Haute-Marne : Le plein de bioGNV en direct d'un méthaniseur agricole

Haute-Marne : Le plein de bioGNV en direct d'un méthaniseur agricole
Agriculteur depuis 1990, Philippe Collin s’est passionné pour le bioGNV au point que sa modeste station pourrait faire bouger bien des choses à l’échelle nationale.

Avec la signature de contrats qui imposent l’injection dans le réseau de gaz, le bioGNV disponible à la pompe est très rarement en France le biogaz qui est physiquement produit localement par méthanisation. La provenance est avant tout un jeu d’écritures qui s’appuie sur les garanties d’origine. C’est déjà très bien. Il est pourtant possible, avec des unités de taille très modestes, de faire le plein avec du biométhane obtenu véritablement à côté de chez soi. C’est le cas en Haute-Marne, à Colombey-lès-Choiseul, au distributeur de l’EARL de Grivée. La station de l’exploitation ne peut avitailler que les quelques véhicules qui la fréquentent très régulièrement : un autocar de transport scolaire, un semi de ramassage du lait et quelques voitures particulières et utilitaires légers.

« En 2006-2007, nous avons commencé à entendre parler de méthanisation. J’ai ensuite visité quelques unités en Allemagne. Mes 320 hectares de terres se répartissent en 200 ha cultivables et 120 ha de prairie. Je suis en bio depuis 2015. Plusieurs années de suite, j’ai effectué le bilan carbone de mon exploitation. Ce qui m’a poussé à prendre différentes décisions », commence Philippe Collin. « En 2016, avec une aide financière de l’Ademe, je me suis lancé dans un projet de valorisation du biogaz qui était brûlé inutilement en torchère jusque-là. Il s’agissait alors d’une activité de cogénération, d’abord avec un moteur 250 kW. La puissance du bloc est passée en 2018 à 350 kW », poursuit-il. « Grâce à Prodeval qui a mené chez moi une expérimentation pendant 1 an avec une unité capable de fournir 2 Nm3 de biogaz par heure, je pouvais avitailler pendant la nuit ma Fiat Punto utilitaire rachetée à la métropole de Grenoble », se souvient-il.

Premiers pas avec un camion laitier

« Prodeval avait aussi ouvert des stations plus rapides à Barcelone et à Madrid. De notre côté, sans vouloir tirer particulièrement du profit de la production de notre biogaz, on a cherché des scénarios nous permettant au moins d’arriver à l’équilibre financier. Ce n’était pas possible avec 2 ou 3 véhicules légers », explique Philippe Collin. « Nous avons alors contacté la laiterie locale, unité du groupe Savencia, qui produit ici le fromage Caprice des Dieux. Au cours d’une tournée d’environ 300-350 km, un de ses camions vient collecter tous les 2 jours chez moi le lait que je produis », justifie-t-il. « L’établissement installé à 18 km a accepté de tester le ramassage avec un semi GNV, d’abord avec un tracteur routier Scania en décembre dernier, puis avec un Iveco le mois suivant. La laiterie s’est décidée pour un essai plus long avec le premier modèle », rapporte-t-il.

« Ce camion sera notre modèle pour amortir la construction de la nouvelle station 20 Nm3/h ouverte en décembre. Dès 2021, il passera tous les jours faire le plein, pour un volume de 30 tonnes de bioGNV à l’année qui correspondront à la moitié de notre production. La capacité théorique de notre installation est de 80 tonnes. Les jours où le camion n’effectue pas la collecte de lait à la Grivée, il n’a qu’un détour de 6 km à effectuer pour venir remplir ses réservoirs ici », détaille Philippe Collin.

« Comme nous ne sommes pas reliés au réseau national de gaz, une fois que nos 42 bouteilles pour 200 kilos de stockage sont pleines, la production s’arrête. Une configuration qui rendrait problématique de baser notre service uniquement sur plusieurs dizaines de véhicules légers passant pour la plupart dans un laps de temps réduit », soulève-t-il. « L’avantage de recevoir le camion de la laiterie réside dans son heure de passage au distributeur, vers 3 heures du matin. Ce point est indispensable à la bonne marche de notre établissement. Les bouteilles sont alors pleines. Quand il repart la station recommence à produire du bioGNV qui pourra être distribué dans la journée », se réjouit-il.

Autres clients

« La station permettra aussi d’avitailler la Punto plus récente de notre salarié, la Citroën C3 de notre fils, le Fiat Fiorino de l’exploitation, la Panda d’une dame retraitée habitant le secteur et le car de ramassage scolaire. Ce dernier prendra à la Grivée 2 tonnes de bioGNV à l’année en passant une fois par semaine. Sauf pendant les vacances scolaires où il est à l’arrêt. Dans ce cas, nous ouvrirons la station à quelques clients extérieurs et ou de passage », liste Philippe Collin.

« Le bouche à oreille va très vite, à partir d’une indication laissée sur Internet. Comme nous sommes à 8 kilomètres d’une sortie de l’A31, nous avons déjà reçu 3 voitures GNV depuis le début de l’été. D’abord des vacanciers belges qui ont une résidence secondaire dans le coin. Puis un automobiliste effectuant le trajet Valenciennes-Milan », illustre-t-il. « Quand on s’y intéresse, on remarque que finalement il y a déjà un nombre non négligeable de véhicules alimentés au gaz naturel, en particulier des camions, qui passent à proximité de chez nous », constate-il.

La station de Philippe Collin avitaille une petite flotte de véhicules

Configuration particulière

« Avec une capacité de production inférieure à 80 Nm3/h et de stockage de moins de 1.000 kilos, nous sommes dispensés de déclaration ICPE. Nous pourrions même ajouter encore 3 autres unités AgriGNV ici, cette brique clé en main développée par Prodeval qui permet à tout agriculteur d’avoir sur son exploitation une distribution de biogaz obtenue de sa propre unité de méthanisation », assure Philippe Collin.

« Notre station est en bord de route dans une zone où il n’y a pas d’habitants. Elle ne produira du biogaz au plus que 5.500 heures par an en raison de ses composants qui ne sont pas adaptés à un usage intensif. Pour l’instant, nous n’avons pas de système monétique. Prodeval est en train de terminer un programme qui permettra à chacun de nos clients de disposer d’un badge pour s’avitailler chez nous », anticipe-t-il. « A partir de là, à part peut-être pour la laiterie qui demandera sans doute un traitement mensuel, nous éditerons une facture au trimestre, nous-mêmes nous acquittant des droits de douane sur le GNV à cette fréquence », informe-t-il. « Nous vendons notre bioGNV local sans émission de garantie d’origine 1,10 euro TTC le kilo. Ce qui couvre tout juste le coût de distribution de notre carburant et nous rend moins compétitif que Karrgreen ou Agricarbur qui pratiquent l’injection sur le réseau et fonctionnent avec des certificats d’origine », révèle-t-il.

Dédié au ramassage scolaire, ce minibus au gaz naturel se ravitaille une fois par semaine à la station de Philippe Collin

De nouveaux clients à l’avenir ?

« Nous sommes encore en phase de test quelques mois jusqu’à l’arrivée du premier camion GNV de la laiterie. Ensuite, nous aimerions décider des infirmières et des aides à domicile locales à rouler avec notre bioGNV. Ce sera plus difficile avec La Poste qui pense surtout mobilité électrique, mais nous ne renonçons pas. La commune est en réflexion pour changer des utilitaires dans 1 ou 2 ans », envisage Philippe Collin.

« Le collège du secteur a lancé un appel d’offres pour le remplacement de ses 6 cars de ramassage scolaire. La personne qui est en charge de défendre le dossier est celle qui a permis à l’école primaire de passer au GNV. Nous sommes donc confiants sur la suite de ce projet. Il faudrait alors agrandir la station et fonctionner avec une autre exploitation agricole pour disposer de suffisamment de bioGNV. D’autant plus que la laiterie pourrait également convertir ses 5 ou 6 autres camions après sa phase d’évaluation d’un an en situation réelle », complète-t-il. « Le groupe Savencia, c’est 42 sites en France. L’expérimentation du GNV dans la laiterie proche de chez nous pourrait bien avoir une influence sur le remplacement des flottes utilisées dans les autres établissements », ressent-il.

Gaz d’ici

« En mai dernier, nous avons avec d’autres partenaires décidé de créer un groupement d’intérêt économique et environnemental pour monter dans le Grand Est 10 stations, dont la plupart seront implantées dans des fermes », dévoile Philippe Collin. « Nous avons obtenu d’un groupe qui marche bien en Auvergne-Rhône-Alpes d’utiliser la dénomination ‘Gaz d’ici’ pour ce futur réseau. Nous n’avons pas peur de la concurrence des plus grands. Leur présence devrait au contraire aider notre développement », projette-t-il. Et pour conclure : « Ma satisfaction est de constater que nos enfants sont véhiculés dans un car qui fonctionne avec le gaz que nous produisons, avec une empreinte carbone neutre. Ce n’est pas grave si cette activité chez moi ne dégage pas grand chose économiquement. Un contact chez GRDF me disait : ‘Vous allez plus vite que nous parce que vous n’avez pas de modèle économique. Ce modèle, vous le construisez en développant votre station’ ».


Gaz Mobilité et moi-même remercions chaleureusement Philippe Collin pour son enthousiasme à partager son aventure du biogaz.

 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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1 Commentaire

  1. Publié le 29/07/2020 à 16:14

    Pouvez vous me dire comme je peux faire et avoir pour avoir accès a vos pompes . Je suis en socièté SPRL la gazelle j habite la Belgique et je dois me rentre sur nice et la seul pompe ou je peux rechargé et privé ? Merci de me tenir au courant


    Mattez Nicole

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