Etude : état des lieux de la filière du biométhane et du bioGNV en France

Etude : état des lieux de la filière du biométhane et du bioGNV en France
Enea Consulting, en collaboration avec Biogaz Vallée, Cryo Pur, GRDF, GRTgaz, Meridiam, TIGF et Total, vient de publier un état des lieux complet de la filière biométhane française, en proposant des pistes de réflexion pour son développement.
 

Durable

Officiellement lancée en 2011, la filière française biométhane est jeune. Même si elle fait preuve de dynamisme et a déjà trouvé les moyens d’être compétitive, chaque document qui en fait le tour objectivement et sérieusement est un coup de pouce qui contribue à inscrire durablement cette source dans notre mix énergétique.
 
Le dossier de 56 pages produit en partenariat par Enea Consulting, cabinet de conseil en stratégie qui s’intéresse à la mise en œuvre de la transition énergétique et environnementale et au développement de l’accès à l’énergie dans le monde, est de cette nature, qui met bien en avant l’accélération prise par les acteurs de plus en plus confiants sur l’avenir de ce gaz. Obtenu principalement à partir des déchets agricoles et assimilés, par l’épuration du biogaz, le biométhane est désormais perçu comme incontournable pour la mobilité des engins lourds, depuis les camions de transport de marchandise jusqu’aux bateaux les plus imposants.
 

En chiffres

En introduction de son état des lieux, Enea Consulting produit quelques chiffres qui donnent une idée rapide de l’importance prise par la filière en un cliché réalisé fin juin dernier :
  • 35 sites injectent du biométhane dans l’ensemble des réseaux de gaz ; avec 315 GWh enregistrés sur la dernière année de référence, le volume produit représente l’équivalent de la consommation annuelle de 26.250 foyers ;
  • Depuis 2015, la quantité injectée dans les réseaux a été multipliée par 3 ;
  • La France se plaçait fin 2016 à la 5e place des producteurs européens de biométhane ;
  • On compte pas moins de 297 projets supplémentaires inscrits en file d’attente de raccordement, soit une capacité d’injection de 6,5 TWh/an ou 2% de la consommation française de gaz naturel.

Objectif 2030

Autres chiffres mis en avant par Enea Consulting : l’objectif de 10% de gaz renouvelable dans la consommation française à horizon 2030, fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, publiée au Journal officiel du 18 août 2015.
 
Cette cible semble accessible au regard des « bonnes perspectives de demande de biométhane, avec la croissance attendue à la fois des usages carburants (montée en puissance du bioGNV) et combustibles (avec entre autres des objectifs d’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux de chaleur, nouvelle règlementation environnementale dans le secteur des bâtiments neufs, intérêt grandissant de la part des collectivités et des gros consommateurs) ». Les rédacteurs du document préviennent toutefois que pour tenir l’objectif 2030, le volume de financement requis est estimé à 10 milliards d’euros.

Economiquement viable

Si Enea Consulting date à l’année 2011 le départ de la filière du biométhane, c’est tout simplement parce que c’est cette année-là qu’a été mise en place la grille tarifaire d’achat du biométhane injecté dans les réseaux.
 
Le cabinet estime que les tarifs (120 euros/MWh) assurent la viabilité des projets d’injection en couvrant les coûts de production (95 euros/MWh), notant toutefois que ces derniers restent supérieurs aux prix d’approvisionnement en gaz naturel sur le marché de gros (17 euros/MWh).
 
Les partenaires prévoient avant 2020 une baisse des coûts de production de 30%. Parmi les préconisations qui peuvent avoir une influence positive à différents niveaux, dont le volet financier, la simplification des démarches d’autorisation à l’exploitation des unités de production dont l’impact immédiat sera de réduire les temps de développement des projets. Actuellement, le montage d’un dossier, qui peut s’étaler sur une période de 1,5 à 6 ans, pèse entre 60.000 et 100.000 euros.
 

Bénéfices divers et complémentaires

Basée sur la transformation des déchets à l’échelle des individus et des sociétés, la filière biométhane se fixe au cœur des territoires, offrant des « externalités positives de diverses natures dont la valorisation contribuera à inscrire la filière sur le long terme », relève Enea Consulting.
 
Le cabinet détaille ce que le développement de cette source d’énergie permettra, entre autres : « ancrer une économie circulaire à l’échelon local en matière de gestion et de recyclage des déchets ; renforcer le développement de solutions de mobilité durable dans le secteur du transport grâce au biométhane carburant (bioGNV), sous forme de bioGNC ou bioGNL, afin d’améliorer la qualité de l’air ; contribuer au développement de l’économie locale en assurant un complément de revenus aux agriculteurs (90% du potentiel de production de biométhane est agricole) ; atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte ».
 

Large potentiel sous-exploité

L’analyse de Biogaz Vallée résume bien, et la situation actuelle et le potentiel du biométhane dans notre pays : « La méthanisation est une chance à saisir pour la France, le pays d’Europe où se trouve le premier potentiel de biogaz encore largement sous-exploité. L’énergie est vitale pour tous les secteurs d’activités, publics comme privés. Or, la méthanisation offre une ressource qui permet une approche réellement circulaire. C’est une énergie locale, sûre et vertueuse, qui doit participer significativement et activement à la transition énergétique de notre pays. Il s’agit de passer à la vitesse supérieure, d’agir en faveur de cette filière industrielle et de se mettre en capacité de développer un modèle français ! ».
 
En 2030, la production de biométhane devrait s’appuyer, dans l’Hexagone, à 87% sur un gisement agricole. Pour le reste : 4% depuis les déchets ménagers et biodéchets, autant en provenance des installations de stockage des déchets non dangereux, 3% récupérés de l’industrie agroalimentaire, 2% fournis par les stations d’épuration.
 

Evolution progressive du cadre réglementaire

Globalement, le manque de visibilité sur les possibles évolutions des mécanismes de soutien à la filière freine les utilisateurs et les fournisseurs lorsqu’il s’agit de prendre des engagements durables. Afin d’étayer et de poursuivre la dynamisation de la filière biométhane, Enea Consulting et ses partenaires plaident pour une évolution progressive du cadre réglementaire.
 
A court terme, il s’agit déjà de stimuler la demande en gaz renouvelable en offrant « une meilleure visibilité sur les mécanismes de soutien aux usages », actuellement structurés autour des garanties d’origine et des réductions de fiscalité pour les fournisseurs. A moyen terme, l’idée est de favoriser « la mise en production des gisements physiquement éloignés des réseaux de gaz via la structuration de mécanismes dédiés, ainsi qu’en créant des conditions réglementaires pour injecter davantage de gaz pendant la période estivale ». Enfin, à long terme, que les rédacteurs appréhendent dans une situation de baisse des coûts de production « suffisamment engagée », le cadre réglementaire opérerait « un basculement des tarifs d’achat à l’injection vers des compléments de rémunération ». Ceci, afin de « limiter le coût pour la collectivité ».
 

Mobilité bioGNV

Les rédacteurs de l’état des lieux de la filière biométhane française rapportent qu’à fin 2016, une trentaine, sur les 50 stations distribuant du GNV, proposaient aussi une offre en bioGNV.
 
La demande pour ce dernier « devrait suivre la croissance du GNV », peut-on lire dans le document. Les prévisions à fin 2017 indiquent un pourcentage supérieur à 50% de sites affichant les 2 qualités de gaz. « L’application de la directive européenne AFI (Alternative Fuels Infrastructures), imposant aux pays membres de développer un réseau de stations offrant un avitaillement en carburants alternatifs, permettra au parc d’au minimum tripler sa taille d’ici 2025 », avance avec prudence Enea Consulting qui met en perspective les prévisions du plan Canca élaboré par le gouvernement (140 stations GNV en 2025) avec celles de l’AFGNV (300 stations).

 
Au final, le réseau évoluera aussi en fonction de la réalisation des plans de déploiement de flottes roulant au bioGNV annoncés par les transporteurs publics et les acteurs de la grande distribution.

Points à éclaircir

Les partenaires pointent une incohérence au niveau fiscal qui brouille la lisibilité de l’action de l’Etat en faveur du biométhane comme carburant : « la TICPE, taxe sur la consommation s’appliquant notamment sur les carburants polluants, n’est pas exonérée pour les usages carburant du biométhane (bioGNV), tandis que la TICGN, taxe sur la consommation de gaz naturel auprès des utilisateurs, est exonérée dans le cadre de l’usage du biométhane en tant que combustible ».
 
A cause de cela, mais aussi d’autres éléments, « il existe une incertitude pour les fournisseurs sur les efforts à engager en termes de voies de valorisation du biométhane entre usages carburant et usages combustible », rapportent les rédacteurs.
 

Pour plus d'information - contactez nos partenaires

Partager cette page
Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

Liens supplémentaires


A lire également

1 Commentaire

  1. JeanPublié le 02/11/2017 à 20:41

    N’est-il pas préférable de réserver le biométhane pour le chauffage, l’industrie, l’intermittence des renouvelables etc plutôt que les véhicules, du fait que l’on obtient de bien meilleurs rendements dans le chauffage (plus de 100% de rendement pour une chaudière haute condensation) alors que le rendement dans les véhicules est nettement plus faible et inférieur à 30% ?

Ajouter un commentaire