Agribiométhane : Une première station GNV ouverte en France par un groupement d'agriculteurs

Agribiométhane : Une première station GNV ouverte en France par un groupement d'agriculteurs
A l’automne 2017, une station d’avitaillement en GNV (bioGNC) a été inaugurée officiellement à Mortagne-sur-Sèvre. L’événement pourrait paraître secondaire puisque désormais sont régulièrement mis en service des points de livraison de gaz naturel pour la mobilité. Sauf que derrière l’ouverture du site vendéen se cache une grande première, puisqu’à cette date il n’y avait pas encore en France de station gérée par un groupe d’agriculteurs. Administrateur d’Agribiométhane, Olivier Bouchonneau explique à nos lecteurs l’histoire de ce cas particulier qui devrait faire école, et lance un appel à Nicolas Hulot.
 

Agribiométhane

C’est sous l’impulsion d’un groupe de 10 agriculteurs convaincus, venant de 4 exploitations agricoles voisines, - 3 laitières et 1 porcine -, qu’a été créé en 2010 Agriobiométhane. « Au tout départ, nous étions 4, - un agriculteur par exploitation -, à penser à la création de la structure. L’un d’eux, Damien Roy, est le président d’Agriobiométhane. Nous injectons du gaz sur le réseau depuis 2014 », complète Olivier Bouchonneau. A noter qu’il s’agissait là également d’une grande première, dans l’Ouest de la France. Sur son site Internet, Agribiométhane communique, en repères, quelques chiffres. Le volume de biogaz brut produit annuellement est d’un million de m3, pour 550.000 m3 de biométhane injectés dans le réseau GRDF.


 

Unité de production

L’unité de production est composée d’un bâtiment de réception des effluents avec dispositif d’élimination des odeurs (346 m3), d’une fosse étanche enterrée pour le stockage du lisier et du fumier (380 m3), d’une autre pour le stockage des graisses (115 m3), d’un digesteur semi-enterré (1.880 m3), d’un post-digesteur également semi-enterré (1.200 m3), et d’une poche de stockage du digestat (3.000 m3). Cette dernière est complétée d’autres poches au plus près des parcelles des sites d’exploitation, pour un total supplémentaire de 7.000 m3. Le tout est taillé pour « couvrir les besoins en chauffage de 500 foyers soit plus de 1500 habitants ».
 

Scénario de production

Le digesteur reçoit un mélange composé de déchets agricoles (fumier + lisier) broyés auxquels est ajouté un volume de 10% de graisses provenant de l’agroalimentaire. Cette matière est chauffée à 39° C pendant 30 jours, grâce à un circuit d’eau mis à température par une chaudière alimentée en gaz pauvre. Les bactéries méthanogènes vont progressivement la dégrader jusqu’à l’obtention de biogaz composé de méthane, de CO2, de souffre et d’eau. Un phénomène de trop-plein conduit les produits au post-digesteur où ils sont chauffés encore 20 jours. Lors de cette étape 15% de biogaz supplémentaire est récupéré.

Le reste, appelé digestat, est soumis à une centrifugeuse pour séparer la matière liquide de la matière solide. Cette dernière, dont il sort chaque année environ 1.600 tonnes de chez Agribiométhane, va être préparée par une autre entreprise pour former du compost à destination, par exemple, des jardins et potagers.
 

Digestat liquide

Le digestat liquide (17.000 m3 à l’année), principalement composé d’azote, va être exploité, en substitution des engrais chimiques (75 tonnes économisées par an), sur les parcelles des sites d’exploitation. Le produit est répandu au plus près des racines des cultures en cours, grâce à un système d’injection dit de « QuadraFerti ». Parmi ses qualités : être inodore, homogène, rapidement assimilable par les plantes, d’une qualité constante et qui n’acidifie pas les sols.


Biométhane

La dernière étape du scénario de production s’intéresse au biogaz produit dans le digesteur et le post-digesteur. Il s’agit de récupérer le méthane. Trois étapes sont nécessaires. Dans la première, le souffre est piégé par un filtre à charbon. Une opération de séchage, par refroidissement et condensation, permet ensuite d’éliminer l’eau. Le CO2 est ensuite piégé par des billes zéolithes. Mis à part le gaz pauvre (15% de méthane + 85% de CO2) qui sert à monter en température le digesteur et le post-digesteur, il ne reste plus que du biométhane (pur à 99%) à la sortie de tous ces traitements, en partie envoyé vers le poste d’injection de GRDF, pour une utilisation locale (ravitaillement des habitations, mais aussi des entreprises industrielles, dont La Boulangère qui fournit justement les graisses agroalimentaires).
 

Production et consommation locales

A partir des effluents d’élevage de 4 exploitations agricoles est produite une énergie renouvelable et vertueuse qui est consommée localement. « Agribiométhane est une entreprise de territoire, non délocalisable, qui produit de l’énergie pour la commune. Sa création a été le moyen que nous avons choisi pour répondre aux problèmes environnementaux liés au fonctionnement de nos exploitations. Le Choletais et le Nord de la Vendée sont des territoires agricoles et industriels très dynamiques », ajoute Olivier Bouchonneau.

« Auparavant, les effluents d’élevage étaient épandus directement sur nos cultures, dans les limites des autorisations accordées. Nous avons voulu anticiper les nouvelles normes, mais aussi une pression foncière de plus en plus importante », détaille l’administrateur d’Agribiométhane.
 

Maintien de l’activité

Une pression foncière ? « Oui ! Nous ne sommes pas propriétaires de toutes les terres que nous exploitons. Globalement, sur notre territoire, nous avons perdu 50 hectares de terrains, au profit de l’industrie », révèle Olivier Bouchonneau. « Agribiométhane répond totalement à nos attentes, car la structure nous a permis de maintenir et pérennise nos exploitations agricoles. Et nous sommes largement dans les clous concernant les futures normes à respecter au sujet de l’azote et du phosphore ajoutés aux cultures », s’enthousiasme-t-il.

« Au départ nous avions bénéficié d’un contrat d’injection pour 65 Nm3/h. Maintenant, au bout de 4 ans de production, avec 90 Nm3/h, nous sommes au taquet. Nous comptons passer à 110 Nm3/h, en conservant la même technique. Mais fin mars ou début avril, nous allons changer l’épurateur de gaz », explique notre interlocuteur.
 

La station : un atout supplémentaire

« La station de bioGNV représente une activité de complément. C’est aussi un atout supplémentaire pour le territoire », plaide Olivier Bouchonneau. Implantée à environ 300 mètres de l’unité de méthanisation, et accessible à tous 24/7, elle dispose de deux pistes réservées aux poids lourds et d’une pour les véhicules légers. Sa capacité d’approvisionnement est de 8 poids lourds par heure, pour 1 million de kilos potentiellement distribués par an, soit l’équivalent du million de litres de gazole. Sur les distributeurs, la mention « Agricarbur’ » annonce clairement la provenance du gaz comprimé délivré. Pour cette structure, une nouvelle entreprise a été créée : Agribiométhane Carburant. Son capital est détenu à hauteur de 90 % par Agribiométhane et de 10 % par la SEM Vendée Energie.

« Le règlement du carburant gazeux peut s’effectuer avec une carte bancaire, et nous avons notre propre système de carte de fidélité », indique notre interlocuteur. « La fréquentation est en constante augmentation. Nos principaux clients aujourd’hui sont des transporteurs vendéens, mais des professionnels extérieurs au territoire viennent régulièrement se renseigner. Il arrive que des camions fassent le plein chez nous vers 4 heures du matin, et reviennent s’approvisionner le soir », rapporte-t-il. Existe-t-il un risque de rupture d’approvisionnement en GNV ? « Non, car le réseau assure la sécurisation de l’approvisionnement en cas de besoin », répond Olivier Bouchonneau. « Les transporteurs doivent pouvoir compter sur une disponibilité totale de la station », explique-t-il.

 

Ils montrent l’exemple

« Trois utilitaires au GNV ont été achetés pour les exploitations. Et à titre privé, nous avons tous un véhicule qui roule au gaz. Mon épouse se rend à son travail avec une voiture alimentée au GNV », assure l’administrateur d’Agribiométhane. « Il y a en France un retard considérable au niveau de l’offre en véhicules GNV. La filière est naissante et pleine d’avenir », justifie-t-il. Et pour les engins agricoles ? « Les tracteurs fonctionnant au GNV n’en sont encore qu’au stade de prototypes. Mais nous réfléchissons à investir dans un tracteur poids lourd pour transporter les effluents », répond-il.

« Il existe de nombreux projets portés par des agriculteurs pour une méthanisation qui se traduit par l’injection de gaz dans le réseau. Ainsi celui de La Séguinière, à 10 kilomètres de chez nous, qui est un copier/coller de l’architecture technique d’Agribiométhane. Mais les réflexions pour des stations qui délivrent du GNV, c’est encore rare », indique Olivier Bouchonneau qui connaît « une bonne trentaine de projets dans les tuyaux pour l’injection dans le réseau ». « Nous sommes régulièrement sollicité pour des visites, car Agribiométhane est perçu comme une référence en termes d’efficacité », se réjouit-il.
 

Appel à Nicolas Hulot

Mi-avril, Agribiométhane organise 2 jours de portes ouvertes, avec la présence de véhicules Fiat et Volkswagen fonctionnant au GNV. A cette occasion, ou à un tout autre moment, la visite de Nicolas Hulot, ou de tout officiel en rapport avec l’écologie et/ou le monde de l’agriculture est attendue sur place.

« La diversification des activités est dans l’ère du temps dans le monde agricole. C’est la dynamique de la nouvelle agriculture, qui a aussi une dimension locale. Nous n’avons pas attendu pour créer Agribiométhane qu’on nous dise ce qu’il fallait faire. Ce serait intéressant que les ministres viennent constater sur place ce qu’il est possible de réaliser concrètement », lance Olivier Bouchonneau, en conclusion à notre entrevue.
 
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement Olivier Bouchonneau pour sa réactivité et sa grande disponibilité.
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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