Méthaniseurs, stations, tracteur : Les frères Morel à fond dans le bioGNV

Méthaniseurs, stations, tracteur : Les frères Morel à fond dans le bioGNV
En Bretagne, près de Fougères (35), Florent et Nicolas Morel s’engagent chaque année un peu plus dans la mobilité au bioGNV. Pour observer leurs méthaniseurs, il faudra ne pas se laisser trop distraire par les 5 trackers solaires qui font mine de gardienner l’accès au site. Bientôt du bioGNV dans les autobus de Fougères ? Ils l’espèrent, un peu comme une reconnaissance à leur démarche très engagée et à celle de leurs homologues français, et bretons en particulier.
 
Les frères Morel ne sont pas réunis en GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun). Chacun dirige sa propre exploitation. Chez Nicolas, ce sont les porcs, avec un élevage de 250 truies. Installé à 3 kilomètres de distance, Florent fournit environ 900 000 litres de lait à l’année grâce à sa centaine de vaches. Ensemble, ils ont créé leur SAS Morel Energies, domiciliées sur la commune rurale et vallonnée de La Chapelle-Janson.

 
« La méthanisation représente pour nous une activité complémentaire à nos élevages », commentent-ils. Ils possèdent déjà une belle flotte de véhicules fonctionnant au GNV, débutée à la fin de l’année 2020 : 2 Fiat Punto, 2 Volkswagen Caddy (un utilitaire et un ludospace), la Seat Leon de Florent, et une Citroën C3 bleue. « La C3 est arrivée hier. Nous sommes allés la chercher près de Rennes. Le jeune couple qui nous l’a revendue attend un enfant, et ce modèle société sans siège à l’arrière n’est plus adapté à leur besoin. Auparavant, elle était en service chez Enedis. Elle fera une parfaite voiture de service pour les salariés », explique Nicolas Morel.

Tracteur New Holland Methane Power

Dans leur collection de véhicules fonctionnant au GNV, le plus étonnant est très certainement le tracteur agricole New Holland T6 180 Methane Power de présérie. « Nous l’avons reçu en septembre 2021. C’est le tout premier en Bretagne, et un des 2 premiers en France. L’autre est en exploitation chez AgriBioMéthane, en Vendée. Nous adressons au constructeur des retours sur le fonctionnement de l’engin. Il affiche déjà 400 heures. Et nous présentons le tracteur aux exploitants intéressés », détaillent les frères Morel.
 
Sur son site Internet, New Holland a désormais ouvert à l’achat sa déclinaison du T6 180 en version Methane Power. Pour un couple similaire de l’ordre de 740 Nm, la puissance maximale apparaît plus élevée pour le modèle fonctionnant au GNC : 132 kW (ou 180 ch), contre 116 kW (158 ch). « Le tracteur est utilisé chez nous pour le transport du lisier, les récoltes, les besoins des élevages. Hier, il a servi pour l’andainage », illustre Nicolas Morel.

 
Le New Holland Methane Power a été présenté pour la première fois en dynamique dans l’Hexagone en mars 2016, lors du salon Biogaz Europe. À l’époque, les frères Morel étaient en pleine réflexion sur l’intérêt de monter un projet de méthanisation. La marque scandinave Valtra a également travaillé sur un modèle de tracteur agricole fonctionnant avec du gaz naturel. En plus des gains sur les émissions de polluants et de CO2, le T6 180 GNC est aussi plus silencieux. Avec 52 kg de gaz embarqués, son autonomie est cependant réduite.
 
« Elle est de 5 heures en moyenne, dépendante des travaux que nous effectuons avec », estime Florent Morel. Pour comparaison, New Holland donne une autonomie de l’ordre de 8 heures pour le T6 180 diesel. « Avec notre station privative à proximité des méthaniseurs, il faut entre 10 et 12 minutes pour remplir les réservoirs en bioGNC. Et pas besoin de filtres à particules poiur dépolluer le moteur », souligne l’éleveur laitier.

 

Biométhane : une production de 100 Nm3/h

Avec un voisin également agriculteur, une longère à proximité qui a pu être raccordée du fait du passage du tuyau d’injection passant à côté, un dimensionnement pas trop important pour le projet de méthanisation, les frères Morel n’ont pas eu à subir d’oppositions locales. Les travaux ont démarré début 2018. C’est à la fin de la même année que l’injection dans le réseau de gaz a commencé.
 
« Au lancement, l’unité produisait 45 Nm3/h par heure de biométhane. Puis nous sommes passés à 70 Nm3/h en janvier 2020. Nous sommes en phase d’augmentation avec un nouveau palier à 100 Nm3/h. Ce qui représente une production annuelle de l’ordre du million de kilowattheures, pure à 97,5 % après passage par l’unité de purification », chiffre Florent Morel. Trois méthaniseurs ? « Et non, c’est le piège ! Il y a 2 digesteurs qui peuvent contenir chacun 2 000 m³ de matière organique. Ces dernières sont soumises pendant 70 jours à une température de l’ordre de 43° C. Le dôme le plus grand abrite la fosse de stockage de 4 000 m³ de digestat », corrige Nicolas Morel.

18 000 m³ d’intrants à l’année

« Nous traitons chaque année 18 000 m³ d’intrants : du lisier, du fumier, du lactose et pas plus de 7 % de maïs. S’y ajoutent les cives : seigle et avoine l’hiver, tournesol et sorgo l’été », énumère le chef de l’exploitation porcine.
 
« Nous donnons une partie de notre digestat à des exploitants agricoles locaux. Avec d’autres nous effectuons des échanges contre des cives ou du fumier. La méthanisation nous fait réaliser de grosses économies au niveau des engrais dont les prix ont bondi ces derniers temps », poursuit-il.
 
« En 2019, nous avons monté 5 trackers 22 kW. Chacun présente au soleil une surface de 120 m² de panneaux photovoltaïques. L’un d’entre eux alimente en électricité l’élevage porcin à hauteur de 35 % des besoins, avec un pic à 70 % ces 2 derniers jours. Les 4 autres trackers fournissent 25 % de l’électricité pour la méthanisation », expose-t-il.
 

Stations GNV

Nicolas et Florent Morel ont rapidement envisagé de disposer d’une station privative de GNC sur leur site. C’est chose faite depuis avril 2021, avec une capacité de stockage sur place de 140 kg sous 300 bars. Mais aujourd'hui, ils poursuivent le projet d’ouvrir une station publique à Fougères capable d’accueillir poids lourds et véhicules légers.

« Nous sommes en pleine réflexion sur le sujet avec Energ’Iv, une société d’économie mixte locale créée par le syndicat d’énergie d’Ille-et-Vilaine. Un bureau d’études est en train de définir les besoins. Nous souhaiterions démarrer pas trop gros, en 2023, mais avec déjà 4 pistes pour éviter les files d’attente », envisagent les frères Morel.

 

Bientôt des bus au biogaz à Fougères ?

« En France, près de la moitié des bus neufs immatriculés en 2021 étaient des modèles fonctionnant au GNV/bioGNV », a mis en avant GRDF Bretagne lors d’un point presse programmé vendredi 25 mars 2022.
 
Dans la région, de plus en plus de grandes villes visionnaires ont décidé de s’équiper de la sorte. Ainsi à Quimper, Rennes, Brest, Lorient, etc. Et Fougères ? La ville de naissance du peintre et illustrateur postimpressionniste Emmanuel de La Villéon est actuellement en cours de réflexion sur le sujet.
 
Face aux électriques à batterie ou pile hydrogène, la solution bioGNV se présente comme la seule véritable alternative éprouvée, mature et pleinement disponible. Si en plus des agriculteurs jouent la carte d’une production locale verte sur fond d’économie circulaire, pourquoi la collectivité opterait-elle pour une solution moins adaptée à sa situation ?
 

Avancer avec les associations de méthaniseurs

Si le bioGNV connaît aujourd’hui un aussi beau développement chez Nicolas et Florent Morel, c’est aussi en particulier par leur volonté d’avancer avec d’autres professionnels réunis à l’AAMF et à l’AAMB, 2 associations qui regroupent respectivement les agriculteurs méthaniseurs de France, et ceux de la région.
 
« C’est comme une formation continue. Nous poursuivons les échanges et les réflexions. La filière se professionnalise », se réjouissent nos interlocuteurs qui citent le président de la structure bretonne, Jean-Marc Onno. Nous avons ressenti lors de notre visite à La Chapelle-Janson, combien ces groupes de travail tiennent une place centrale dans le cheminement des 2 exploitants.
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions Nicolas et Florent Morel de nous avoir ouvert les portes de leur unité de méthanisation. Un grand merci également à l’association Biogaz4Life qui a facilité la rencontre. Elle était représentée ce jour-là par le très dynamique Xavier Toublanc.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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1 Commentaire

  1. AlberiPublié le 05/04/2022 à 11:47

    Merci pour cet article intéressant. Un autre tracteur New-Holland au gaz semble être utilisé dans le Périgord dans la ferme Guérin, à Nojals-et-Clotte

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