Gaec des Friches : Une autre image de la méthanisation

Gaec des Friches : Une autre image de la méthanisation
Plus nous rencontrons d’exploitants agricoles lancés dans la méthanisation, et plus deux de nos constats se renforcent : chaque site est unique, et les porteurs de ces projets sont en perpétuelle réflexion pour faire progresser leur entreprise. C’est le cas au Gaec des Friches installé à Saint-Nicolas-du-Tertre, dans le Morbihan.
 
Connaissez-vous Saint-Nicolas-du-Tertre en Bretagne ? Non !? Ce n’est pas très étonnant puisque cette commune de moins de 500 habitants est un peu perdue au milieu d’une vaste zone rurale. Et La Gacilly, en Ille-et-Vilaine ? Peut-être au moins de nom puisque que c’est ici que le siège des Etablissements Yves Rocher est installé, et que s’y déroule un festival photographique d’une notoriété galopante. Bien qu’ancrés dans des départements différents, les 2 sites sont distants d’à peine 10 km à vol d’oiseau. Le premier illustre parfaitement la ruralité inventive en Bretagne. Le second véhicule une image plus culturelle, avec la même recherche d’authenticité. Au Gaec des Friches, nous avons été reçus par Dominique Monneraye, gérant de l’entreprise.

Du bioGNV au Gaec des Friches ?

Aujourd’hui, l’unité de méthanisation n’a pas encore de lien direct avec la mobilité au bioGNV. Mais c’est en projet. « Dans un ou deux ans, nous pensons monter une station d’avitaillement. Elle pourrait servir les camions qui nous apportent les déchets, les automobilistes particuliers de la commune et nos tracteurs », confirme Dominique Monneraye. Et aujourd’hui ? Le Gaec des Friches est engagé dans une production d’électricité avec cogénération. Mis en service en 2015, le premier moteur affiche une puissance électrique de 250 kW et thermique de 327 kW.

« Cette première tranche a été soutenue par l’Ademe à hauteur de 20 % d’un investissement de 1,750 million d’euros » chiffre notre interlocuteur. Deux ans plus tard, les chiffres grimpent respectivement à 610 kWé et près de 759 kWth avec l’installation dans le même local d’un deuxième bloc thermique. En 2021, a été ajouté un troisième moteur disposé à l’extérieur, dans un caisson. Depuis, la puissance électrique installée frise le mégawatt, pour une production annuelle de l’ordre de 8 GWh.



 
Avec 300 vaches dédiées, la production annuelle de lait du Gaec des Friches tourne autour des 3 millions de litres. S’y ajoutent 250 génisses de renouvellement. L’exploitation dispose de 320 hectares de terres en herbage, maïs et autres céréales. Grâce à la cogénération, une production sous serre de tomates a été ajoutée. De 1,5 hectare en 2015, la superficie utile s’est étendue à 3 ha 2 ans plus tard. « Au départ, nous étions en contact avec Savéol. Finalement, nous travaillons avec la coopérative rennaise Solarenn », souligne Dominique Monneraye. « Grâce à la culture des tomates, nous valorisons sur place 100 % de notre production thermique issue de la cogénération. Ce n’est pas si courant et fait de notre entreprise l’unité la plus verte en France. Les moteurs nous permettent d’obtenir à l’heure 70 m3 d’eau à 80° C, stockés dans une cuve de 700 tonnes. Ce qui représente une part de 40 % pour le chauffage de la serre où règne une température moyenne de 22° C. Le reste provient de la chaufferie à bois montée sur le site en appoint », chiffre-t-il.

 

Un projet qui remonte a 2009

L’idée de monter un projet de méthanisation au Gaec des Friches a démarré en 2009-2010. « Il s’agissait de diversifier l’activité de l’exploitation. A l’époque, il n’y avait qu’une seule unité en service dans le Morbihan et une aussi dans le Finistère », met en avant Dominique Monneraye. Le monde agricole est alors secoué par la fin programmée du système des quotas laitiers, avec son lot de pertes de revenus. Les exploitants les plus visionnaires ont recherché de nouveaux moyens d’équilibrer les comptes.

« En 2013 et 2014, la méthanisation ne soulevait pas de polémiques. Et personnes ne s’est plaint à ce jour de notre unité, car les nuisances ne sont pas si grandes », précise notre interlocuteur. « Nous avions en revanche l’obligation, en 2015, de valoriser la chaleur produite par les moteurs produisant de l’électricité. Avant de penser à la serre à tomates, nous avions réfléchi à chauffer le bourg et à alimenter la scierie locale. Au final, 40 emplois ont été créés avec la serre », se réjouit notre interlocuteur.
 

La bonne soupe

Les digesteurs du Gaec des Friches reçoivent des produits classiques comme du lisier, du fumier, des déchets de plantes céréalières et des graisses des stations d’épuration. Mais pas de cives ni de maïs. Ce qui est rendu possible grâce à l’ajout d’autres matières, en particulier alimentaires. Ainsi des graisses en provenance des abattoirs, du marc de citrons et de pommes.

« Mais aussi des produits périmés conditionnés dans des boîtes de conserve ou des contenants en plastique. Ce sont par exemple des plats préparés, des bouteilles de lait, des yaourts, des pains au chocolat, etc. Nous les passons dans une grosse machine qui perfore les contenants métalliques ou en plastique. Ces derniers ressortent parfaitement propres de la chaîne », explique Dominique Monneraye. L’entreprise paye 180 euros la tonne pour se débarrasser des plastiques, mais revend au même prix la tonne de boîtes métalliques vidées et nettoyées. 

La machine à désemballer de la Gaec des Friches

« A l’année, la machine désemballe 10 000 tonnes de produits alimentaires. Nous en utilisons 4 000 tonnes pour nos propres besoins. Le reste est acheminé vers 7 ou 8 autres unités de méthanisation des environs », expose notre interlocuteur. « Nous allons prochainement installer une seconde unité de désemballage. Et ce, en réponse à la nouvelle réglementation de la communauté de communes applicable au 1er janvier 2024 sur la revalorisation des déchets organiques. Nous devons doubler notre capacité de traitement au profit d’autres unités de méthanisation », révèle-t-il. Les digesteurs d’une capacité totale de 7 700 m3 reçoivent aussi environ 15 000 tonnes de lisier et fumier à l’année. Au total, ils ingurgitent 17 000 tonnes de matières sur la même période, à raison de 75 tonnes par jour.
 

Pas besoin d’unité de purification du biogaz

« La matière organique est soumise à une température de 43° C pendant 100 jours dans nos digesteurs. Cette durée nous permet de nous passer d’un traitement de purification du biogaz et d’obtenir un digestat sans odeur », assure Dominique Monneraye. « Il sort à l’année 27 000 m3 de digestat. La moitié est utilisée pour nos propres besoins et le reste pour l’épandage dans d’autres exploitations agricoles locales », évalue-t-il.

Les camions qui apportent ou repartent avec des matières ne passent pas dans le bourg. Heureusement, car l’activité de méthanisation génère ici un trafic annuel relativement important : 400 camions pour les matières diverses, 650 pour les produits à désemballer, 200 pour livrer la soupe à d’autres sites, 1 300 pour le digestat. Sans compter les rotations pour recevoir le bois de la chaufferie. Ce qui représente quotidiennement 8 camions par jour en moyenne. « Nous cherchons une possibilité de réduire le trafic lié à l’acheminement du digestat », informe Dominique Monneraye.
 

Des moteurs extrêmement fiables

Pour son système de cogénération, le Gaec des Friches a fait confiance à Hochreiter. « En 1984, Hans Hochreiter était agriculteur en Bavière. Avec un moteur de voiture, il a réalisé une installation de biogaz pour générer de l’énergie thermique sur sa propre exploitation. Puis, il a monté sa boîte. Cette entreprise a construit à ce jour plus de 1 700 unités en Allemagne, France, Italie, Espagne, Autriche, aux Pays-Bas, etc. », nous apprend Dominique Monneraye.

« Les moteurs qui assurent la cogénération en fonctionnant au biogaz sont d’une excellente fiabilité. On compte 8 760 heures dans une année. Ils fonctionnent 8 698 heures par an, n’étant arrêtés que pour les opérations de maintenance, comme les vidanges. Je viens juste de recevoir le carton qui contient pour 30 000 euros de pièces de remplacement », conclut-il. En plus de la future station de bioGNV, Dominique Monneraye et sa fille réfléchissent à lancer des élevages d’insectes pour la consommation alimentaire.



 
Gaz Mobilité et moi-même remercions Dominique Monneraye de nous avoir ouvert les portes de son Gaec. Un grand merci également à Théophyle Mini qui nous a mis en relation avec cet exploitant.
 
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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1 Commentaire

  1. AlberiPublié le 25/04/2022 à 13:41

    Merci pour cet article intéressant.
    Mais pourquoi choisir d’agrandir l’installation plutôt que d’en faire une seconde ailleurs sur un autre lieu de production agricole pour ainsi diminuer le ballet des camions pour les intrants et le digestat ?

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