2023 : Une année noire pour la formation à la méthanisation agricole ?

2023 : Une année noire pour la formation à la méthanisation agricole ?
Lancée au niveau national il y a environ 4 ans, la formation de responsable d’unité de méthanisation agricole (Ruma) a été mise en place pour répondre à des besoins exprimés précis. Cette année-là, 4 établissements l’ont intégrée à leurs offres. Il s’agit des CFPPA (centres de formation pour adultes) de la Meuse, de la Mayenne, de la Dordogne, ainsi que de l’Iréo Les Herbiers en Vendée. Tous les 4 étaient représentés à Bio360 Expo 2023. Nous avons rencontré les enseignants responsables du cursus pour les 2 derniers établissements.
 
Alors que se profilait en France le passage au millier d’unités de méthanisation, se faisait de plus en plus ressentir le besoin d’une formation visant à professionnaliser et sécuriser le développement de ces dernières. Les exploitants pionniers ont largement essuyé les plâtres en devant faire preuve de persévérance parfois sur une dizaine d’années avant d’ouvrir chez eux les vannes du biogaz vers le réseau.
 
Même si une salutaire évolution a été remarquée au niveau de la filière, les projets restent lourds à porter. Ce qui explique par exemple la réunion de plusieurs agriculteurs, parfois au nombre de dizaines, autour d’une importante unité de méthanisations.
 
Ainsi, pour exemple, les 72 acteurs du programme Oudon biogaz, pour lequel nous avions fait le déplacement en Mayenne à l’occasion de la cérémonie officielle de la pose de la première pierre. Devant déjà être présents un peu partout à la fois sur leurs terres, les chefs d’exploitation souhaitent aussi pouvoir se reposer sur du personnel compétent et qualifié à l’heure de diversifier leur activité. La formation de responsable d’unité de méthanisation agricole permet d’obtenir une certification de spécialisation de nature à donner confiance en interne comme à l’extérieur.
 

Objectif : Piloter une unité de méthanisation agricole

C’est sous la forme d’une alternance que se déroule la formation de responsable d’unité de méthanisation agricole.
 
« C’est 12 semaines dans le centre de formation et 35 semaines dans une unité de méthanisation pour apprendre sur le terrain », précise Olivier Gaboreau que nous avons rencontré à Nantes dans le cadre du salon Bio360 Expo. Il est le directeur de la Maison familiale rurale Iréo installée aux Herbiers.
 
Son établissement «  recrute sur 4 bassins : les Pays de la Loire, la Bretagne, la Normandie et la Nouvelle Aquitaine ». Le rayonnement de l’Iréo s’estompe à l’approche du territoire couvert par le CFPPA de Dordogne, localisé à Périgueux.
 
« Nous recevons des candidatures d’Aquitaine, Occitanie et de la région de Clermont-Ferrand », complète Carine Dumas-Larfeil, responsable pour ce centre de la formation Ruma. La plaquette de son établissement promet pour cette spécialisation, à la fin du cursus, de pouvoir « piloter une unité de méthanisation agricole dans le respect de la réglementation et dans une perspective de durabilité ». Celle de l’Iréo annonce : « Former un technicien capable d’intervenir sur des unités de méthanisation ». Ce qui passe par l’acquisition de compétences nécessaires à l’installation du méthaniseur, la maintenance du matériel et l’organisation de l’activité.
 
Au salon Bio360 à Nantes, Olivier Gaboreau présentait son offre de formation Ruma
 

Formation rémunérée

« Nous recevons 2 profils pour cette formation. Jusque 30 ans, ce sont des apprentis issus pour la plupart des BAC et BTS agricoles. Au-delà, ce sont des adultes en situation de reconversion professionnelle. Bénéficiant du statut de stagiaire, ces derniers seront le plus souvent embauchés par une unité de méthanisation à l’issu de la formation. Dans notre actuelle session, le plus âgé à 45 ans. Ce qui n’est pas une limite. A 50 ans, c’est encore possible », détaille Olivier Gaboreau.
 
« Certains de nos étudiants viennent chez nous avec déjà une entreprise pour la partie stage de terrain. Si ce n’est pas le cas, nous avons bien une dizaine d’unités de méthanisation à proposer au choix à chacun de nos apprenants. Aujourd’hui, ces appentis sont très recherchés. Et leur rémunération est très correct : 80 % du Smic pour les jeunes, et 100 % pour les adultes », chiffre-t-il.
 
« La formation est découpée en 3 grands modules. Le premier concerne le pilotage du processus de la méthanisation. Ce qui commence par la recherche des intrants et leur gestion, pour aboutir à la valorisation des produits sortants. Le deuxième module s’intéresse à la maintenance des équipements et du matériel. On est sur de la mécanique supérieure et de l’hydraulique. Il faut par exemple savoir changer une pompe et intervenir en toute sécurité », présente-t-il.
 

Communication positive

Nous avons sans doute tous en mémoire le cas de porteurs de projets de méthanisation en proie à des oppositions de la part des riverains. Et parfois la situation inverse, avec un programme qui se déroule sereinement, sans hostilité. La communication est un outil incontournable à activer pour emporter l’adhésion du voisinage. Elle est comprise dans le troisième module de la formation Ruma.
 
« Nous parlons de gestion de la communication positive. Nos apprentis sont pour cela confrontés à un petit test. Ils doivent accueillir des classes d’enfants et leur expliquer comment la méthanisation est acceptable », illustre Olivier Gaboreau.
 
Ce dernier module porte aussi sur « l’organisation de l’activité de méthanisation, la gestion humaine, la partie logistique, etc. Au final, nous formons des personnes pour être en complète autonomie dans leur domaine ». C’est le même accompagnement qui est proposé à Périgueux. « Nous travaillons la méthanisation avec une sensibilisation à l’agro-écologie. Au niveau BTS, en amont de la formation Ruma, nous mettons en scène la valorisation du digestat grâce à une petite unité que nous avons sur place et qui est alimentée en particulier par les déchets de notre cantine », met en avant Carine Dumas-Larfeil.
 

Année noire…

En Vendée comme en Dordogne, le compte n’y est pas vraiment au niveau de l’effectif dans la formation Ruma.
 
« Nous connaissons habituellement une moyenne de 8 à 10 apprenants. Avec seulement 6, nous avons actuellement notre plus petite session », nous confie Olivier Gaboreau. La situation est pire encore à Périgueux. « Nous avons commencé à 3 apprenants, puis 6, et 4. Mais là, nous n’avons personne », reconnaît Carine Dumas-Larfeil.
 
Comment expliquer cette situation ? Il n’y a donc plus de besoin en responsables d’unité de méthanisation agricole ? « C’est tout le contraire. Le métier est actuellement en grande tension. Des exploitants cherchent d’urgence à recruter. Les besoins sont pour tout de suite. Les jeunes n’ont pas le temps de se former et les chefs d’exploitation ne les envoient pas chez nous », explique la responsable du cursus Ruma pour le CFPPA de Dordogne.
 
De son côté, le directeur de l’Iréo avance une autre raison qu’il a ressenti sur le territoire couvert par son établissement : « Il y a actuellement une lenteur à développer les projets et à passer à la phase de construction. Des porteurs s’aperçoivent que le budget à consacrer est plus élevé qu’ils le pensaient. Parfois c’est l’accord de la banque qui ne vient pas ».
 

…mais sans pessimisme

En dépit de la situation actuelle, Carine Dumas-Larfeil et Olivier Gaboreau conservent leur optimisme. « Nous restons très confiants, très optimistes concernant la reprise. Notre formation répond à un enjeu national, à des questions de géopolitique. Il s’agit de produire autrement de l’énergie. Ce qui est possible avec la valorisation des effluents et la culture des Cive », assure ce dernier.
 
« Pour faire connaître notre formation, nous travaillons auprès de notre lycée et des autres, proposons une sensibilisation avec des visites d’unités. C’est tout un travail d’appropriation que nous effectuons. En tenant un stand dans des salons agricoles, ou comme ici à Bio360 Expo, nous touchons des candidats potentiels », expose Carine Dumas-Larfeil.
 
Pendant que nous étions à recueillir les propos des représentants des centres de formation des Herbiers et de Périgueux, ceux de Bar-le-Duc et Laval intervenaient sur le podium en face au sein de la conférence « De la conception à l’exploitation - Quelles formations pour travailler dans la méthanisation et monter en compétences ? ».
 

Une formation à ne pas négliger

« Au bénéfice des apprenants, la formation Ruma aide à décrocher un premier recrutement, à sécuriser un emploi. Pour les exploitants agricoles, elle permet de recruter une personne pleinement opérationnelle et fidèle », plaide Olivier Gaboreau.
 
« Sur le moment, ce cursus peut apparaître comme une contrainte et une perte de temps. Mais une fois sur le terrain, les jeunes formés auront davantage confiance en eux et disposeront d’un véritable réseau pour les aider. Reconnus dans leur spécialisation, il sera plus facile par exemple de décrocher des financements auprès des banques », justifie à son tour Carine Dumas-Larfeil. « Au final, avec la formation, c’est sur le long terme que les formés et leurs employeurs gagneront du temps », conclut-elle.
 
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement Carine Dumas-Larfeil et Olivier Gaboreau pour leur accueil lors du salon Bio360 Expo 2023.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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