les pays qui n’en étaient pas pourvus, comme l’Allemagne par exemple ». Participant à cette sécurisation de l’approvisionnement, l’Espagne et la France ont intensifié leurs propres capacités : « On a un marché européen qui est bien dopé au niveau de la regazéification et qui lui permet de faire face aux différents aléas ». Essentiellement en provenance du Qatar et des Etats-Unis, on attend une hausse des capacités de production en GNL de 180 millions de tonnes par an entre aujourd’hui et 2028. Parmi les autres sources possibles, le Canada et le Mozambique.
 
En Europe, le marché du GNL « peut être impacté par la directive sur les émissions de méthane et par celle sur la responsabilité ESG des fournisseurs ». Chez ces derniers, on estime que les textes qui les concernent « ne sont pas applicables en l’état », imposant à l’Europe « de revoir sa copie ». Au sujet des émissions de méthane, l’industrie s’était « déjà mobilisée pour garantir la place du GNL dans la transition énergétique ».
 
Les membres du GIIGNL veulent faire en sorte que la directive sur les émissions de méthane ne provoque pas des variations trop fortes sur le marché : « On ne devrait pas avoir de risques majeurs de manque de GNL selon les critères voulus par la Commission européenne ». Les incertitudes restantes en matière d’offres et de demandes ne permettent cependant pas à Laurent David de se prononcer sur l’évolution des prix. Il existe par exemple de gros besoins en GNL du côté des datas centers pour la fourniture d’électricité, tout comme pour décarboner la mobilité maritime : « Par nature, le GNL est flexible, et s’adapte aux différentes conditions de marché ».
 

Un portefeuille de 40 millions de tonnes de GNL

A la fois directeur en marketing chez TotalEnergies et président de la commission GNL pour France gaz, Romain de la Tournelle a le plus souvent abondé dans le sens des propos de Laurent David. Pour la grande entreprise qu’il représente, il a souligné que la décarbonation de la chaîne de production d’énergie s’appuie massivement sur le GNL en substitution du charbon, et sur des investissements dans le solaire et l’éolien. L’ambition de TotalEnergies à horizon 2030 est d’être dans les cinq plus gros producteurs d’énergies renouvelables.
 
L’énergéticien se place déjà aujourd’hui à l’échelle du monde comme le deuxième plus gros acteur privé en matière de GNL : « On a un portefeuille de 40 millions de tonnes, ce qui nous donne une part de marché de 11 % ». Avec une douzaine de pays concernés, l’entreprise de veut présente « sur l’ensemble de la chaîne : production, transport, accès à la regazéification, le trading et le soutage pour le bunkering ».
 
L’Europe consomme à l’année environ 100 millions de tonnes de GNL, dont 14 sont livrées par TotalEnergies, avec une part non négligeable pour la France. C’est pourquoi l’énergéticien dispose sur le territoire de capacités massives de regazéification dans les terminaux comme Montoir-de-Bretagne, Fos-sur-Mer Dunkerque et Le Havre, ainsi qu’en Europe « pour assurer la sécurité d’approvisionnement au bénéfice des consommateurs ».
 
« Les marchés se sont équilibrés »
 
En remontant en 2021 avant la crise, on s’aperçoit que la demande de gaz en Europe a reculé de 20 %, ce qui représente 80 milliards de mètres cubes en moins. Du côté des consommateurs, les habitudes prises pendant la crise persistent. S’y ajoutent la montée en puissance d’autres systèmes de chauffage comme les pompes à chaleur, un report vers l’électricité avec une bonne performance du nucléaire, et la progression du renouvelable : « Mais on a quand même besoin du gaz pour garantir l’intermittence ». Du côté de l’industrie, « l’environnement s’est assez dégradé. La demande en 2025 sera inférieure à celle de l’année dernière, et très inférieure à la tendance historique de 2018-2021 ».
 
Une part de 60 % de cette destruction de la demande est probablement définitive. Le reste, concernant en particulier le secteur du raffinage et de la chimie, serait réversible après un basculement vers le GPL. Du côté de l’approvisionnement, entre 2021 et 2025, on a perdu 120 milliards de mètres cubes en provenance de la Russie.
 
Sur la même période, le GNL a accentué sa présence en Europe de 60 milliards de mètres cubes. Au final, « les marchés se sont équilibrés » mais la structure entre l’offre et la demande « a considérablement évolué ». Et ce, dans un contexte de prix qui restent élevés et favorisent l’Europe au détriment de l’Asie pour les importations en provenance des Etats-Unis : « On parle souvent d’une nouvelle vague du GNL US, mais elle est déjà à l’œuvre ».
 

Décarbonation du GNL

Aujourd’hui, TotalEnergies s’est engagé dans la décarbonation de sa production, du transport et de l’achat/vente. En exemple, concernant le premier axe, la production du GNL : « Les besoins en électricité d’une usine GNL sont considérables ». Au lieu que cette énergie soit produite par du gaz, « aujourd’hui on décarbone avec du renouvelable, solaire et éolien, c’est ce qu’on fait pour 2 projets, au Mozambique et Marsa, avec des batteries ».
 
Les besoins en chaleur pour cette production sont aussi conséquents. Plutôt que d’utiliser classiquement des réchauffeurs au fioul, « on va récupérer la chaleur que nous avons des turbines à gaz qui, elles, ont un meilleur rendement qu’avant ». Au sujet du transport du GNL, TotalEnergies dispose de 34 méthaniers affrétés à court ou à long terme.
 
L’entreprise donne la priorité à de nouvelles constructions qui « ont des performances environnementales meilleures et des coques optimisées ». Ils ne fonctionnent donc plus avec du HFO mais du fioul marin léger avec reliquéfaction à bord. En outre, pour l’achat du GNL, l’énergéticien se conforme à la régulation 2024/1787 « qui fixe aux acheteurs en Europe d’obtenir des informations sur les émissions de méthane ».

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