2022 : Une année difficile pour la mobilité GNV en Belgique

2022 : Une année difficile pour la mobilité GNV en Belgique
Comme en France, la mobilité GNV/bioGNV souffre en Belgique d’une orientation trop prononcée de l’Europe vers les véhicules électriques. Le prix du gaz aux distributeurs a été un facteur aggravant l’année dernière. A ce niveau, la situation s’est bien améliorée et pourrait laisser espérer un redémarrage en 2023 pour une filière mature et efficace à l’heure de décarboner le fret et les déplacements individuels. Il faudrait pour cela que l’Union européenne accorde une meilleure place au GNV, notamment dans la directive concernant les émissions des camions.
 

Une offre de véhicules GNV bouleversée

Avec un intérêt toujours trop peu marqué de la part de l’Europe pour la mobilité au GNV/bioGNV, les constructeurs se font rares sur le marché des voitures particulières et des utilitaires légers fonctionnant au gaz. Saluons la fidélité du groupe Volkswagen, présent avec la marque éponyme, mais aussi à travers ses filiales Seat et Skoda. Avec la sortie de Fiat du marché, l’offre s’est encore réduite.
 
Absent en France, le groupe chinois BAIC est cependant présent en Belgique avec les 2 SUV Glory et Fengon. « Il s’agit de modèles essence qui ont fait l’objet d’un rétrofit de qualité », éclaire Didier Hendrickx. « Le Parlement européen a entériné de prendre en compte les émissions des véhicules à l’échappement, et non du puits à la roue, ce qui joue négativement pour les modèles fonctionnant au GNV », poursuit le responsable du département Gas Market Development pour la fédération belge du gaz naturel (Gas.be). Il s’étonne du silence de Renault qui avait pourtant évoqué une prochaine implication dans la mobilité GNV, il y a quelque temps. « Pour les véhicules utilitaires légers et intermédiaires, nous pouvons toujours compter sur Iveco. Ce constructeur est également sur le marché des poids lourds, tout comme Scania et Volvo ».
 

Des immatriculations en chute libre

Lors de notre interview annuelle avec lui, en début d’année dernière, Didier Hendrickx avait évalué aux alentours des 23 000 les véhicules GNV circulant en Belgique en 2021. Il vient de nous annoncer des chiffres qui témoignent « d’une lente descente ».
 
Le parc s’est réduit « autour de 20 000 véhicules, dont 1 000 camions fonctionnant au GNL et 200 à 300 avec du GNC ». Il s’interroge : « Avec des constructeurs orientés vers les électriques et les hybrides, est-ce que le marché pour les particuliers pourrait être sauvé ? ».
 
Pourquoi cette inquiétude ? Déjà en raison de la baisse des nouvelles immatriculations observée depuis quelques années. D’environ 5 000 unités en 2018 et 2019, la courbe s’est orientée vers le bas dès l’année Covid (4 200), avec une nette aggravation ensuite : 2050 en 2021, et seulement 700, tous types de véhicules confondus, l’année dernière.
 

Appel à l’Europe pour inverser la tendance

Du fait du temps nécessaire pour passer les commandes et recevoir les véhicules, la courbe des nouvelles immatriculations est un peu différente pour les seuls camions. En 2019, seulement 120 nouveaux poids lourds fonctionnant au GNV/bioGNV ont été enregistrés en Belgique. Le volume a augmenté à 215 en 2020, et s’est maintenu à ce niveau l’année suivante. En 2022, en revanche, les chiffres ont chuté : 134 nouvelles immatriculations de camions.
 
« Ce repli, l’année dernière, est la conséquence directe de l’envolée des prix sur le GNV. Il reste encore quelques renouvellements de flottes, mais nous pouvons nous attendre à une diminution importante dans les années à venir », redoute-t-il, tout en espérant un geste fort de l’Europe. Notamment a travers la révision, en cours de ce premier semestre 2023, de la directive européenne sur les émissions des camions : « L’avenir pour le carburant GNV en Belgique sera beaucoup plus simple si l’Europe tient compte de l’intérêt du bioGNL et du bioGNC ».


 

Des prix à la pompe parfois multipliés par 5

« Dans le courant 2022, nous avons essuyé en Belgique une évolution particulièrement défavorable des tarifs du gaz. Aux distributeurs, le prix du GNV a parfois été multiplié par 5. De 1 euro le kg il y a un an et demi, il est monté à plus de 4 et 5 euros dans certaines stations pour les automobilistes. En revenant actuellement dans les 2 euros, il redevient compétitif par rapport à l’essence et au diesel », témoigne Didier Hendrickx.
 
Et pour les transporteurs ? « Même si l’indexation des prix du GNV est différente pour les camions, le problème a été similaire pour les transporteurs qui sont déjà confrontés à un surcoût à l’achat des véhicules fonctionnant au gaz. Les gestionnaires de flottes ont mis le modèle GNL sur le côté pendant quelques mois, d’où ce ralentissement des nouvelles immatriculations en 2022 ».
 
« On verra bien ce que ça donnera en 2023, alors que les prix aux distributeurs descendent fortement. Si la tendance de ces dernières semaines se confirme, le marché des camions GNL devrait repartir », envisage-t-il.
 

BioGNV

« La directive révisée sur les énergies renouvelables (RED2) est entrée en vigueur et a été traduite en droit belge. Elle permet de voir le GNL et le GNC comme des carburants avancés, du fait d’avoir comme avantage d’être quasi neutres en CO2. Gas.be a contribué à mettre en place la possibilité pour les transporteurs et leurs clients d’exploiter dans l’établissement de leur bilan carbone le fait d’utiliser du bioGNV. Mais il y a encore du travail », indique Didier Hendrickx.
 
« Depuis 2 ou 3 ans, il est ainsi possible en Belgique d’acheter du GNL et du GNC qui contient un certain pourcentage de bioGNV. Cette proportion dépend de l’exploitant », complète-t-il. « Le terminal de Zeebrugge dispose d’une série de points de livraison pour acheminer par camion le GNL dans des stations. Le potentiel va encore croître. C’est à travers un mécanisme de certificats d’origine, comme pour l’électricité, qu’il est possible d’exploiter la part de bioGNV dans le GNL utilisé par les transporteurs. Il y a une très forte demande au niveau européen à ce niveau, et notamment en Allemagne », précise-t-il.
 

Perspectives de développement

« En Belgique, le réseau d’avitaillement compte une grosse vingtaine de stations GNL, et 150 pour le GNC, dont 2 en bioGNC directement sur site de méthanisation et ouvertes aussi bien aux particuliers qu’aux transporteurs », remonte Didier Hendrickx. « Il y a une grosse différence dans l’établissement des prix du GNV et de ceux du bioGNV. Pour ce dernier, ils dépendent de paramètres réels. Ce qui fait qu’on le trouve généralement moins cher aujourd’hui, autour de 1,50 euro le kg ».
 
Quelles perspectives pour le GNL en Belgique ? « L’avenir du GNL, c’est le bioGNL. D'ici à quelques années, nous devrions connaître une production importante le concernant. C’est essentiel de pouvoir la développer sur sites. Des projets sont en cours en ce sens. Les choses se mettent en marche : c’est incontournable pour la stabilité des prix au bénéfice des transporteurs ».
 
Comme en France, les automobilistes sont, eux, concernés par le bioGNC : « Il nous faut pouvoir attirer de nouveaux constructeurs et instaurer une dynamique pour cela qui pourrait intéresser aussi ceux d’Asie ». Qu’en est-il concernant les entreprises publiques ? « Les collectivités locales sont en train de mettre en place tout un maillage local pour le développement des flottes, dont celles de bus fonctionnant au GNV ».


 

Développement du biogaz et économies d’énergie

La Belgique consomme-t-elle directement du gaz russe ? « Nous n’avons pas de gaz russe par nécessité dans notre pays. Nous en consommons juste une petite part qui nous arrive indirectement d’Allemagne. Toutefois nous souhaitons sortir du gaz classique et aller ver le renouvelable, en particulier pour réduire notre dépendance énergétique ». Le gaz n’est pas réservé à la mobilité : « Plus de 50 % des Belges se chauffent avec. Et plus de 100 000 entreprises en consomment, soit pour le chauffage, soit pour des process industriels. Le gaz entre aussi à hauteur de 25 % dans la production d’électricité ».
 
Le biogaz se développe dans le pays : « Aujourd’hui, le biométhane produit en Belgique représente une part de 10 à 15 % de la consommation, bientôt 20 %. La méthanisation n’est pas la seule piste suivie pour obtenir du gaz décarboné. Il y a aussi la gazéification, la pyrogazéification, le e-méthane, l’hydrogène vert. Le tout devrait permettre de couvrir entre 25 et 30 % de la consommation des Belges dans le futur ».
 
« En parallèle à la production décarbonnée, la consommation de gaz devrait descendre en Belgique. Grâce à des travaux d’isolation, au report vers l’électrique, et à l’adoption de pompes à chaleur en hybridation avec des chaudières, on attend -40 % pour les clients résidentiels », avance Didier Hendrickx.
 
« La conjonction des 2 évolutions devrait permettre une couverture des deux tiers des besoins par du renouvelable, complété par du low carbon gas obtenu de la capture du CO2. Ce plan ambitieux est cependant confronté à une inertie importante. Le taux annuel de rénovation dans l’habitant est officiellement de 3 %, ce qui est déjà peu. Mais en fait il est beaucoup plus proche de 1 % du fait des coûts à engager par les particuliers, et de la disponibilité de la main d’œuvre », conclut-il.
 
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement Didier Hendrickx pour sa fidélité à notre média et sa disponibilité.
 
 
 
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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