Clément Chandon (Iveco) : une carrière engagée pour le GNV et bioGNV
En charge des propulsions alternatives chez Iveco France, Clément Chandon est un fervent défenseur du GNV
Ayant cru avant l’heure à l’avenir du gaz dans la mobilité, Clément Chandon est aujourd’hui considéré comme l’un des piliers de la filière GNV. Après un passage chez Iveco Europe, il est de retour en France pour coordonner la transition énergétique du constructeur. De ses débuts à sa récente élection en tant que vice-Président au sein de l'association France Mobilité Biogaz jusqu'aux enjeux de la nouvelle réglementation CO2 des poids lourds, retour sur une carrière engagée dans la promotion de la mobilité gaz.
La filière GNV, ce sont des acteurs, mais aussi des hommes. Clément Chandon fait assurément partie de cette seconde catégorie. Aujourd’hui en charge des propulsions alternatives chez Iveco France, il a été l’un des acteurs clés de la transition de la marque vers le GNV. Un (long) parcours que nous retraçons dans une interview exclusive.
J'intègre non sans mal le bureau d’étude de Vénissieux, près de Lyon, avec l’avantage de venir du monde Iveco-Fiat, mais aussi de parler italien. Ils m'ont mis au département moteur avec, parmi les sujets à traiter, l'installation des moteurs d'origine Iveco sur le bus et notamment la remotorisation de l'Agora avec un moteur gaz Iveco. A l'époque, le projet était prioritaire. Il fallait qu’on puisse vite basculer sur la motorisation Iveco. C'était en octobre 2001. J'avais une formation mécanique informatique orientée CAO calcul de structure. La thermodynamique n'était pas ma formation initiale, mais avec ce projet de remotorisation, je suis tombé dans ce chaudron-là et c’est devenu une part très importante de mon travail.
A cette époque, le gaz était déjà une réalité importante. En 2006, nous faisions déjà la moitié de notre production en gaz avec Irisbus, qui était alors l’acteur de référence sur le marché français avec presque 80 % de parts de marché. Début 2008, le groupe m'a demandé de prendre le poste de directeur produit camions et utilitaires à Trappes. J'ai accepté, même si ça me faisait quitter une région que j'aimais beaucoup.
Je me suis donc retrouvé dans le poids lourd avec un monde complètement nouveau. Globalement, je connaissais surtout le moteur, mais pas grand-chose du reste. Et là, j'ai eu la surprise de voir qu’Iveco avait une offre gaz fantastique. Mais cela n'intéressait pas grand monde dans l'entreprise hormis la personne qui vendait des bennes ordures ménagères à Suez et à Veolia. Le reste de l'entreprise avait plutôt peur du sujet et ne souhaitait pas s'en occuper.
Pourtant, nous avions déjà à cette époque-là une offre qui était vraiment déjà très qualitative. Ma chance a été d'arriver avec ce bagage-là, juste au moment où certains acteurs du transport de marchandises commençaient à s’interroger sur les alternatives au diesel. Par pure chance, j’ai été mis au bon endroit au bon moment.
Lors de mon arrivée, Iveco livrait les 8 premiers Stralis gaz à Monoprix, qui était alors un pionnier, pour alimenter les magasins parisiens. Il s’agissait de camions frigos exploités par GT location, qui est devenu GT solutions par la suite, et qui s’inscrivaient dans une logique assez globale : Ferroviaire au départ, Distri' Gare en plein centre-villes à Bercy et distribution en camions propres et silencieux. Car l’une des motivations de départ était aussi d’éviter de réveiller les riverains l’été, les livraisons des supermarchés se faisant pendant la nuit.
Malgré cela, les camions gaz n’étaient pas un sujet stratégique. Ils étaient là par la volonté de quelques ingénieurs qui avaient cru en cette technologie.
Au final, ces camions gaz ont prouvé qu’ils étaient fiables et qu’ils avaient une rentabilité intéressante. En 2008-2014, cela représentait 150 ventes par an en France. Mais avec ces volumes, on faisait déjà la moitié des ventes européennes. Donc, c’était un micromarché en France et c’était un micromarché au niveau européen.
Cela a été un pari incroyable. A l’époque, on immatriculait 300 véhicules gaz mondialement sur 35 000 poids lourds. Il a cru dans cette technologie et a convaincu Sergio Marchionne d'investir massivement pour que l'on puisse avoir le Cursor 9 gaz en plus du 8 et le 13, dont le développement a été lancé en même temps. Les tracteurs GNL, qui n’étaient encore que des prototypes inspirés des solutions américaines, ont aussi été lancés.
Pierre Lahutte a poussé toute l'entreprise à développer les produits, former les commerciaux et structurer l'après-vente. Le GNV est passé en quelques années du statut de véhicule de niche à un sujet stratégique pour l’entreprise. Le rôle des chargeurs a aussi été décisif, à commencer par Carrefour qui nous a suivis dès 2011 et a fortement accéléré à partir de 2015. Je n’oublie pas Engie, qui s’est engagé à livrer du bioGNV dès 2012, mais aussi les transporteurs pionniers et fidèles que sont Mauffrey et Jacky Perrenot.
J'ai commencé tout seul et rapidement, on a mis des spécialistes sur chaque marché important pour Iveco en Europe. Entre l'effort commercial, l’après-vente et l'énorme investissement qui a été consenti pour développer une offre complète, la stratégie a porté ses fruits. De 300 commandes en 2015, nous sommes passés à 8 100 commandes au niveau européen en 2021. On avait largement dépassé l’objectif de départ qui était de faire fois 10 pour passer de 300 à 3000 unités.
Après ces trois années passées à l’Europe, j'ai demandé à revenir sur le marché français et d'autres ont pris la relève. En France, j'ai continué à développer le gaz et commencé à préparer l'offre électrique, l’hydrogène et les biocarburants. Avec mon collègue Steve Giguet, j’ai dans mon périmètre tout ce qui est « non-diesel ». Le gaz reste toutefois une grosse partie de mon activité.
Ce que j'ai voulu aussi faire en revenant sur le marché français, c’est m'occuper davantage de l'aspect plaidoyer. J’ai été au sein de France Mobilité Biogaz, à l’époque AFGNV, dès mon arrivée au camion. Dès 2008, j'assistais aux réunions et je suis devenu administrateur de l'association courant 2009. A cette époque, l'association a failli mourir parce que l'automobile s'est retirée. C'étaient eux les premiers financeurs. Mais les constructeurs poids lourds sont restés pour la plupart. L’association a redimensionné ses dépenses et une nouvelle dynamique s’est enclenchée à partir de 2016-2017, avec les nouveaux produits qu’Iveco a lancé et qui ont donné envie à d'autres de continuer l'aventure.
En 2023, le GNV représente 51 % des immatriculations non-diesel en Europe. Cela reste donc d'assez loin la première énergie alternative des poids lourds en Europe. Mais comme cette technologie est devenue assez importante, il y a aussi des détracteurs, des gens que cela gêne. D’où mon souhait de jouer un rôle dans la défense de cette technologie qui a des avantages indéniables et extrêmement durables. Quand le poste de vice-président de l'association s'est libéré cette année, j'ai eu des amicales pressions pour le reprendre. J'ai accepté, je me suis présenté et j'ai été élu en avril. Pour la première fois, ce n’était pas un énergéticien, mais un constructeur qui prenait ce poste.
Aujourd'hui, ce qui est clé, c'est la réglementation à tous les niveaux. C'est ce qui occupe l'association la majorité de son temps. C'est vraiment le moment où elle doit mobiliser l'énergie de tous ses membres. Car si la trajectoire européenne devait rester celle qu'elle est aujourd'hui - mais je ne crois pas en ce scénario - cela signifierait à terme la fin de tous les biocarburants, bioGNV compris. Ce serait une grave erreur car cela ralentirait la transition énergétique.
Ce qui est vraiment intéressant dans cette association, c'est qu’il n’y a pas d’opposition. La majorité de ses membres ont un pied dans l'électrique et un pied dans le bioGNV. On ne trouvera jamais personne pour critiquer la solution électrique car on en fait partie. Engie, TotalEnergies, Iveco, Scania, Volvo, Enerjump, Proviridis... Tous ces acteurs s’inscrivent dans le mix énergétique, installent des solutions d'avitaillement ou fabriquent des véhicules capables de fonctionner avec du biodiesel, du bioGNV, de l’électricité ou de l’hydrogène… On est tous là-dedans et on est absolument certains qu'on a besoin de toutes ces énergies. La biomasse ne peut pas tout faire. Mais si on la met de côté, on est convaincus qu'on va casser le premier levier de la décarbonation du transport routier en Europe et que l’on va perdre du temps.
In fine, nous pensons que des solutions pragmatiques peuvent être trouvées. La prochaine commission devra rechercher un nouveau compromis avec le Parlement et les État membres pour élargir les énergies éligibles. Pour mémoire, nous ne sommes pas encore arrivés à 2% de non-diesel sur la consommation du parc poids lourd français. Et la France est le pays le plus en avance en Europe ! Face à ce défi, on ne peut pas se permettre de dire : « J'ai une énergie bas carbone locale et renouvelable et je ne vais pas à l'utiliser ».
Le Carbon Correction Factor est beaucoup plus immédiat. Il permet déjà de reconnaître tous les bio-carburants qui sont déjà consommés aujourd'hui en Europe. Surtout, cela permet aux constructeurs de continuer à investir dans ces technologies. En France, nous sommes déjà à près de 40 % de bio dans les stations GNC raccordées au réseau. C'était 17 % il y a trois ou quatre ans et 0,6 % en 2014 !
Cela se passe déjà aujourd’hui avec l’AdBlue. Si on n’en met pas dans le réservoir, le véhicule va le détecter et va réduire fortement sa puissance. Avec le bioGNV, c'est cette même logique qui pourrait être appliquée.
Il y a une autre partie d'Euro 7 qui porte sur des systèmes plus sophistiqués de mesure et de suivi des émissions à bord du véhicule. Cela veut dire plus d'électronique, plus de capteurs, mais ce sera pareil en diesel et en gaz. Il y a aussi les pneumatiques et les freins. Mais là aussi, tous les véhicules seront concernés.
Le seul problème, c'est la réglementation. Si elle ne change pas, elle condamne à terme tous les moteurs thermiques et donc les véhicules GNV. Mais si la réglementation s'ouvre avec les deux possibilités, le Carbon Correction Factor qui rentrerait dans la clause de revoyure de 2027 et les véhicules exclusifs carburant bas-carbone, la technologie et les gammes sont là !
La filière GNV, ce sont des acteurs, mais aussi des hommes. Clément Chandon fait assurément partie de cette seconde catégorie. Aujourd’hui en charge des propulsions alternatives chez Iveco France, il a été l’un des acteurs clés de la transition de la marque vers le GNV. Un (long) parcours que nous retraçons dans une interview exclusive.
Quel a été votre parcours ?
Je suis rentré dans ce qui était le groupe Fiat en 1998. Il s'agissait alors de ma seconde expérience professionnelle. Au sein du groupe, j'ai travaillé en Italie sur les tracteurs agricoles, puis en Allemagne dans le monde automobile avec Fiat Auto, avant d'arriver chez Iveco qui devient au même moment l'actionnaire majoritaire d'Irisbus, qui était auparavant une JV paritaire entre Renault VI et IVECO.J'intègre non sans mal le bureau d’étude de Vénissieux, près de Lyon, avec l’avantage de venir du monde Iveco-Fiat, mais aussi de parler italien. Ils m'ont mis au département moteur avec, parmi les sujets à traiter, l'installation des moteurs d'origine Iveco sur le bus et notamment la remotorisation de l'Agora avec un moteur gaz Iveco. A l'époque, le projet était prioritaire. Il fallait qu’on puisse vite basculer sur la motorisation Iveco. C'était en octobre 2001. J'avais une formation mécanique informatique orientée CAO calcul de structure. La thermodynamique n'était pas ma formation initiale, mais avec ce projet de remotorisation, je suis tombé dans ce chaudron-là et c’est devenu une part très importante de mon travail.
A cette époque, le gaz était déjà une réalité importante. En 2006, nous faisions déjà la moitié de notre production en gaz avec Irisbus, qui était alors l’acteur de référence sur le marché français avec presque 80 % de parts de marché. Début 2008, le groupe m'a demandé de prendre le poste de directeur produit camions et utilitaires à Trappes. J'ai accepté, même si ça me faisait quitter une région que j'aimais beaucoup.
Je me suis donc retrouvé dans le poids lourd avec un monde complètement nouveau. Globalement, je connaissais surtout le moteur, mais pas grand-chose du reste. Et là, j'ai eu la surprise de voir qu’Iveco avait une offre gaz fantastique. Mais cela n'intéressait pas grand monde dans l'entreprise hormis la personne qui vendait des bennes ordures ménagères à Suez et à Veolia. Le reste de l'entreprise avait plutôt peur du sujet et ne souhaitait pas s'en occuper.
Pourtant, nous avions déjà à cette époque-là une offre qui était vraiment déjà très qualitative. Ma chance a été d'arriver avec ce bagage-là, juste au moment où certains acteurs du transport de marchandises commençaient à s’interroger sur les alternatives au diesel. Par pure chance, j’ai été mis au bon endroit au bon moment.
Lors de mon arrivée, Iveco livrait les 8 premiers Stralis gaz à Monoprix, qui était alors un pionnier, pour alimenter les magasins parisiens. Il s’agissait de camions frigos exploités par GT location, qui est devenu GT solutions par la suite, et qui s’inscrivaient dans une logique assez globale : Ferroviaire au départ, Distri' Gare en plein centre-villes à Bercy et distribution en camions propres et silencieux. Car l’une des motivations de départ était aussi d’éviter de réveiller les riverains l’été, les livraisons des supermarchés se faisant pendant la nuit.
Malgré cela, les camions gaz n’étaient pas un sujet stratégique. Ils étaient là par la volonté de quelques ingénieurs qui avaient cru en cette technologie.
Au final, ces camions gaz ont prouvé qu’ils étaient fiables et qu’ils avaient une rentabilité intéressante. En 2008-2014, cela représentait 150 ventes par an en France. Mais avec ces volumes, on faisait déjà la moitié des ventes européennes. Donc, c’était un micromarché en France et c’était un micromarché au niveau européen.
Justement, quel a été le point de bascule ?
Pierre Lahutte, qui venait lui aussi d’Iveco Bus, a vu l’importance que le gaz avait pris sur le secteur du bus. Quand il a pris les rênes d’Iveco Monde, il a dit : « Moi, je pense qu’on sera plus fort si on mise sur le gaz ».Cela a été un pari incroyable. A l’époque, on immatriculait 300 véhicules gaz mondialement sur 35 000 poids lourds. Il a cru dans cette technologie et a convaincu Sergio Marchionne d'investir massivement pour que l'on puisse avoir le Cursor 9 gaz en plus du 8 et le 13, dont le développement a été lancé en même temps. Les tracteurs GNL, qui n’étaient encore que des prototypes inspirés des solutions américaines, ont aussi été lancés.
Pierre Lahutte a poussé toute l'entreprise à développer les produits, former les commerciaux et structurer l'après-vente. Le GNV est passé en quelques années du statut de véhicule de niche à un sujet stratégique pour l’entreprise. Le rôle des chargeurs a aussi été décisif, à commencer par Carrefour qui nous a suivis dès 2011 et a fortement accéléré à partir de 2015. Je n’oublie pas Engie, qui s’est engagé à livrer du bioGNV dès 2012, mais aussi les transporteurs pionniers et fidèles que sont Mauffrey et Jacky Perrenot.
A cette période, votre rôle a aussi évolué ?
Effectivement. Fin 2016, lorsqu’il a fallu choisir qui placer pour driver cela au niveau européen, mon nom est apparu sur la liste. Je pouvais difficilement dire non, et j'ai accepté de m'occuper du développement de ces véhicules au niveau européen. A cette époque, j'avais déjà derrière moi à peu près huit ans de produits poids lourds Iveco France.J'ai commencé tout seul et rapidement, on a mis des spécialistes sur chaque marché important pour Iveco en Europe. Entre l'effort commercial, l’après-vente et l'énorme investissement qui a été consenti pour développer une offre complète, la stratégie a porté ses fruits. De 300 commandes en 2015, nous sommes passés à 8 100 commandes au niveau européen en 2021. On avait largement dépassé l’objectif de départ qui était de faire fois 10 pour passer de 300 à 3000 unités.
Après ces trois années passées à l’Europe, j'ai demandé à revenir sur le marché français et d'autres ont pris la relève. En France, j'ai continué à développer le gaz et commencé à préparer l'offre électrique, l’hydrogène et les biocarburants. Avec mon collègue Steve Giguet, j’ai dans mon périmètre tout ce qui est « non-diesel ». Le gaz reste toutefois une grosse partie de mon activité.
Ce que j'ai voulu aussi faire en revenant sur le marché français, c’est m'occuper davantage de l'aspect plaidoyer. J’ai été au sein de France Mobilité Biogaz, à l’époque AFGNV, dès mon arrivée au camion. Dès 2008, j'assistais aux réunions et je suis devenu administrateur de l'association courant 2009. A cette époque, l'association a failli mourir parce que l'automobile s'est retirée. C'étaient eux les premiers financeurs. Mais les constructeurs poids lourds sont restés pour la plupart. L’association a redimensionné ses dépenses et une nouvelle dynamique s’est enclenchée à partir de 2016-2017, avec les nouveaux produits qu’Iveco a lancé et qui ont donné envie à d'autres de continuer l'aventure.
En 2023, le GNV représente 51 % des immatriculations non-diesel en Europe. Cela reste donc d'assez loin la première énergie alternative des poids lourds en Europe. Mais comme cette technologie est devenue assez importante, il y a aussi des détracteurs, des gens que cela gêne. D’où mon souhait de jouer un rôle dans la défense de cette technologie qui a des avantages indéniables et extrêmement durables. Quand le poste de vice-président de l'association s'est libéré cette année, j'ai eu des amicales pressions pour le reprendre. J'ai accepté, je me suis présenté et j'ai été élu en avril. Pour la première fois, ce n’était pas un énergéticien, mais un constructeur qui prenait ce poste.
Lors de la présentation du Panorama du bioGNV 2024, France Mobilité Biogaz rappelait les enjeux de la réglementation. C’est un sujet majeur ?
C'est effectivement un moment clé. On a moins besoin de défendre la solution auprès des transporteurs parce qu'ils la plébiscitent. Les chargeurs, les transporteurs sont nos premiers alliés. Ils veulent absolument garder le mix énergétique et veulent que cette solution reste disponible pour leur achat futur.Aujourd'hui, ce qui est clé, c'est la réglementation à tous les niveaux. C'est ce qui occupe l'association la majorité de son temps. C'est vraiment le moment où elle doit mobiliser l'énergie de tous ses membres. Car si la trajectoire européenne devait rester celle qu'elle est aujourd'hui - mais je ne crois pas en ce scénario - cela signifierait à terme la fin de tous les biocarburants, bioGNV compris. Ce serait une grave erreur car cela ralentirait la transition énergétique.
Ce qui est vraiment intéressant dans cette association, c'est qu’il n’y a pas d’opposition. La majorité de ses membres ont un pied dans l'électrique et un pied dans le bioGNV. On ne trouvera jamais personne pour critiquer la solution électrique car on en fait partie. Engie, TotalEnergies, Iveco, Scania, Volvo, Enerjump, Proviridis... Tous ces acteurs s’inscrivent dans le mix énergétique, installent des solutions d'avitaillement ou fabriquent des véhicules capables de fonctionner avec du biodiesel, du bioGNV, de l’électricité ou de l’hydrogène… On est tous là-dedans et on est absolument certains qu'on a besoin de toutes ces énergies. La biomasse ne peut pas tout faire. Mais si on la met de côté, on est convaincus qu'on va casser le premier levier de la décarbonation du transport routier en Europe et que l’on va perdre du temps.
In fine, nous pensons que des solutions pragmatiques peuvent être trouvées. La prochaine commission devra rechercher un nouveau compromis avec le Parlement et les État membres pour élargir les énergies éligibles. Pour mémoire, nous ne sommes pas encore arrivés à 2% de non-diesel sur la consommation du parc poids lourd français. Et la France est le pays le plus en avance en Europe ! Face à ce défi, on ne peut pas se permettre de dire : « J'ai une énergie bas carbone locale et renouvelable et je ne vais pas à l'utiliser ».
Sur la clause de revoyure de la commission, la méthode du Carbon Correction Factor doit être étudiée. Y a-t-il d’autres pistes ?
Aujourd'hui, la méthode du Carbon Correction Factor est la meilleure piste. Il y a un autre volet avec le véhicule exclusif qui est aussi une très bonne piste, mais nécessite de nouvelles normes, tant sur les stations que les véhicules.Le Carbon Correction Factor est beaucoup plus immédiat. Il permet déjà de reconnaître tous les bio-carburants qui sont déjà consommés aujourd'hui en Europe. Surtout, cela permet aux constructeurs de continuer à investir dans ces technologies. En France, nous sommes déjà à près de 40 % de bio dans les stations GNC raccordées au réseau. C'était 17 % il y a trois ou quatre ans et 0,6 % en 2014 !
Et les véhicules exclusifs seraient la prochaine étape. Concrètement, comment ça marche ?
Le véhicule exclusif ne peut fonctionner que si on fait le plein avec un biocarburant. Sinon, cela ne marche pas ! Il y a une série de biocarburants qui devront être reconnus au niveau européen comme carbon neutral fuel. Après, il faut un mécanisme. A France Mobilité Biogaz, nous pensons qu’une solution électronique est la meilleure pour assurer cette exclusion. C'est-à-dire avec une communication entre la station d'avitaillement et le véhicule. Le véhicule dit : Je suis un camion exclusif bioGNV. La pompe dit : OK, moi, je te ravitaille ! Si la pompe n'est pas en mesure de certifier qu'elle envoie du bioGNV, il y a plusieurs options. C’est la réglementation européenne qui aura à le déterminer. Soit, le plein n'est pas possible, soit il y a un plein possible, mais alors le véhicule fonctionnera en mode fortement dégradé.Cela se passe déjà aujourd’hui avec l’AdBlue. Si on n’en met pas dans le réservoir, le véhicule va le détecter et va réduire fortement sa puissance. Avec le bioGNV, c'est cette même logique qui pourrait être appliquée.
La norme Euro 7 arrivera au 1er juin 2029 pour les poids lourds. Est-elle susceptible de menacer les véhicules gaz ?
Non. Dans la norme Euro 7, il faut différencier plusieurs aspects. Sur les limites d'émissions, on est déjà bon. Chez Iveco, on a équipé depuis le 1er janvier tous nos moteurs de filtres à particules. Donc, y compris sur les plus fines, les 10 nanomètres, on est largement en dessous du trait.Il y a une autre partie d'Euro 7 qui porte sur des systèmes plus sophistiqués de mesure et de suivi des émissions à bord du véhicule. Cela veut dire plus d'électronique, plus de capteurs, mais ce sera pareil en diesel et en gaz. Il y a aussi les pneumatiques et les freins. Mais là aussi, tous les véhicules seront concernés.
Avec les incertitudes liées à la réglementation européenne et cette marche forcée vers l’électrique, certains craignent de voir disparaitre l’offre gaz sur le poids lourd comme cela a été le cas sur les voitures particulières. Que leur répondez-vous ?
Il suffit de regarder l'offre existante aujourd'hui en poids lourd GNV. Elle n'a jamais été aussi moderne, aussi large et aussi performante. En 2024, les constructeurs présents dans le domaine ont tous lancé de nouveaux moteurs à la fois plus sobres et plus performants. Les autonomies sont aussi à la hausse en GNL et en GNC. Les investissements ont été faits, il n'y a pas de doute à avoir.Le seul problème, c'est la réglementation. Si elle ne change pas, elle condamne à terme tous les moteurs thermiques et donc les véhicules GNV. Mais si la réglementation s'ouvre avec les deux possibilités, le Carbon Correction Factor qui rentrerait dans la clause de revoyure de 2027 et les véhicules exclusifs carburant bas-carbone, la technologie et les gammes sont là !
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