Rétrofit bioGNV des TER : où en est la région Nouvelle Aquitaine ?

Rétrofit bioGNV des TER : où en est la région Nouvelle Aquitaine ?
Organisé par Ferrocampus qui fédère les acteurs de la filière ferroviaire pour sa transition écologique et technologique, un webinaire était consacré au programme de rétrofit au bioGNV des rames TER X73500 diesel qui circulent en Nouvelle-Aquitaine. Pour en présenter les enjeux et perspectives, étaient conviés Séverine Rengnet (Directrice générale de l’association), Matthieu Kurzenne (Ingénieur à la Direction des Transports ferroviaires de voyageurs pour la région Nouvelle-Aquitaine), Pierre Montauzé (Chef du Projet bioGNV Nouvelle-Aquitaine-Occitanie pour GRDF), et Jean-Jacques Mogoro (Directeur à la Fédération des industriels du ferroviaire).


 

Des autorails diesel qui arrivent en fin de vie

Dans son introduction à l’événement, Eloi Choplin a de suite dressé les grandes lignes d’un projet de décarbonation des autorails diesel qui touche en Nouvelle-Aquitaine à « la durabilité du matériel ferroviaire, à la transition énergétique, et à la souveraineté industrielle ».
 
L'événement, qui pouvait aussi être suivi à Bordeaux en présentiel depuis le siège du Conseil régional, a permis de « parler de solutions concrètes, de trajectoires, et de prototype » qui ont nécessité de réunir des collectivités, des industriels et des acteurs de la recherche « pour un transport ferroviaire plus propre et plus durable ».
 
A travers ce projet, il s’agit d’anticiper la suite à donner aux autorails X73500 qui arrivent en fin de vie sur le territoire : Faut-il les remplacer ou les rénover ? La solution à retenir doit répondre aux attentes des voyageurs de demain pour une mobilité décarbonée, tout en soutenant l’industrie française et en optimisant les dépenses.
 

Trains, cars et bus

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Renaud Lagrave, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine, et en charge des mobilités, a resitué le programme de décarbonation de ces rames, inclus à la feuille de route Néo Terra : « On travaille aussi à la décarbonation des cars régionaux. Il y en a 5 500 qui se promènent tous les jours dans notre région. » Le bioGNV a pleinement sa place : « Je crois véritablement que c’est un modèle d’économie circulaire permettant ainsi à la région d’aider les agriculteurs à installer des méthaniseurs ».
 
Selon l’élu, le réseau opéré par GRDF « est ainsi fait qu’il permet d’aller assez rapidement sur cette décarbonation ». Quand il a fallu s’intéresser aux émissions de CO2 du ferroviaire, le bioGNV est également vite apparu comme une solution intéressante : « On n’avait pas trop de propositions de la part, non seulement des constructeurs, mais aussi de la SNCF ».
 
C’est pourquoi il a été rapidement envisagé de travailler dans la région pour estimer la faisabilité de faire rouler les rames au bioGNV. D’où la vision d’un écosystème capable d’englober les trains, les autocars, et même les autobus : « On est aujourd’hui sur une filière qui, non seulement est mature, permet des retombées sur les territoires, et puis surtout de décarboner les moyens de transport ».
 

La Nouvelle-Aquitaine en région bien adaptée au bioGNV

Lors de ce webinaire, Séverine Rengnet avait aussi le rôle de rapporteur d’études de l’Ademe, dont l’une avait chiffré en 2022 à 3 000 les trains diesel circulant en France sur des lignes non électrifiées. Selon les estimations de l’agence de l’environnement, imaginer que tous les passer au bioGNV n’aurait consommé que 0,6 à 2,6 % des 6,9 TWh de biogaz injecté cette année-là.
 
En outre toute cette flotte ne pourrait être convertie pour fonctionner avec ce seul carburant alternatif. Déjà parce que des modèles d’autorails sont plus propices que d’autres à ce rétrofit. Mais aussi parce que cette solution est davantage adaptée aux lignes non électrifiées d’au moins 40 km de longueur, grâce à une autonomie en retrait de seulement 20 % par rapport au gazole. Sont à prévoir pour ce carburant des ateliers spécifiques de maintenance et des dépôts de gaz dont certains existent déjà.
 
Ce sont les régions Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, et Nouvelle-Aquitaine qui comptent le plus grand nombre de lignes potentiellement intéressantes pour une conversion des rames au bioGNV. En ajoutant l’Occitanie, les trois dernières sont aussi les mieux placées pour la production de biométhane. Face au gazole, mais aussi par comparaison à l’électrique à batterie ou par caténaire, l’impact de décarbonation du bioGNV sur le cycle de vie ACV est particulièrement significatif.
 

Equation à résoudre

C’est en tant qu’autorité organisatrice des mobilités que la région Nouvelle-Aquitaine s’intéresse à la décarbonation des rames diesel. Comme l’a indiqué Matthieu Kurzenne, elle « est confrontée à une équation assez complexe » à trois dimensions à résoudre dans une certaine urgence contextuelle.
 
Sur les 327 rames X73500 en circulation en France, plus de 50 desservent les lignes non électrifiées de ce territoire, principalement autour de Limoges et dans le Pays basque : « Ce sont des rames qui sont légères, compactes, qu’on qualifie parfois de bus sur rail. Selon la fréquentation, il est possible d’en atteler ensemble plusieurs : D’ici maximum 10 ans, leur durée de vie s'arrête. » Décider des suites à donner doit se faire dans « un contexte budgétaire particulièrement serré » et « dans l’urgence écologique » qui pousse « à réduire drastiquement nos émissions de carbone ». Le tout amène à s’intéresser au rétrofit bioGNV « qui nous semble pertinent pour répondre à chacune de ces trois problématiques ».
 

Une maturité bienvenue dans un contexte d’urgence

GRDF connaît parfaitement l’histoire de la mobilité au gaz qui ne trouve pas son origine dans une volonté de décarbonation. Pierre Montauzé a ainsi expliqué : « Les premières générations de véhicules, avec d’abord du GNV, c’était pour le transport des voyageurs afin de limiter les émissions de particules fines dans les centres-villes et réduire considérablement les oxydes d’azote ». C’était donc d’abord une question de santé publique : « A cela est venue s’ajouter une dimension gaz vert, particulièrement poussée par la région Nouvelle-Aquitaine, qui permet d’émettre 80 % de CO2 en moins qu’un véhicule diesel ».
 

Les 10 500 cars et bus ainsi que les 18 500 camions roulant au biométhane « témoignent d’une technologie complètement mature et sécurisée qui pourrait également profiter au ferroviaire pour transporter des voyageurs ». Cette maturité répondrait bien aux défis urgents de la mobilité : « Il y aurait presque plus qu’à faire un copier-coller de ce qui se passe sur les véhicules lourds routiers pour l’installer maintenant sur le ferroviaire ».


 

Solution de confort

Encore relativement jeune, l’injection du biométhane dans les réseaux de gaz se développe avec dynamisme : « On estime qu’en région Nouvelle-Aquitaine, on sera à 30 % de gaz vert en 2030 produit localement dans le cadre d’une économie circulaire qui profite à tout le monde, contre 20 % au niveau national ».
 
Représentant la filière du ferroviaire, Jean-Jacques Mogoro a rappelé les différentes solutions qui existent pour remplacer le gazole dans les trains : « Côté industriels, on a encore pas mal de choix devant nous, avec la batterie, l’hydrogène et le bioGNV. Ce qui permet d’orienter, c’est le délai de mise sur le marché ».
 
Par rapport à l’électrique, le bioGNV apparaît pour lui comme une solution de confort : « On a des industriels qui ont des possibilités pour faire du rétrofit, on a une commande publique qui a déjà anticipé la notion d’avitaillement avec une problématique de réseau déjà couvert. Maintenant on a plus qu’à se mettre en mouvement ensemble pour organiser la filière ».
 

De l’ordre de 60 millions d’euros d’économies sur 20 ans

Sans tenir compte de la réfection des voies et de la signalisation, des projections à 2040 en termes de TCO ont été effectuées pour le rétrofit au bioGNV face au gazole. Elles s’appuient sur 2 hypothèses, selon Séverine Rengnet : une augmentation très significative du coût du gazole entre 2020 et 2040, et un prix stable du bioGNV via un mécanisme de régulation.
 
En tenant compte des coûts des études spécifiques et des homologations, il ressort que, par rame, le Capex sur la durée de vie (20 ans) diminue mécaniquement plus il y aura d’exemplaires convertis. Il est de 1,05 million d’euros pour 4, descendant à 0,65 et 0,49 M€ respectivement pour 12 et 59 trains : « On voit l’importance d’avoir une stratégie industrielle basée sur du volume ».
 
Idem concernant les centres de maintenance à construire, avec, pour ces 3 volumes : 0,5, 0,17, ou 0,03 M€. Pour des coûts similaires en maintenance sur 20 ans estimés à 5,52 M€, on obtient en revanche des budgets très inférieurs en carburant.
 
De 4 M€ par rame sur la durée avec du matériel diesel, on descend à respectivement selon le nombre de véhicules convertis au bioGNV à 1,27, 1,13 ou 1,12 M€. A l’arrivée, un autorail diesel totalisant 9,52 M€ de dépenses pourrait être prolongé par le rétrofit bioGNV en ne coûtant unitairement pour sa nouvelle vie que 8,34, 7,46 ou 7,16 M€.
 

Une région bien adaptée

En prolongement de 20 ans par le rétrofit de toutes les rames X73500 en Nouvelle-Aquitaine, il pourrait se dégager une économie totale sur les coûts de l’ordre de 60 millions d’euros par rapport à du matériel neuf diesel. A rajouter les effets bénéfiques dans la région sur l’emploi ainsi que les retombées économiques.
 
La Nouvelle-Aquitaine bénéficie d’une situation idéale pour le développement du biogaz issu en particulier de la méthanisation. Matthieu Kurzenne a précisé : « C’est la première région agricole française, la première région d’élevage, la première région boisée. La ressource est présente ». D’où un certain dynamisme déjà en place : « Le bioGNV dans la région bénéficie d’un certain élan déjà existant. En 2024, on a eu 9 nouvelles unités [de méthanisation] mises en service ».
 
Ce contexte matche aussi avec « la directive de la région qui est de privilégier l’économie circulaire ». Pour Pierre Montauzé, alimenter des TER au gaz vert est aussi particulièrement adapté à la production : « Il y a un équilibre économique favorable lorsqu’on va mettre un usage bioGNV sur des mailles de réseau où vous avez des injections de gaz vert. Un méthaniseur produit toute l’année du gaz. Il a donc tout intérêt à avoir sur sa maille des utilisateurs qui vont avoir des consommations régulières toute l’année ».
 

Une question de maturité qui revient en boucle

En Allemagne aussi il a fallu penser à décarboner les petites lignes, ce qui a offert à Jean-Jacques Mogoro une source de comparaison : « Ils ont eu le souci de déployer énormément de caténaires pour voir comment la filière ferroviaire pourrait répondre. Ils n’ont pas réussi à les déployer autant qu’ils le souhaitaient. Ils sont arrivés à 62 % de couverture en 2025 en partant d’un niveau de 45 % ».
 
Une démarche analogue a été menée avec l’hydrogène pour les plus grandes lignes. Des tests et prototypages ont été réalisés pour que les constructeurs et équipementiers puissent prendre la suite : « Ils ont constaté lors des études de faisabilité sur l’hydrogène un problème de maturité de l’écosystème et de maturité de la technologie, et le coût de possession n’était pas satisfaisant ».
 
Le cas du bioGNV est très différent : « Que ce soit sur les principes d’avitaillement et même sur la technologie, tout est prêt. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est harmoniser les investissements en infrastructures, en matériel roulant et en logistique ». Ce qui passe par exemple par « standardiser les technologies pour diminuer les coûts unitaires ». Mais aussi par une certaine préparation : « Un moteur bioGNV, il a des particularités. Il faut savoir former les personnels à le gérer et que les ateliers soient déjà préparés pour accueillir ce type de technologie ».
 

Solution de transition

Le volet réglementaire concernant en particulier l’homologation n’est pas à oublier : « C’est un travail qui peut prendre du temps. Sur le ferroviaire, on est sur des cycles longs. Cela nécessite des gens qui connaissent les technologies, des gens qui n’en ont pas peur, des gens qui sachent les expliciter et des gens qui sachent faire des dossiers de sécurité pour garantir ces technologies ». Il est aussi question « de définir une gouvernance afin d’avoir une feuille de route progressive » et de réunir les acteurs qui contribueront au projet. Organiser la bascule vers le rétrofit bioGNV des autorails diesel nécessiterait selon Jean-Jacques Mogoro un étalement « à minima sur 10-15 ans, et même davantage pour donner de la visibilité à la filière ferroviaire ». Celle-ci a l’habitude de travailler sur une échelle de 25 ans.
 
Alors que l’électrification qui demanderait des investissements massifs, un fonctionnement bi-mode ou électrique à batterie des autorails ne sont actuellement pas envisageables en Nouvelle Aquitaine, le bioGNV est perçu a minima comme une solution de transition. Matthieu Kurzenne a détaillé : « Celle qui offre le meilleur compromis d’un point de vue écologique, technique, d’exploitation, et qui en plus offre un vrai plus sur l’aspect économique, c’est le bioGNV ».
 

Quasi validée sur plan

Si le rétrofit bioGNV a déjà été réalisé pour des autocars, ce n’est pas encore le cas en France pour les trains. La question de l’avitaillement et l’aspect réglementaire ont aussi été déjà traités pour le transport routier de voyageurs. « Quand vous avez une station avec 100 bus qui doivent s’avitailler sur un dépôt, avec parfois à côté de la recharge électrique à grande puissance, encore à côté du gazole… il y a déjà une réglementation qui existe et qui a été éprouvée pour les ateliers, la maintenance et tout ce qui est sécurité des salariés, et formation de ceux qui travaillent sur ces véhicules au gaz », a listé Pierre Montauzé en soulignant : « Il y a déjà un savoir-faire et une expérience ».
 
Il reste donc à voir « toute la partie homologation spécifique au rail », alors qu’aucun obstacle ne devrait empêcher le rétrofit au gaz vert du matériel ferroviaire de transport de voyageurs.
 
Parmi les contraintes, une autonomie minimale de 500 km : « On est à 737 km estimés. Le design pour intégrer le réservoir et le moteur est validé à partir d’un autorail sur chandelles qui a permis de faire un scan 3D. Sur plan, mais de manière très précise, la solution technologique est quasi validée ».
 

Un prototype encore à réaliser : un appel d'offres prévu début 2026

Il reste encore un prototype à réaliser, qui sera en particulier nécessaire pour l’homologation : « On peut être confiant sur cette phase-là, même si c’est du travail ».
 
Matthieu Kurzenne annonce, concernant le prototype qui devrait venir confirmer tout le travail effectué jusqu’à présent : « La Nouvelle-Aquitaine se charge de lancer un appel d’offres début 2026 pour sélectionner une entreprise qui serait prête à rejoindre la Région et l’équipe du projet dans cette démarche globale passant par ce prototype ».
 
Ce dernier doit permettre de valider les études théoriques et la question de l’allongement de la durée de vie du matériel. Le territoire espère échanger sur ce programme avec « les autres régions motrices et motivées par le projet » pour aller vers « un engouement encore plus fort » sur le rétrofit au gaz vert des autorails diesel X73500.

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