Gaz naturel & mobilité – Le point de vue de l’ADEME avec Jérôme CICILE

Gaz naturel & mobilité – Le point de vue de l’ADEME avec Jérôme CICILE
Tandis que le gaz naturel carburant revient peu à peu sur le devant de la scène, gaz-mobilité a rencontré l’ADEME pour dresser un état des lieux de la filière. Du bilan environnemental du GNV et du biogaz aux différentes mesures incitatives en cours et à venir jusqu’aux obligations locales et européennes, Gaz-Mobilite.fr revient sur les principaux enjeux de la filière avec Jérôme Cicile, Ingénieur Transports, Mobilité, Qualité de l’Air au sein de la Direction Régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) de l’ADEME. Après plusieurs années de silence, la mobilité gaz naturel semble revenir peu à peu sur le devant de la scène. Du gaz naturel au biogaz, quel est le positionnement de l’ADEME vis-à-vis de ce carburant ?

Jérôme Cicile, Ingénieur Transports, Mobilité & Qualité de l’Air de l’ADEME PACA.
L’ADEME a toujours été un grand défenseur du gaz naturel appliqué au secteur des transports. Toutes nos évaluations environnementales plaident largement en faveur de cette filière. Des tests conduits par l’ADEME indiquent par exemple que sur des moteurs poids-lourds Euro 6, la réduction des rejets d’oxydes d’azote (NOx) se situe entre -30 et -70% par rapport au diesel. Or le transport routier est responsable à plus de 50% de ces émissions, très nocives. S’agissant des particules, la comparaison avec le diesel est également foudroyante. Vous savez par ailleurs combien nous sommes impliqués sur les problèmes de qualité de l’air en zone urbaine, ce qui nous conduit par exemple à recommander le gaz naturel pour la logistique urbaine, à l’instar de ce que font les Italiens depuis des années. BioGNV – « Une clé majeure de la transition énergétique des transports » Le bioGNV quant à lui, issu de la méthanisation des boues de stations d’épuration ou de certains déchets par exemple, représente une formidable source d’approvisionnement. Injecté dans les réseaux ou dans les stations fixes, il est l’une des clés majeures de la transition énergétique dans les transports. De plus, la réduction de CO2 émis par l’utilisation du bioGNV versus le diesel est radicale, le bilan CO2 étant quasi-neutre. Une filière génératrice d’emplois Enfin, et ce n’est pas le moindre élément, cette filière peut également contribuer à créer des emplois et développer notre indépendance énergétique dans un schéma vertueux d’économie circulaire. Dans sa vision prospective 2030-2050, l’ADEME indique que 50% du mix gaz à cette période devrait être issu de biométhane produit localement. Au final, le gaz présente également l’avantage de toucher plusieurs modes : terrestre, fluvial et maritime. Des projets de tailles significatives commencent ainsi à voir le jour en Europe et dans d’autres pays du monde. Comment l’ADEME accompagne les acteurs publics et privés dans le déploiement de flottes de véhicules et de stations GNV/GNL ? En PACA ? En France ? En région PACA, nous avons contribué à financer plusieurs stations GNV pour les flottes captives des collectivités. Nous avons également financé l’achat de véhicules légers et utilitaires. Ces opérations, moins d’une dizaine sur dix ans, sont néanmoins restées assez discrètes et le GNV n’a pas connu l’essor que nous espérions. Les efforts se sont alors concentrés sur l’électromobilité, avec les résultats que nous connaissons aujourd’hui et notamment le déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques. « Le GNV a encore besoin de l’appui de l’Etat… » Plusieurs années après, le regain d’intérêt est manifeste, en particulier sur les modes lourds et le transport de marchandises. Aussi, nous repartons dans la bataille et sommes en train de préparer de nouveaux modes d’intervention en régions, à l’instar de ce que la Direction Régionale Rhône-Alpes a déjà lancé. En quelques traits, il s’agit d’aider la filière à s’affirmer en prenant en charge une partie du surcoût d’acquisition des poids-lourds fonctionnant au GNL, qui est de l’ordre de 30.000 € par rapport au diesel. A ce jour, nous estimons que le GNV a encore besoin de l’appui de l’Etat pour compenser le manque de stations publiques et les surcoûts liés à l’absence de marché de masse. L’exemple de la région Rhône-Alpes

Illustration : station GNV récemment inaugurée à Villeurbanne
En Rhône-Alpes, le principe de l’aide de ce premier projet conduit avec GrDF est calé sur l’acquisition d’une quinzaine de véhicules. En contrepartie, les transporteurs s’engagent à réaliser tout ou partie de leur approvisionnement dans une station GNV commune, publique, construite et exploitée par un énergéticien. Cet engagement d’avitaillement permettrait d’assurer à l’énergéticien un volume de vente minimum, de sorte à lui garantir un seuil minimal de rentabilité. Pour rappel, le coût d’une station GNL complète clé en main est aujourd’hui de l’ordre de 1,2 million d’euros. Des projets & réflexions en PACA En PACA, nous discutons depuis plusieurs mois avec un fournisseur de stations GNL, qui lui-même est au contact direct de nombreux transporteurs. Le projet présente un intérêt supplémentaire car il prévoit également d’injecter graduellement du biométhane dans les stations et qu’il s’inscrit dans un schéma d’économie circulaire. Ce faisant, nous sommes en train de réfléchir plus précisément à nos modes d’intervention avec le Conseil Régional PACA de façon à trouver un accord conjoint sur le financement de la filière GNV-GNL. Il pourrait s’agir d’aider les premières stations et/ou les flottes de poids-lourds. Le gaz naturel entre-il dans les obligations d’équipement des flottes captives en véhicules propres ? Pour mémoire, les quatre Plans de Protection de l’Atmosphère des régions urbaines de PACA indiquent que les gestionnaires de flottes de plus de 50 véhicules, VL et VUL, doivent « décarboner » leurs parcs. Il s’agit d’une mesure portée par l’ADEME.
En clair, les entreprises et administrations concernées devront prouver d’ici fin 2016 qu’elles détiennent 30% de véhicules « basses émissions ». S’agissant des filières « décarbonées », les Arrêté Préfectoraux de mise en oeuvre font référence à l’Arrêté du 3 mai 2012 publié au JO qui classifie les véhicules sur une échelle de référence nationale. Le GNV y trouve tout naturellement une place vertueuse. Néanmoins, à l’époque où nous travaillions sur les PPA de la région PACA, la filière GNV n’était pas vraiment développée et nous n’avons indiqué de seuil d’obligation que pour l’électrique. Ainsi, sur les 30% globaux de véhicules « décarbonés » des flottes, la seule obligation précise concernant une filière est d’avoir 10 % de véhicules électriques (2, 3 ou 4 roues). Les 20% restant peuvent très bien être du GNV. A l’échelle européenne, la Directive CPT invite les Etats Membres à orchestrer le déploiement des stations de ravitaillement GNV & GNL au même titre que pour les autres carburants alternatifs. Quelles sont les ambitions françaises dans le domaine ? La France se doit de respecter les orientations prises par l’UE et c’est bien en ce sens qu’est bâti le projet de loi sur la Transition Energétique. Plusieurs dispositions concernent l’énergie et les transports propres, notamment l’approvisionnement en GNL des ports maritimes et fluviaux. A l’heure où nous sommes en sérieux contentieux avec l’Europe sur la qualité de l’air urbaine en de nombreux endroits, il nous faut impérativement déployer et pérenniser les filières propres comme le gaz. Si nous sommes là pour stimuler l’offre via nos financements, il appartient in fine aux territoires de s’organiser pour proposer une infrastructure robuste et pérenne, en lien avec l’initiative et l’investissement privé.
Des financement possibles via l’Europe Si elle fixe un nombre « approprié » de points de ravitaillement à installer sur les Corridors TEN-T et les ports, l’Union Européenne propose également de substantiels financements pour parvenir à cette transition énergétique. Ces enveloppes sont mobilisables via le CEF Call Multi-Annuel 2014-2020 géré par l’INEA (Innovation & Networks Executive Agency).

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Michaël TORREGROSSA Michaël TORREGROSSA
Rédacteur en chef
Persuadé que la mobilité du future sera multi-énergies, Michaël est le rédacteur en chef et fondateur de Gaz Mobilité.

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