DEFA : Une histoire familiale qui fait une place de plus en plus importante au GNV

DEFA : Une histoire familiale qui fait une place de plus en plus importante au GNV
En France, on a l’image d’un GNV distribué pour les poids lourds sur des sites qui sont sortis de terre voilà peu de temps. L’histoire de DEFA est complètement à l’opposé : une distribution depuis 1948, une station-service classique qui en distribue sans discontinuer depuis 1978, et une promotion de la mobilité GNV auprès des particuliers, qui passe par l’achat-vente de véhicules légers équipés.
 

Depuis 1803

Dans l’écosystème du gaz naturel exploité pour la mobilité, l’entreprise DEFA est un cas à part, qui cultive et communique son histoire avec beaucoup de sensibilité. Des dates importantes, dans la vie de la famille Denis-Farge (DEFA, comme DEnis-FArge), il y en a plusieurs. En 1803, un ancêtre de Pierre Denis-Farge, - notre interviewé -, se lance dans l’aventure du commerce et du négoce, avec globalement rapidement une place faite à la distribution de produits sources d’énergie, à commencer par le pétrole lampant. A partir de 1885, l’entreprise sert de l’automobiline, c’est-à-dire de l’essence, à partir d’un char bijaugeur relié à un fût de 200 litres.

Stations-services

Le guide Michelin reconnaît dès 1900 le point de distribution de carburant installé à Saint-Girons, dans l’Ariège. L’année 1914 est marquée par le début de la Première Guerre mondiale, mais c’est aussi, pour l’entreprise Denis-Farge, la création d’un point fixe de ravitaillement, avec déjà 3 pompes. Tout est réaménagé en 1935, avec la création, associé à la station-service, d’un dépôt de carburant à partir duquel étaient livrés par camions plateaux les autres détaillants autour de Saint-Girons. Ces sites recevaient alors des fûts de 200 ou 500 litres en fer galvanisé, apprend-on en lisant le document de 26 pages écrit par Charles Denis-Fage et intitulé « Souvenirs de ma station-service ». Pour qui s’intéresse à l’histoire de ces établissements, cet ouvrage est une véritable pépite.
 

L’arrivée du GNV

Les années 1940 sont marquées par la Seconde Guerre mondiale. Faire rouler les voitures et utilitaires demande de l’organisation et quelques adaptations. « A l’époque, un gisement de gaz naturel venait d’être découvert dans les champs de Saint-Marcet, en Haute-Garonne, soit quelques années avant celui de Lacq », commente Pierre Denis-Farge, l’actuel dirigeant de l’entreprise. « Mon grand-père a rencontré les responsables de la SDGP [NDLR : Société de distribution des gaz des Pyrénées, en gaz comprimé] pour ouvrir un point de vente du GNV sur le site de la station-service, en 1948 », poursuit-il.

Cette année-là, 11 stations-services délivrent du gaz naturel comme carburant. La Citroën Traction de la famille Denis-Farge est déjà équipée pour rouler avec ce produit. Tout comme le devient par la suite le P45 de l’entreprise qui ravitaille les dépôts aux alentours de Saint-Girons.

 

Une nouvelle station-service

 « A la suite de la hausse considérable des ventes de carburant provoquée par l’extension du parc automobile, et la création des supermarchés qui avivaient la concurrence, j’ai pris la décision de raser toutes les constructions existantes, sauf le poste de compression de GNV », écrivait dans son document-mémoire Charles Denis-Farge, pour justifier l’érection en 1978 d’une nouvelle station-service sur 2.000 m2 de terrain.

Si elle est alors aux couleurs de Total, le million de francs, et plus, débloqué pour l’opération, a bien été supporté par le père de notre interlocuteur. En 1978, il ne reste plus, en France, que 8 stations-service qui délivrent du GNV. Accessoirement, celle de Saint-Girons distribue aussi du GPL.

 

130 ans de stations-service dont 70 ans de GNV

La situation de la station-service dirigée aujourd’hui par Pierre Denis-Farge est unique dans l’Hexagone. C’est la seule à avoir connu une telle pérennité : 70 ans sans discontinuer à distribuer du GNV à travers ses successifs remaniements. A partir de 1991, et pour de nombreuses années, au-delà du changement de siècle, elle a été la seule en France à en délivrer, nous disons bien la seule !

« Au-dessous d’un certain volume de livraison de GNV, les stations-service perdaient leur contrat d’approvisionnement. La nôtre a passé les années les plus difficiles avec une marge très très étroite. En 2000, nous n’avions plus qu’un seul client régulier qui pesait en tout 2.000 litres de GNV à l’année. C’était trop peu ! Ce qui a sauvé notre point d’avitaillement, ce sont les pèlerins italiens qui se rendaient à Lourdes ! A eux seuls, ils représentaient 75% des ventes de GNV. Notre station est référencée en Italie ! Les touristes espagnols, allemands, et même, contre toute attente puisque peu équipés chez eux, les Anglais, ont contribué à faire perdurer notre distribution du GNV », relate notre interlocuteur.
 

Le GNV bloqué par 2 événements

Si l’on excepte le net, mais très ponctuel recul au début des années 1950, le GNV a connu une phase d’ascension permanente entre 1942 et 1958. On passe alors d’une à 18 stations-service qui distribuent ce carburant en France, et de quasiment rien à plus de 800 millions de kWh vendus. Le monde est en train de sortir de la crise de Suez, emportant le marché du gaz naturel à la baisse. Le 12 janvier 1959, le gaz utilisé comme carburant est sanctionné d’une taxe qui le rend plus cher que le gazole. 

« Deux événements ont arrêté le développement du GNV pour les particuliers. La crise de Suez, et l’avantage fiscal au gazole qui a décidé les constructeurs en automobiles à produire de plus en plus de modèles diesel », confirme Pierre Denis-Farge. A partir du milieu des années 1970, il apparaît de moins en moins avantageux de convertir au gaz naturel des voitures à motorisation essence. Entre 1975 et 1976, la rupture est nette : De 14 on passe à 8 stations-service délivrant du GNV, avec des ventes qui tombent de 97 à 63 millions de kWh. A partir de 1991, il ne reste que la station de Saint-Girons à délivrer du GNV, avec des ventes qui tournent autour de 2 millions de kWh par an.
 

Jusqu’à 40 clients

 La population municipale de Saint-Girons tourne autour des 6.000 habitants. Pourtant, la station-service de la famille Denis-Farge a toujours occupé, à travers les différentes époques qu’elle a connues, une taille respectable avec un nombre de pompes de carburant en rapport. Concernant le GNV, elle a accueilli jusqu’à une quarantaine de clients réguliers, lorsque l’établissement est devenu site pilote.

« Parmi eux, notre client historique, qui a toujours roulé au gaz, et a équipé lui-même sa Peugeot 405, aujourd’hui fortement kilométrée, pour être compatible », souligne Pierre Denis-Farge. « Jusqu’en 2003, la livraison du gaz naturel, en degrés-jours, impliquait de se caler sur un relevé des températures. Puis la nouvelle borne de distribution chiffrait en m3. Pour être aux normes actuelles, depuis 2008, elle compte un calculateur massique pour une unité en kilos », séquence-t-il.

Parmi la trentaine de nos actuels clients réguliers, un apiculteur avec un utilitaire Mercedes, la collectivité locale avec un minibus Iveco, GRDF avec des Volkswagen Caddy… Nous ajoutons Daniel Gauthier et son Fiat Multipla qui, lorsque nous l’avons interviewé le mois dernier, ne tarissait pas d’éloges sur la station de Saint-Girons.
 

Promotion de la mobilité GNV des particuliers

Pour Pierre Denis-Farge, la mobilité des particuliers au GNV est d’actualité. « Tous nos véhicules professionnels de moins de 3,5 tonnes et voitures particulières roulent au gaz naturel : ainsi 2 Peugeot Boxer, 1 Citroën Berlingo, et une 2 CV convertie. L’un de nos salariés possède 3 véhicules, tous en alimentation au GNV  », détaille-t-il.

« Nous avons engagé la 2 CV au rallye Monte Carlo des véhicules à énergies nouvelles en 2015, où l’on a reçu de véritables ovations », témoigne-t-il. Pour développer la mobilité GNV des particuliers, notre interlocuteur n’a pas hésité à acheter, pour les revendre dans sa station, des véhicules équipés, en provenance des ventes des domaines, de flottes captives ou un temps mis à disposition sous forme de location pour des besoins d’essais. « Aucun constructeur ne présente dans la région Sud-Ouest de véhicules légers équipés au GNV, à l’exception de Fiat-Iveco Toulouse qui ne vient cependant pas à Saint-Girons », ajoute Pierre Denis-Farge.
 

Biométhane

« Pas un seul élu du pays Couserans n’est contre le développement de la mobilité GNV », exprime notre interviewé qui milite pour un savoir-faire dédié sur le territoire. « J’ai un projet d’alimentation de la station en biométhane. J’avais souhaité développer quelque chose en Ariège, mais je n’ai pas trouvé de foncier disponible. Je me tourne désormais vers la Haute-Garonne, via l’association Métha Bas Salat, qui regroupe des agriculteurs apporteurs de déchets agricoles fermentescibles », révèle Pierre Denis-Farge. Etude de faisabilité, création de la société, entrants et financements à faire certifier… : le chemin à suivre est bien structuré.
 

Station de Mont-de-Marsan VL/PL - 2018

DEFA gère aussi une station-service à Saint-Pierre-du-Mont, tout proche de Mont-de-Marsan, qui délivre également du GNV pour les véhicules légers. Avec son partenaire Eric Sortino, installateur agréé d’équipements pour l’alimentation des véhicules au gaz naturel, il espère ouvrir sur le secteur, dés novembre 2018, un site plus important avec avitaillement des poids lourds.
 
Pas de transporteurs ni de bus au GNV pour l’instant sur place, mais un trafic et des projets qui valident le scénario. « Via un appel à manifestation d’intérêt qui touche la région Nouvelle Aquitaine, nous comptons sur les suites données à une lettre d’intention faisant état de 20 véhicules à alimenter au GNV », justifie Pierre Denis-Farge. « Rien n’est encore fait, mais le Sictom se dirige vers un équipement de bennes à ordures fonctionnant au gaz naturel », complète-t-il.

 

Appui des collectivités

« Les grands opérateurs peuvent compter sur un bon amortissement de leurs infrastructures d’avitaillement en GNV. Dans une zone secondaire, comme celle où nous nous trouvons, il nous faut recueillir l’appui des collectivités, notamment pour la mise à disposition du foncier », schématise notre interlocuteur. « Nous espérons ensuite développer d’autres stations délivrant du GNV, en trouvant un axe de croissance qui ne nous met pas en confrontation avec les grands opérateurs. Ces points viendraient au contraire compléter dans le grand Sud-Ouest leurs maillages », dévoile-t-il.

« Il y a une pertinence à projeter d’ouvrir des stations GNV dans la vallée de l’Ariège. Il n’y a pas encore de trafic conséquent de transporteurs exploitant des camions GNV sur la RN20, mais quelques-uns s’intéressent de près à cette technologie pour se rendre en Espagne », envisage-t-il. Nul doute que nous sommes là à un tournant important de l’histoire de l’entreprise DEFA !
 
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement Pierre Denis-Farge pour sa rapide prise de contact et sa grande disponibilité.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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