Focus : quel développement pour la mobilité gaz en Suisse ?

Focus : quel développement pour la mobilité gaz en Suisse ?
En France, la mobilité au GNV est tirée par les flottes de poids lourds, aussi bien pour le transport des voyageurs que pour celui des marchandises. En Suisse, la situation est très différente, puisque ce sont les véhicules légers, principalement les voitures particulières, qui sont au centre. Responsable produit mobilité chez Gaznat Vevey, André Räss témoigne.
 

Véhicules convertis

 « Le gaz naturel a débuté dans la mobilité en Suisse, il y a une quinzaine d’années, avec des véhicules alimentés à l’essence et convertis au gaz par l’ajout d’une rampe d’injection sur le moteur, d’un réservoir dans le coffre et le perçage de la carrosserie pour faire passer à l’extérieur l’embout de remplissage », se rappelle André Räss qui a vu ses directeurs se déplacer ainsi.

« En Suisse alémanique circulaient aussi des prototypes de Smart, des Ford Kuga et des Fiat 500 », complète-t-il. « Ces engins manquaient de puissance et n’étaient pas très efficients », témoigne-t-il.
 

Nouvelle vague en 2006

« Nous avons connu dès 2006 des modèles qui sortaient d’usine déjà équipés pour l’alimentation bi-fuel essence et gaz naturel, produits en particulier par Volvo, et Fiat, très habitué à la mobilité GNV », poursuit André Räss (photo ci-contre). « Il y avait parfois la peur du méthane chez certains automobilistes, mais en 2007 nous avons atteint un pic de ventes de véhicules ainsi équipés : environ 2.500 nouvelles immatriculations pour la Suisse cette année-là », chiffre-t-il.

« La suivante, les ventes ont commencé à décroître, du fait de l’arrivée annoncée des modèles électriques », se souvient-il. « Un creux a été enregistré en 2012, avec seulement 800 nouvelles immatriculations, avant un rebond toujours d’actualité. Nous devrions terminer l’année 2017, avec une fourchette de 1.000 à 1.200 unités vendues sur les 12 mois », résume notre interviewé.
 

12.000-13.000 véhicules en circulation

« Aujourd’hui, il circule en Suisse autour de 12.000-13.000 véhicules alimentés au GNV, dont 80% environ sont des voitures particulières aussi exploitées dans les entreprises », révèle André Räss. « Depuis 4-5 ans, on note une véritable amélioration technologique, grâce aux motorisations turbocompressées », se réjouit-il.
 
« On tire 110 chevaux des moteurs de 1,2 litres de cylindrée de modèles comme les Seat Leon, Skoda Octavia et Volkswagen Golf. Finie l’image des voitures GNV poussives : on a maintenant des modèles racés, attractifs et jeunes », énumère-t-il en s’empressant d’ajouter « la Seat Ibiza qui vient d’être relookée, et qui est équipée d’un moteur 1 l ».
 

Un marché sous influence

« Il y a une importante corrélation entre le nombre de modèles différents fonctionnant au GNV proposés et les immatriculations annuelles ! », prévient le responsable produit mobilité chez Gaznat.
 
« Aujourd’hui, en Suisse, nous disposons d’une quinzaine de modèles très différents, avec d’un côté des voitures statutaires comme les Audi A4 et A5, et à l’autre extrémité la très abordable Fiat Panda », ajoute-t-il. « Des particuliers ont aussi acheté des utilitaires légers, en attendant des modèles possédant un côté plus émotionnel. Pour ce type de véhicules, nous trouvons en Suisse des Fiat Doblo, Fiorino et Qubo, ainsi que des Opel Combo et des Volkswagen Caddy », rapporte notre interlocuteur. 

140 stations-service

 La liste des 140 stations-service qui délivrent du GNV en Suisse fait rêver en France ! D’autant plus qu’elle continue à s’allonger.
 
« Il ne s’agit pas de stations dédiées. Les gaziers louent des emplacements dans des stations-service classiques et négocient avec les sociétés pétrolières leurs conditions d’exploitation, après avoir pris en charge le matériel d’avitaillement et d’acheminement du gaz jusqu’aux pompes », détaille André Räss. 
 
« Comme il y a peu de poids lourds roulant au GNV, les embouts sur les pistolets, - NGV1 -, sont adaptés aux véhicules légers. C’est donc plus long qu’en France pour faire le plein des réservoirs des camions qui traversent la Suisse », précise-t-il, en indiquant qu’il reçoit régulièrement des demandes de « transporteurs étrangers qui s’inquiètent de savoir comment ils pourront avitailler leurs véhicules lourds ».
 

15 kilomètres d’écart

En gros, « la distance moyenne entre 2 stations-service qui délivrent du GNV est d’une quinzaine de kilomètres », évalue André Räss. La réalité sur le terrain est quelque peu différente.
 
« En campagne, l’écart est au maximum d’une centaine de kilomètres, mais on compte 6 stations à Genève, 3 à Lausanne, 6 ou 7 à Berne, plusieurs également à Zurich », modère-t-il. Même 100 kilomètres d’écart entre 2 stations n’est pas dissuasif, pour des véhicules qui ont une autonomie au gaz comprise le plus souvent entre 350 et 400 kilomètres, et autant à l’essence. « C’est dans les zones les plus densément peuplées qu’on trouve le maximum de stations délivrant du gaz naturel, à l’image de celles qui distribuent les carburants plus classiques », complète-t-il.

 

Glissement de cibles

« Nous avons beaucoup de travail à faire afin de trouver de nouvelles clientèles pour la mobilité GNV, ce qui passe par des campagnes de sensibilisation », affirme notre interlocuteur.
 
« Les particuliers Suisses sont très sensibles à l’écologie, et ont les moyens de mettre en œuvre leurs convictions. Un ingénieur, qui travaille par exemple dans le renouvelable, n’hésitera pas à faire installer des panneaux solaires dans sa propriété pour être en autoproduction. Il achètera alors une voiture électrique, certainement une Tesla », explique-t-il. « En Suisse, il se vend plus de Tesla Model S que toutes les voitures particulières à gaz réunies », fait-il remonter.
 

Flottes d’entreprise

« Il y a clairement un nouveau développement en Suisse des voitures alimentées au GNV, porté par les flottes d’entreprises qui bénéficient avec cette technologie d’une image plus propre », assure
 
« Salt Mobile, anciennement Orange Communications, vient de s’équiper de 48 Seat Leon ST », cite-t-il en exemple. « Nous travaillons sur des mises en scène qui permettent de dégager les avantages pour les entreprises à investir dans la mobilité au gaz naturel, en particulier au niveau du coût total de possession des véhicules », illustre-t-il. « Un bon argument pour faire vendre des engins alimentés au GNV, en plus des économies réalisées sur le volume de CO2 libéré à l’utilisation, est, par exemple, d’offrir les 1.000 premiers kilomètres au biogaz », révèle notre interlocuteur.
 
« Comme le biogaz est injecté dans le réseau, à hauteur d’environ 10%, on délivre des certificats de compensation officiels qui accréditent notre démarche », souligne-t-il.

 

Transition énergétique

« La Suisse est un très gros émetteur de CO2. Le tiers des émissions provient du secteur du bâtiment. Des dispositions ont été prises, notamment pour la rénovation, et en favorisant, par exemple, l’installation de pompes à chaleur. Un autre tiers est causé par les transports », avance André Räss.

« La stratégie française de soutenir la mobilité GNV des poids lourds est pertinente. Ici, en Suisse, on va chercher des solutions pour emboîter le pas. Le gaz doit être reconnu chez nous comme faisant partie intégrante de la transition énergétique. Nous devons convaincre les politiques qui estiment que le moteur thermique est déjà mort », dépeint-il. 

« Des bus roulent au gaz naturel en Suisse. Ainsi à Berne, Lausanne ou Bâle. Ils sont parfois le fruit d’arrangements croisés entre les sociétés gazières et les autorités en charge des transports. Comme ces engins ne sont pas très convaincants, du fait qu’ils sont de l’ancienne génération, ils sont remplacés par des véhicules électriques », rapporte notre interlocuteur. « Des bennes à ordures fonctionnent aussi au gaz naturel, comme à Morge ou à Vevey : elles sont plus silencieuses que les modèles habituels », continue-t-il. 
 

Un dispositif à mettre en place

« Nous espérons bien convaincre des sociétés qui exploitent des poids lourds de convertir leurs flottes au GNV », indique André Räss. « En Suisse, il manque encore des subventions ou des exemptions de taxes pour cela. Egalement pour les poids lourds étrangers qui traversent le pays : Quels seraient les avantages fiscaux possibles ? Comment s’assurer d’un bon développement des stations-service délivrant du GNV le long des axes principaux ? », poursuit-il. 
 
Sur ce dernier point, en particulier, notre interlocuteur précise qu’une des difficultés pour le développement cohérent de la mobilité au GNV provient de la perception très compartimentée des gaziers. « Ils sont une centaine en Suisse, avec une vision très territoriale du problème », commente-t-il. « Je suis convaincu de la pertinence de la mobilité au gaz naturel pour réduire les nuisances du trafic routier, d’autant plus qu’il est parfaitement possible de rouler 100% neutre en CO2 grâce au biométhane produit de manière renouvelable localement, et consommé localement », conclut le responsable produit mobilité chez Gaznat.
 
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement André Räss pour son témoignage et sa grande réactivité.

En savoir plus : 
Le site du Gaz Naturel en Suisse
 
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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