Interview : comment les Trans Musicales valorisent les déchets pour la mobilité

Interview : comment les Trans Musicales  valorisent les déchets pour la mobilité
Durant les Trans Musicales, c’est à l’aide de vélos électriques que les biodéchets ont été récupérés
Du 6 au 10 décembre 2023, les festivaliers des quarante-cinquièmes Trans Musicales ont à nouveau découvert des talents venus très tôt dans leur carrière s’exprimer à Rennes (35). Particulièrement précoce dans l’engagement durable et solidaire, l’organisation a intensifié ses actions en faveur de la récupération des déchets, avec une collecte à vélo électrique pour produire du biogaz et du compost.
 
En fin d’année dernière, environ 60 000 visiteurs sont venus soutenir et découvrir 77 phénomènes artistiques internationaux en devenir. Situé à environ huit kilomètres du centre de Rennes, le parc des expositions a été occupé pendant 17 jours par les Trans Musicales.

« Dix jours avant l’ouverture au public, les équipes de montage commencent à travailler sur le site. Le démontage ne prend pas plus de 4 jours ensuite. Sur cette période et pour ces professionnels, environ 3 000 repas ont été servis en 2023 », chiffre Erwan Gouadec, directeur délégué de l’événement. Trier et valoriser les biodéchets, c’est bien, à condition que la collecte soit également vertueuse. Pour la première fois, cette opération a été réalisée avec les vélos électriques de Rennes du Compost tractant des remorques construites à Rennes par Tentenvélo. « Cette collecte était un de nos axes d’amélioration. Nous sommes entrés en contact avec Rennes du Compost au printemps dernier et leur participation était quasiment acquise à ce moment-là », explique Louis Testemale, chargé de mission pour les Trans Musicales.
 

De quoi faire rouler un autobus au gaz sur 120 km

Les remorques utilisées par Rennes du Compost peuvent recevoir jusque 300 kg de charge utile. « Entre les artistes, les festivaliers et nos équipes, environ 1,3 tonne de biodéchets ont été collectés pendant toute la durée de l’occupation du site », chiffre Louis Testemale. Le volume a été divisé en deux parts. Responsable de la communication pour les territoires Centre-Ouest chez GRDF, Baptiste Orinel précise : « 750 kg ont été valorisés sous forme de 600 kWh de gaz vert, évitant de relâcher dans l’atmosphère 144 kg de CO2. Le reste a été composté par Rennes du Compost ». Concrètement, qu’est-ce que ça représente 600 kWh de bioGNV ? « De quoi faire rouler un autobus sur 120 km ».

Aux Trans Musicales, le tri des déchets et la mise en place de navettes entre le centre ville et le parc des expositions datent de 2004 ! Ces 120 km représentent 7,5 rotations complètes d’autobus, ce qui est loin d’être négligeable. La distance aurait même pu friser les 200 km si toute la collecte avait été orientée vers la méthanisation.


 

Des chiffres symboliques

Des chiffres avant tout symboliques, car on ne sait pas si des navettes fonctionnant au bioGNV ont concrètement circulé pour servir les Trans Musicales. Ce que l’on sait en revanche, c’est que le service a véritablement fonctionné de façon intensive avec des autobus de 18 mètres. « Le transport, c’est ce qui pèse le plus en général en empreinte carbone pour les festivals. Pour le nôtre, les festivaliers empruntent à hauteur de 71 % les navettes. Elles circulent dans la nuit entre 19 h 30 et 7 h 30, avec parfois une fréquence de l’ordre de 3 minutes. Les bus sont pleins, transportant environ 150 personnes. Ils entrent par une porte dans un des halls du parc et ressortent par une autre, de telle sorte que les festivaliers attendent au chaud et à l’abri de la pluie », met en avant Erwan Gouadec.

« L’aller-retour ne coûte que 3,40 euros aux festivaliers qui achètent des tickets, et même rien pour ceux qui ont déjà un abonnement pour les bus de Rennes. Les régions participent également. Venir en TER à Rennes pour le Festival ne coûte que 18 euros l’aller-retour pour les Bretons, et 10 euros pour les habitants des Pays de la Loire », ajoute Louis Testemale.
 

Une situation particulière

Selon GRDF, la collecte et la valorisation des biodéchets est un bon moyen pour sensibiliser et informer les participants des festivals sur le tri à la source. « Nous participons à d’autres événements de ce genre, en collectant parfois jusqu’à 4 tonnes de biodéchets. Nous avions monté un espace pédagogique aux Trans Musicales, avec un mini méthaniseur de 2 mètres d’envergure », témoigne Baptiste Orinel.

Le site du parc des expositions de Rennes présente toutefois une particularité : « Dans un rayon de 5 kilomètres à vol d’oiseau étaient concentrées la production des biodéchets du festival, l’unité de méthanisation de Noyal-Châtillon où Rennes du Compost les a livrés, et la station bioGNV de Chartres-de-Bretagne où les autobus de Linevia vont s’avitailler ». Sur le territoire de la métropole de Rennes, la mobilité au GNV/bioGNV est bien une réalité : « En plus des bennes à ordures ménagères, le territoire utilisent des autobus fonctionnant au biogaz. C’est bien la même énergie qui a été obtenue en méthanisant les biodéchets des festivaliers des Trans Musicales ».
 

Compostage

Si tous les biodéchets n’ont pas été dirigés vers le méthaniseur de Noyal-Châtillon, c’est tout simplement parce que la raison d’être de Rennes du Compost, ce n’est pas que la collecte. C’est aussi le compostage auquel tient tout particulièrement la jeune association créée en février 2021 par 3 collègues qui avaient envie de changer de voie professionnelle.

Bénéficiant d’une formation en cycloentreprise, elles ont démarré un service qui n’existait pas encore dans la métropole de Rennes. L’emploi de vélos électriques tractant de lourdes remorques est courageux sur des tournées de 15-20 km en centre-ville et de 30-35 km en dehors. La liste des clients de Rennes de Compost ne cesse de s’allonger, démarrée avec des bars, restaurants, épiceries et hôtels. Elle s’est diversifiée avec le passage par des entreprises desquelles les remorques reviennent chargées de marc de café, épluchures et restes de repas des salariés.

Comme avec la part issue des Trans Musicales, les vélos attelés prennent la direction du terrain de compostage. En échange de la fourniture de compost, il est prêté par l’association Le jardin des mille pas qui pratique l’agro-écologie et la permaculture. C’est le type de cercle vertueux que Rennes du Compost aime former, cherchant également à développer une activité pédagogique autour de sa raison d’être.
 

Evolutions envisagées sur le tri…

Très tôt engagées dans une démarche de développement durable, les Trans Musicales adoptent toujours davantage d’actions pour modérer leur empreinte globale sur l’environnement. « A l’édition précédente, les biodéchets étaient collectés et traités par Veolia à Angers [NDLR : A environ 130 km de Rennes]. Maintenant ils sont valorisés dans le bassin rennais », se réjouit Erwan Gouadec.

Parmi les biodéchets, les coquilles des huîtres n’ont pas pu être récupérées en 2023 : « Il nous faut identifier une filière pour les traiter. Nous allons aussi encore simplifier et fluidifier le passage par les bacs de tri ». Depuis 2008, le festival utilise des gobelets consignés réutilisables : « Nous avons arrêté le flocage depuis des années afin qu’ils nous reviennent. Nous avons étendu le principe du réutilisable à la vaisselle, c’est-à-dire aux bols et aux assiettes, avec un retour de 98 % ».
 

…et la mobilité

En matière de mobilité, Louis Testemale assure qu’il y a « une vraie demande de la part des festivaliers pour venir rejoindre le site à vélo. Ils ont été 94 à le faire en décembre 2023. Il y a un vrai potentiel de développement, à condition que des pistes cyclables sécurisées soient mises en place sur tout le parcours. Ce qui devrait être fait dans les 2 ans. Nous avions utilisé l’application Geovelo pour définir les tracés les plus sûrs ».

Les incitations pour le covoiturage rencontrent moins de succès : « C’est un peu commun à tous les festivals. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de covoiturage, mais les gens se débrouillent par eux-mêmes, sans utiliser d’application, en s’organisant entre connaissances », conclut Erwan Gouadec. L’édition 2024 permettra peut-être d’établir un lien plus direct entre la méthanisation des biodéchets collectés sur place et l’énergie qui anime les navettes lors de cet événement.
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement Erwan Gouadec, Louis Testemale et Baptiste Orinel pour leur disponibilité.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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