Union TLF : « Nous entrons dans l'ère des énergies locales »

Union TLF : « Nous entrons dans l'ère des énergies locales »
Tariel Chamerois, président de la commission Développement durable de l’Union TLF
L’Union des entreprises Transport & Logistique de France (TLF) défend un mix énergétique pour décarboner les mobilités. Pour Tariel Chamerois, le président de sa commission Développement durable, cette transition sera soutenue par des initiatives et des innovations au sein d’écosystèmes locaux.
 
 
Quelles sont les missions de l’Union TLF et de sa commission Développement durable ?

Tariel Chamerois (TC) : L’Union TLF est la seule organisation professionnelle qui rassemble toute la chaîne transport et logistique. Ses 2 000 entreprises adhérentes, de toutes tailles, emploient un tiers des salariés de la branche, soit près de 190 000 personnes. Ce sont des transporteurs, logisticiens, commissionnaires de transport et représentants en douane dans le maritime, l’aérien, le routier, le fluvial, le rail et le multimodal.

La transition écologique est l’un des grands enjeux de TLF, avec la compétitivité de la filière et l’attractivité des métiers. Composée de professionnels du secteur, membres d’entreprises adhérentes, sa commission Développement durable suit et anticipe les enjeux RSE dans la filière. En veille sur l’évolution de la réglementation, ses principales missions sont de favoriser l’usage et le développement des énergies renouvelables, sensibiliser et accompagner les professionnels dans la transition énergétique et encourager les pouvoirs publics vers plus de visibilité.
 
Quels sont les principaux leviers de décarbonation du transport routier de fret ?

TC : L’Union TLF et sa commission Développement durable ne recommandent ou ne privilégient aucune énergie alternative au gazole en particulier. Nous soutenons un mix énergétique. Son évolution dépendra de plusieurs facteurs, souvent liés : une offre de motorisations alternatives diversifiée et d’énergies décarbonées et renouvelables, en quantité suffisante, couplées à des infrastructures denses, pour les distribuer sur l’ensemble du territoire.

Le coût d’exploitation et de possession, ou TCO, de cette offre de véhicules décarbonés doit, en outre, être accessible, acceptable et soutenable au plan économique. Enfin, la réglementation doit accompagner le déploiement de ce mix énergétique, comme celle consacrée aux poids et dimensions des véhicules.

 
Est-ce que cette approche - qui croise la Feuille de route de la profession sur la décarbonation des véhicules lourds publiée au printemps 2023 - est suivie par les pouvoirs publics et les autorités européennes ?

TC : L’analyse du Plan d’actions pour le climat, via les nouvelles Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ou Programmation pluriannuelle énergie-climat par exemple, montrent des choix inspirés davantage par les orientations européennes en faveur de l’électromobilité, avec batteries et/ou à hydrogène. Nous restons néanmoins convaincus que pour réussir la décarbonation du transport, toutes les énergies alternatives seront utiles et nécessaires, y compris les carburants liquides bas-carbone et le bioGNV.
 
Parmi ces énergies alternatives, quels sont les atouts et freins au développement du bioGNV ?

TC : Le GNV et sa version bio et renouvelable sont des carburants matures. La flotte, fonctionnant avec ces énergies, représente la quasi-totalité des motorisations alternatives existantes dans le parc poids lourds français. Le biométhane permet de réduire jusqu’à 85 % les émissions de gaz à effet de serre selon un schéma décarboné et vertueux, fondé sur l’économie circulaire autour d’écosystèmes qui peuvent être locaux. C’est une énergie disponible combinée à un réseau de distribution existant, via GRDF, GRT et des stations-services publiques et privées.

Si les stratégies des constructeurs de véhicules industriels divergent sur les futures technologies et énergies, l’offre de véhicules, roulant au bioGNV, est suffisante et stable.

 
Le manque de reconnaissance de ces atouts par les autorités européennes et françaises est sans doute sa principale faiblesse, son talon d’Achille. Or, nous aurons besoin de toutes les énergies pour lutter contre le changement climatique et décarboner les transports. Une approche fondée sur les cycles de vie complets des énergies (ACV) et/ou la prise en compte de facteurs de correction carbone, améliorerait la reconnaissance du biométhane.
 
Ce contexte complexifie-t-il pas les stratégies des entreprises du secteur des transports et de la logistique ?

TC : La commission Développement durable de TLF a une mission d’information pour aider les entreprises à faire des choix et des investissements éclairés. Il est certain que les choix énergétiques, étroitement liés aux usages, différencieront et démarqueront les entreprises.

L’ère de la mono-énergie autour du gazole s’achève. De nombreux territoires, soutenus par leurs collectivités et entreprises locales, ont pris conscience de cette évolution. En témoignent la production d’énergie renouvelable, comme le solaire, l’éolien, le bioGNV avec le monde agricole, ou la production d’hydrogène vert. Nous entrons dans l’ère des énergies locales destinées à des usages ciblés. La constitution d’écosystèmes locaux et pérennes est sans doute l’une de leurs conditions de succès. 

 
Quel est le potentiel de l’hydrogène dans la mobilité lourde ?

TC : Les véhicules à hydrogène, avec leur forte autonomie et un temps de charge rapide, répondent plus particulièrement aux usages du transport routier sur longue distance ou intensifs. Il s’agit toutefois d’une technologie balbutiante dans la mobilité lourde qui pose de nombreuses questions, en matière de transport et de distribution de cette énergie, ainsi que de coûts et de TCO. L’industrialisation et les économies d’échelle associées, restent le principal défi de l’hydrogène vert dans la mobilité. La France possède une expertise dans les technologies hydrogène avec des acteurs puissants et/ou très innovants. Associer ses savoir-faire à un soutien financier public et à des utilisateurs, comme des transporteurs routiers, autour d’écosystèmes locaux par exemple, aurait du sens.
 
Les aides doivent, notamment, accompagner les transporteurs à acquérir des véhicules à hydrogène qui sont très chers actuellement. Pour être efficaces dans le secteur des transports, ces aides devraient combiner les bonus écologiques et les appels à projets.

 
Quid du retrofit ?

TC : Le rétrofit peut diminuer une partie du coût des camions à hydrogène et accélérer leur développement. Des simplifications administratives sont nécessaires cependant pour obtenir, plus facilement, les homologations. Il faut aussi garder à l’esprit que ce sont la pile à combustible, les réservoirs et les batteries qui rendent les camions à hydrogène couteux.

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Erick DEMANGEON Erick DEMANGEON
Journaliste
Erick est spécialiste des chaînes d'approvisionnement, des transports et de la logistique.

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1 Commentaire

  1. AlberiPublié le 21/02/2024 à 12:33

    Des extraits de l’interview :"Le GNV et sa version bio et renouvelable sont des carburants matures. (...) Le biométhane permet de réduire jusqu’à 85 % les émissions de gaz à effet de serre selon un schéma décarboné et vertueux, fondé sur l’économie circulaire autour d’écosystèmes qui peuvent être locaux. C’est une énergie disponible combinée à un réseau de distribution existant, via GRDF, GRT et des stations-services publiques et privées.(...)"
    Mais aussi "Le manque de reconnaissance de ces atouts par les autorités européennes et françaises est sans doute sa principale faiblesse, son talon d’Achille. (...) Une approche fondée sur les cycles de vie complets des énergies (ACV) et/ou la prise en compte de facteurs de correction carbone, améliorerait la reconnaissance du biométhane."

    Et cela serait valable pour la mobilité lourde et non pour les véhicules légers !
    Cette Commission Européenne a un comportement dogmatique et non rationnelle.

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