La filière française du gaz renouvelable a besoin d'une nouvelle stratégie

La filière française du gaz renouvelable a besoin d'une nouvelle stratégie
A l’occasion de la publication du « Panorama des gaz renouvelables en 2022 », le SER et les gestionnaires des réseaux gaziers alertent sur un risque majeur de coup de frein sur les nouveaux projets de production, notamment en matière de méthanisation. C’est pourquoi ils interpellent les pouvoirs publics pour la mise en œuvre de « mesures fortes et immédiates » qui permettront aux investisseurs d’assurer une trajectoire solide dans un contexte économique difficile et perturbé.
 

9 TWh de capacité annuelle d’injection

Pour bien faire comprendre toute l’importante de l’écosystème du gaz renouvelable pour décarboner l’économie française et assurer davantage son indépendance énergétique, le SER (Syndicat des énergies renouvelables), GRDF, GRTgaz, le SPEGNN et Teréga mettent en avant que, « en moins de 3 ans, la filière du biométhane a développé une capacité supérieure à la production d’un réacteur nucléaire ».
 
L’année 2022 a permis de mettre en service, pour la deuxième année consécutive, 150 nouveaux sites de méthanisation avec injection dans l’Hexagone. Ces derniers sont désormais plus de 500, pour une capacité annuelle cumulée de 9 TWh. Cette performance amène les 5 partenaires à souligner que « la méthanisation pour injection est la seule filière d’énergie renouvelable française à être en avance sur les objectifs qui lui ont été fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie ».
 
Pour rappel, la cible à atteindre en 2023 était de 6 TWh. Les quantités effectivement injectées dans les réseaux de gaz se sont élevées à 7 TWh fin 2022 (même niveau que le Royaume-Uni, mais derrière l’Allemagne et ses 12,8 TWh), contre 4,3 TWh l’année précédente. Soit une progression supérieure à 60 % en un an. Le tout couvre à hauteur de 1,6 % la consommation de gaz naturel en France. C’est 76 % de mieux que l’exercice 2021.

 

Le scénario qui se profile

Si la dynamique pour le développement de la méthanisation est restée forte jusqu’en 2022, c’est après, à partir de 2024, qu’un brutal ralentissement est redouté. Pourquoi cette crainte ? Entre 2018 et 2020, de l’ordre de 250 nouveaux projets étaient chaque année enregistrés. En 2022, seulement 77 ont été intégrés au registre de capacités. Ce qui « compense à peine les projets abandonnés », déplorent les partenaires.
 
La forte baisse des tarifs d’achat décidée en 2020 en est une cause. Une autre est l’augmentation des dépenses des producteurs, parmi lesquelles on trouve l’électricité. De quoi inquiéter très sérieusement les porteurs de projets sur la viabilité de leur dossier. Mais aussi les responsables des unités déjà en exploitation.
 
« Le cadre économique et règlementaire ne permet plus d’assurer les conditions de développement de cette filière pourtant indispensable dans tous les scénarios de transition énergétique », explique le président du SER, Jules Nyssen.
 

1 705 sites de production

Depuis plusieurs années, le SER et les gestionnaires des réseaux gaziers livrent un panorama annuel de la filière. La nouvelle et huitième édition tient sur 36 pages.
 
Ce travail est déjà l’occasion de dresser un état des lieux dans l’Hexagone. A la fin de l’année dernière, 1 705 installations produisaient et valorisaient des gaz renouvelables, dont 514 (30 %, en progression de 41 %) pratiquaient l’injection de biométhane. Toutefois le plus grand nombre d’unités se consacraient à valoriser leurs volumes de biogaz à la fois en électricité et en chaleur. Avec une progression de 5 %, elles étaient au nombre de 994, soit un peu plus de 58 %. Les 197 sites restants (11,5 %) se sont focalisés sur la production de chaleur.
 
Si on se limite aux unités qui injectent le biométhane, 3 régions dépassent le térawattheure de capacité annuelle installée : Grand Est (1,888 TWh installés pour 95 sites, 1,628 TWh injectés), les Hauts-de-France (1,646 TWh avec 77 installations, 1,262 TWh injectés) et Nouvelle-Aquitaine (1,134 TWh provenant de 45 unités, 672 GWh injectés).
 
Toutefois, avec respectivement 68 et 50 localisations, la Bretagne (701 GWh installés, 593 GWh injectés) et l’Ile-de-France (897 GWh installés, 720 GWh injectés) sont devant cette dernière en nombre d’unités. Les 3 régions à la fin du classement sont l’Occitanie (377 GWh, 17 sites), la Bourgogne-Franche-Comté (242 GWh, 15 sites) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (76 GWh, 6 sites).

 

Diversité des installations avec injection

La nouvelle étude offre une occasion de plus de montrer la diversité des sites de méthanisation. Ce qui n’est pas inintéressant car on parle finalement assez peu de la famille des centres d’enfouissement ISDND (Installation de stockage de déchets non dangereux). Ils sont 7 au total, représentant, avec 217 GWh annuels, 2,4 % de la capacité installée d’injection.
 
Nous avons un peu plus l’occasion d’évoquer la méthanisation obtenue par les stations d’épuration à partir des eaux usées urbaines et/ou industrielles. Les 15 Step pèsent 333 GWh de capacité d’injection (3,7 %).
 
Dans la dernière famille sont regroupées plusieurs profils d’installations. Le plus important rassemble 339 unités agricoles autonomes qui ne fonctionnent qu’avec les déchets des exploitants, avec une capacité de 5,122 TWh (56,9 %). Il est suivi par les 102 installations agricoles territoriales qui intègrent d’autres déchets (Step, industries, etc.) collectés sur le territoire qu’elles occupent. Elles totalisent 2,370 TWh de capacité (26,3 %). Les 2 derniers profils de la famille affichent des chiffres plus modestes : méthanisation industrielle territoriale (16 sites, 542 GWh de capacité annuelle installée, soit 6 %) ; méthanisation des déchets ménagers et biodéchets (15 sites, 333 GWh, 3,7 %).

 

Perspectives

Les rédacteurs du panorama ont distingué, sur les 514 installations qui pratiquent l’injection, 71 branchées aux réseaux de transport (14 % en nombre, et 2,1 TWh/an de capacité soit 23 %) et 443 aux réseaux de distribution (86 % en nombre, et 6,9 TWh/an de capacité soit 77 %).
 
Sont aujourd’hui inscrits au registre des projets demandant l’injection du biométhane, 1 175 dossiers pour une capacité de 25 TWh/an, dont 882 sont en file d’attente (n’injectant pas encore ou partiellement) pour 16,1 TWh/an.
 
Le delta donne cette capacité installée de 9 TWh calculée en fin d’année dernière. Dans le détail : 1 169 projets concernant la méthanisation (24,8 TWh/an), 3 en pyrogazéification (0,27 TWh/an) et autant en méthanation (0,02 TWh/an). Ces 25 TWh/an pourraient être disponibles avant 2026. Ce qui correspond à la consommation annuelle moyenne de 113 000 poids lourds, camions ou autobus, alimentés au bioGNV. A moins de le traduire en nouveaux logements chauffés au gaz : 4 millions.
 
Là encore, les régions Grand Est (171 projets d’injection pour une capacité annuelle de 4,5 TWh) et Hauts-de-France (135 projets, 3,6 TWh) sont tout en haut de la liste. A la lecture des chiffres, on remarque que la Normandie se dynamise en occupant la quatrième place (110 projets, 2,4 TWh).

 
Quid de la mobilité ?

Une page du panorama 2022 est consacrée à la mobilité, en reprenant des chiffres à fin novembre 2022 de l’AFGNV. Il circulait alors en France 12 471 véhicules légers, et 8 856 poids lourds (+25 % en un an) fonctionnant au GNV/bioGNV. Parmi ces derniers : 7 401 autobus et autocars (+ 30 %), et 4 193 bennes à ordures ménagères (15 % du parc des BOM). Sauf une, toutes les villes de plus de 200 000 habitants exploitent de tels véhicules pour la collecte des déchets ou les transports en commun.
 
Près de 50 % des autobus vendus en France sont des modèles conçus pour être alimentés au gaz naturel. Cela pose forcément question face aux exigences de l’Europe de passer au 100 % zéro émission dès 2030.
 
Pour les alimenter, avec 95 nouvelles ouvertures, on recense 650 stations d’avitaillement. Sur les 350 environ qui sont aujourd’hui ouvertes au public selon notre propre carte des stations GNV citée dans le document, on retrouve les maillages les plus importants pas forcément dans les régions les plus dynamiques concernant la méthanisation : Ile-de-France (50), Auvergne-Rhône-Alpes (47) et Nouvelle Aquitaine (40). L’année dernière, 36 % du GNV consommé était d’origine renouvelable, soit environ 1 TWh.
 

Des mesures fortes et rapides espérées

Le SER et les gestionnaires des réseaux gaziers espèrent des mesures fortes et rapides qui tiennent compte des spécificités de la filière. Les investissements sont élevés, pour des équipements dont la production n’est pas délocalisable dans les pays où la main-d’œuvre est à bas coût.
 
Les partenaires ont aligné : « la mise en œuvre opérationnelle du dispositif des certificats de production de Biogaz (CPB), l’adaptation des tarifs d’achat aux conditions économiques que connaît la filière, et la fixation d’un objectif volontariste de développement des gaz renouvelables dans la loi de programmation énergie climat à venir ». Pour eux, ces mécanismes seraient nécessaires, mais aussi et surtout suffisants pour « consolider un redémarrage rapide et durable de la filière ».

Panorama du gaz renouvelable 2022

Cette 8e édition du panorama du gaz renouvelable s'inscrit rétrospectivement dans une année traversée par une crise énergétique majeure, qui a confirmé l'intérêt stratégique d'une production nationale de gaz renouvelables.
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