Carbon Correction Factor : une alternative à l'ACV pour valoriser les atouts du bioGNV et des biocarburants

Carbon Correction Factor : une alternative à l'ACV pour valoriser les atouts du bioGNV et des biocarburants
Poussée par bon nombre d’acteurs afin qu’elle intègre le futur règlement européen sur les émissions de CO2 des véhicules lourds, la méthode Carbon Corrector Factor pourrait être la solution pour une approche technologiquement neutre vis-à-vis des différents carburants d'origine renouvelable. 

Entre une approche du « réservoir à la roue » incapable de faire la distinction entre origine renouvelable et fossile des carburants et une méthode ACV (Analyse du Cycle de Vie) jugée extrêmement complexe à mettre en œuvre, un autre dispositif pourrait sauver les carburants renouvelables. Son nom ? Le Carbon Correction Factor (CCF). Evoquée depuis 2018, la solution permettrait d’ouvrir le spectre de la décarbonation au-delà du zéro émission à l’échappement, qui ne considère aujourd'hui que l’électrique et l’hydrogène.

« Scientifiquement parlant, la mesure ACV est idéale mais les institutions jugent le mécanisme trop complexe. Face à ce constat, on pousse cette nouvelle méthode CCF qui repose sur une base existante » résume Jean Terrier, responsable du secteur mobilité au sein de GRTgaz et membre du conseil d’administration de l’AFGNV et Gmobility, anciennement NGVA Europe. 

Carbon Correction Factor : comment ça marche ?

Principal atout de la méthode CCF ? Sa simplicité de mise en œuvre. « On reste dans une logique à l’échappement et on ne remet pas en question l’intérêt de l’électrique et de l’hydrogène puisque la méthode n’évolue pas. Par contre, cela permet de prendre en compte assez simplement bioGNV et biocarburant dans le calcul des émissions de CO2 » résume Jean Terrier. « L’idée est de rester sur une logique à l’échappement mais de venir corriger le contenu carbone avec le taux d’incorporation du bioGNV dans le GNV au niveau européen ». Une méthode qui n'est pas nouvelle puisqu’elle est déjà utilisée avec succès en Suisse depuis plusieurs années. 

« Le système est au plus juste. La méthode n’incite les fabricants à produire des véhicules GNV qu’à condition que le bio se développe » insiste Jean Terrier. « Si d’aventure il y avait trop peu de bioGNV, ce dont nous doutons, les constructeurs tentés de proposer des véhicules GNV devraient déclarer des niveaux de CO2 proches du fossile. Il serait alors plus compliqué pour eux d’atteindre leurs objectifs et, en toute logique, ils se tourneraient vers d’autres alternatives plus vertueuses. La logique est la même avec biodiesel et diesel. Au final, la méthode CCF encourage la fin progressive des carburants fossiles et pourrait même débloquer de nouvelles capacités de production de biocarburants, gazeux et liquides ». 
 
Exemple : pour un véhicule GNV émettant 100 g CO2/km à l’échappement, un taux d’incorporation de 15 % de bioGNV permettrait avec la méthode CCF d’abaisser les émissions de CO2 à 85 g/km.

 

Une base existante issue de la directive RED

Contrairement à l’ACV, qui aurait nécessité la mise en place de de nouvelles méthodes de calcul, le CCF repose sur une base existante. Tout cela s’appuie sur les obligations de la Directive européenne sur les énergies renouvelables (RED) et les données de la base SHARES. Éditée par l’agence européenne de l’environnement, celle-ci se présente comme un registre dans lequel chaque Etat membre déclare annuellement son taux d’incorporation de renouvelables pour différents types de carburants. « Selon les données de la base SHARES (2021), la part de biogaz à l’échelle européenne se situe autour de 15 % avec une grande disparité d’un pays à l’autre » chiffre Jean Terrier. 

« Dans son annexe 6, la Directive explique bien que les carburants issus de la biomasse doivent être considérés comme nul à l’échappement puisqu’on tient compte du CO2 absorbé en amont lorsqu’ils ont été produits » souligne Jean Terrier. Le principe serait ainsi d’appliquer la méthode à tous les biocarburants reconnus par la Directive, dont le bioGNV, et, suivant la même logique, aux carburants synthétiques produits à partir de CO2 absorbés dans l’atmosphère.
 
N’écarter aucune énergie

« Selon les chiffres de l’ACEA, 6 millions de poids lourds circulent aujourd’hui en Europe. Sachant qu’il y a 300 000 immatriculations par an, il faudra donc 20 ans pour renouveler le parc à 100 %. Or, 96 % des poids lourds immatriculés en 2021 fonctionnaient toujours au diesel » rappelle Jean Terrier. « Devant la tache de la décarbonation du transport lourd, nous sommes convaincus qu’on aura besoin de toutes les énergies efficaces. L’électricité et l’hydrogène en font évidemment parti mais le bioGNV et les bio-carburants ne doivent pas être mis de côté » insiste le représentant de GRTgaz et de l’AFGNV.
 

Une méthode de plus en plus soutenue

Porté par la filière bioGNV ainsi que de nombreux acteurs des biocarburants, qui détaille la méthode sur un site internet dédié, le CCF trouve de plus en plus de défenseurs au sein même des instances européennes. « La méthode a fait l’objet de plusieurs amendements dont certains ont été validés par la Commission Transports du Parlement. C’est un signal fort envoyé par la quarantaine de députés qui la compose » détaille Jean Terrier. « Sur la commission environnement qui se réunira fin octobre, plusieurs groupes demandent également la prise en compte du CCF ».

Ce soutien au CCF va même au-delà des parlementaires européens. L’Italie a également repris les amendements pour demander l’adoption de la méthode. En Allemagne, une soixantaine d’entreprises, de fédérations et d’associations du monde de la logistique et du transport de voyageurs ont récemment publié une lettre commune, appelant le gouvernement fédéral à introduire le Carbon Correction Factor pour « favoriser la montée en puissance de tous les carburants renouvelables ». 
 
Aussi pour les véhicules légers ? 

Aujourd’hui concentré sur les véhicules lourds, la méthode du Carbon Correction Factor pourrait-elle également s’adapter au segment des voitures particulières et utilitaires légers ? Si la filière concentre aujourd’hui ses efforts sur les véhicules lourds compte tenu des échéances européennes à venir, l’Allemagne a ouvert une porte en demandant la reconnaissance des e-fuels. De quoi relancer les débats et potentiellement réintroduire le CCF pour les véhicules légers ?

Un calendrier serré

Alors que la Commission Environnement du Parlement se réunira le 23 octobre prochain, celui-ci doit voter en plénière le 20 novembre. Le Conseil, qui se réunira le 16 octobre prochain, est censé donner sa position en fin d’année. Les élections européennes de juin, qui imposent que l’ensemble des trilogues soient bouclés d’ici à fin février 2024, pourraient reporter l’adoption du texte à fin 2024, au mieux, si les différentes parties n’arrivaient pas à s'entendre dans les délais. 

 

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Michaël TORREGROSSA Michaël TORREGROSSA
Rédacteur en chef
Persuadé que la mobilité du future sera multi-énergies, Michaël est le rédacteur en chef et fondateur de Gaz Mobilité.

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