EcoGreen Forum : « Dire que l'électrique est zéro CO2, c'est institutionnaliser le greenwashing »
Dans ce second volet consacré au forum EcoGreen qui s’est tenu le 10 mai dernier à Fay-de-Bretagne, un eurodéputé, un constructeur, des transporteurs, et divers acteurs de la filière du biogaz expriment leurs observations, certitudes et craintes alors que la législation européenne concernant les émissions de CO2 des poids lourds risque d’être voté à la hâte.
« Le biogaz, c’est utiliser les déchets pour une substitution du pétrole là, maintenant, tout de suite. Quelle autre énergie peut faire cela ? Chacune est importante. À chacune ses bons usages. Les transporteurs plébiscitent le bioGNV pour les poids lourds ». C’est par ces mots de Véronique Bel, directrice régionale chez GRDF, que nous avions conclu notre précédent article consacré à cet événement.
Prononcés lors du forum organisé en marge du challenge EcoGreen Energy, ils résument parfaitement ce que quasiment tous les intervenants invités par Patrice Merhand, président de l’association organisatrice, pensent du projet de législation qui devrait être bouclé dans l’urgence avant le renouvellement des eurodéputés en mai 2024. L’un d’eux, Dominique Riquet, a dressé le cadre de texte qui fait polémique : « Nous sommes actuellement en pleine discussion sur la proposition de règlement pour réduire les émissions des transports routiers ».
Le texte devait concerner uniquement les véhicules lourds, mais le champ d’application s’élargirait « aux véhicules intermédiaires de transport de marchandises à partir de 3,5 tonnes, aux autocars et aux autobus ». Avec des exceptions pour certains engins, comme ceux exploités dans des chantiers.
Déjà opposé au tout électrique pour les véhicules légers, Dominique Riquet connaît la chanson : « Si l’on ne raisonne qu’au niveau de ce qui se passe à l’échappement, alors seul l’électrique est possible ». Et le GNV ? « L’électrique se montrerait moins performant que le biogaz si l’on prenait en compte l’ensemble du cycle de vie, depuis la production jusqu’au recyclage ».
Dans une vidéo enregistrée pour les participants au forum, elle a fait part de sa perception concernant le règlement à venir : « Il faut parvenir à une cohérence avec les différents textes » ; « On ne voit pas clairement vers quoi vont les incitations » ; « Nous insistons pour qu’une clause de révision soit associée au texte » ; « Il ne faut oublier ni les biocarburants ni les biogaz » ; « Les prochains eurodéputés seront sans doute plus verts et plus eurosceptiques ».
À la suite de la diffusion, Dominique Riquet a abondé dans l’idée de « ne pas fermer des portes qui peuvent être profitables à la fois au transport routier et à l’environnement ».
Directeur produit pour Iveco France, Clément Chandon a rebondi sur cette dernière phrase de Dominique Riquet : « Rien que la RATP, c’est 5 000 bus. Ce nombre est bien plus grand encore pour toute l’Ile-de-France. J’ai demandé à l’autorité organisatrice des transports sur le territoire ce qu’elle compte faire pour 2030 ». La réponse fournie est éloquente : « Nous allons acheter tous nos bus GNV avant 2030, et après, on n’achètera plus rien pendant 20 ans ».
De quoi effrayer le représentant du constructeur : « Les décisions radicales de l’Europe vont amener ce genre de comportements radicaux, avec des risques sur l’emploi industriel ».
Clément Chandon n’a ensuite pas mâché ses mots : « Le zéro CO2 avec l’électrique, c’est un mensonge. En Pologne, par exemple, on augmente le CO2 avec cette unique solution. Pourtant, le biogaz pourrait alimenter efficacement un poids lourd sur deux. Dire que l’électrique est zéro émission, c’est institutionnaliser le greenwashing ».
Le représentant d’Iveco y voit aussi « une dépendance à la Chine à tous les niveaux ». Et ne comprend pas « le silence de la France » alors qu’elle « est à la pointe sur l’électricité renouvelable mais aussi en matière de méthanisation ». Pour lui, c’est clair, notre pays « doit faire entendre sa voix au sujet du mix énergétique et de la stratégie bas-carbone ».
Justement, parmi les intervenants à suivre le 10 mai dernier, Vincent Lesage à la tête des transports Breger tout en étant vice-président de l’antenne des Pays de la Loire pour la FNTR, et François Herviaux, PDG de l’entreprise de transport de voyageurs Linevia. Ce dernier a cité Churchill : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge ». Sur 250 véhicules, 33 fonctionnent chez lui au GNV : « Ce qui représente 30 % du kilométrage que nous réalisons car ce sont les modèles GNV qui roulent le plus ».
Comme il croit beaucoup dans cette filière, son entreprise a investi dans des stations d’avitaillement, comme celle aux couleurs de Karrgreen à Ploërmel. S’il a devancé l’appel en matière de carburant alternatif, c’est en particulier parce que ses autocars circulent en sous-traitance pour des autorités en charge du transport dans des métropoles.
La situation n’est cependant pas plus simple. Vincent Lesage en a témoigné à travers une expérience vécue actuellement dans son entreprise qui emploie un millier de collaborateurs pour 700 camions : « Au service d’un constructeur allemand, j’ai des pièces à transporter. On a lancé un projet sur 2 ans pour le faire à l’électrique. Mais à quel prix facturer cette prestation ? Acceptera-t-il les conditions ? Ce sera pareil plus tard avec l’hydrogène ». Breger est dans le GNV depuis 2017 : « On a 15-16 % de notre parc au GNV, avec une part de 50 % de bioGNV désormais ».
Référent territorial pour l’association des méthaniseurs de France, Benoît Dutertre porte la voix des agriculteurs engagés dans la filière du biogaz : « Beaucoup de personnes n’ont pas conscience de ce que la méthanisation peut amener dans les territoires. Trop d’élus ont une méconnaissance du sujet. Nous produisons du gaz, mais on n’a pas d’autre choix aujourd’hui que de faire fonctionner la plupart de nos engins au gazole ».
Il est évident pour lui qu’il « ne il ne faut pas être clivant avec les énergies ». Le travail se poursuit à l’échelle de la région, notamment sous l’impulsion de la Vendée qui « pousse le biogaz ».
Dans les Pays de la Loire, on n’hésite pas à interpeler des élus d’autres territoires, notamment en Bretagne. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des intervenants au forum EcoGreen compte peser un maximum pour que la France fasse entendre sa spécificité dans les discussions européennes sur la réglementation CO2 pour les poids lourds.
« Le biogaz, c’est utiliser les déchets pour une substitution du pétrole là, maintenant, tout de suite. Quelle autre énergie peut faire cela ? Chacune est importante. À chacune ses bons usages. Les transporteurs plébiscitent le bioGNV pour les poids lourds ». C’est par ces mots de Véronique Bel, directrice régionale chez GRDF, que nous avions conclu notre précédent article consacré à cet événement.
Prononcés lors du forum organisé en marge du challenge EcoGreen Energy, ils résument parfaitement ce que quasiment tous les intervenants invités par Patrice Merhand, président de l’association organisatrice, pensent du projet de législation qui devrait être bouclé dans l’urgence avant le renouvellement des eurodéputés en mai 2024. L’un d’eux, Dominique Riquet, a dressé le cadre de texte qui fait polémique : « Nous sommes actuellement en pleine discussion sur la proposition de règlement pour réduire les émissions des transports routiers ».
-100 % pour 2040 ?
S’exprimant en direct par visioconférence, l’élu européen a commencé par aligner quelques chiffres : « Le transport routier est responsable de 6 % des émissions de CO2 en Europe. Une baisse de 30 % était prévue pour 2030. Elle serait désormais de 45 %, puis -65 % en 2035 et -90 % en 2040. Yannick Jadot a même proposé -100 % pour cette échéance ».Le texte devait concerner uniquement les véhicules lourds, mais le champ d’application s’élargirait « aux véhicules intermédiaires de transport de marchandises à partir de 3,5 tonnes, aux autocars et aux autobus ». Avec des exceptions pour certains engins, comme ceux exploités dans des chantiers.
Déjà opposé au tout électrique pour les véhicules légers, Dominique Riquet connaît la chanson : « Si l’on ne raisonne qu’au niveau de ce qui se passe à l’échappement, alors seul l’électrique est possible ». Et le GNV ? « L’électrique se montrerait moins performant que le biogaz si l’on prenait en compte l’ensemble du cycle de vie, depuis la production jusqu’au recyclage ».
Neutralité technologique
« Il faut respecter le principe de neutralité technologique, sinon on se ferme la porte au progrès et à certains marchés au niveau mondial ». Dominique Riquet n’a pas été le seul à prononcer ces mots sous la grande voute du domaine du Thiémay, à Fay-de-Bretagne. C’est aussi l’opinion d’Isabelle Maître, déléguée permanente à Bruxelles pour la Fédération nationale des transports routiers (FNTR).Dans une vidéo enregistrée pour les participants au forum, elle a fait part de sa perception concernant le règlement à venir : « Il faut parvenir à une cohérence avec les différents textes » ; « On ne voit pas clairement vers quoi vont les incitations » ; « Nous insistons pour qu’une clause de révision soit associée au texte » ; « Il ne faut oublier ni les biocarburants ni les biogaz » ; « Les prochains eurodéputés seront sans doute plus verts et plus eurosceptiques ».
À la suite de la diffusion, Dominique Riquet a abondé dans l’idée de « ne pas fermer des portes qui peuvent être profitables à la fois au transport routier et à l’environnement ».
Autobus zéro émission en 2030 ?
« Il est question pour les autobus du zéro émission dès 2030. Imposer cela aux collectivités, c’est méconnaître leurs possibilités » au sujet du renouvellement des flottes.Directeur produit pour Iveco France, Clément Chandon a rebondi sur cette dernière phrase de Dominique Riquet : « Rien que la RATP, c’est 5 000 bus. Ce nombre est bien plus grand encore pour toute l’Ile-de-France. J’ai demandé à l’autorité organisatrice des transports sur le territoire ce qu’elle compte faire pour 2030 ». La réponse fournie est éloquente : « Nous allons acheter tous nos bus GNV avant 2030, et après, on n’achètera plus rien pendant 20 ans ».
De quoi effrayer le représentant du constructeur : « Les décisions radicales de l’Europe vont amener ce genre de comportements radicaux, avec des risques sur l’emploi industriel ».
1 poids lourd sur 2 au bioGNV ?
Iveco est un constructeur qui tient à proposer un catalogue de véhicules pouvant adopter différentes énergies pour la mobilité durable : « Aujourd’hui, 90 % de nos ventes sont non-diesel, avec 57 % de GNV pour les autocars et les autobus et 24 % d’électriques. L’Europe risque de se réveiller trop tard et de laisser l’industrie au bord de la route en se focalisant sur l’électrique ».Clément Chandon n’a ensuite pas mâché ses mots : « Le zéro CO2 avec l’électrique, c’est un mensonge. En Pologne, par exemple, on augmente le CO2 avec cette unique solution. Pourtant, le biogaz pourrait alimenter efficacement un poids lourd sur deux. Dire que l’électrique est zéro émission, c’est institutionnaliser le greenwashing ».
Le représentant d’Iveco y voit aussi « une dépendance à la Chine à tous les niveaux ». Et ne comprend pas « le silence de la France » alors qu’elle « est à la pointe sur l’électricité renouvelable mais aussi en matière de méthanisation ». Pour lui, c’est clair, notre pays « doit faire entendre sa voix au sujet du mix énergétique et de la stratégie bas-carbone ».
On oublie les transporteurs
Le responsable produit chez Iveco n’oublie pas les transporteurs auxquels des efforts parfois insoutenables sont exigés au titre de la mobilité durable : « Ils sont 30 % à ne pas gagner d’argent, et les autres investissent déjà 14 % pour le renouvellement de leur flotte ».Justement, parmi les intervenants à suivre le 10 mai dernier, Vincent Lesage à la tête des transports Breger tout en étant vice-président de l’antenne des Pays de la Loire pour la FNTR, et François Herviaux, PDG de l’entreprise de transport de voyageurs Linevia. Ce dernier a cité Churchill : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge ». Sur 250 véhicules, 33 fonctionnent chez lui au GNV : « Ce qui représente 30 % du kilométrage que nous réalisons car ce sont les modèles GNV qui roulent le plus ».
Comme il croit beaucoup dans cette filière, son entreprise a investi dans des stations d’avitaillement, comme celle aux couleurs de Karrgreen à Ploërmel. S’il a devancé l’appel en matière de carburant alternatif, c’est en particulier parce que ses autocars circulent en sous-traitance pour des autorités en charge du transport dans des métropoles.
Les clients sont-ils prêts à payer le juste prix ?
Pour François Herviaux, savoir que le carburant est produit à 2,5 km de son entreprise par des agriculteurs est une réelle satisfaction. Il a rappelé que dans le transport de personnes, la durée de vie des véhicules est de 15 ans. C’est moins pour le fret.La situation n’est cependant pas plus simple. Vincent Lesage en a témoigné à travers une expérience vécue actuellement dans son entreprise qui emploie un millier de collaborateurs pour 700 camions : « Au service d’un constructeur allemand, j’ai des pièces à transporter. On a lancé un projet sur 2 ans pour le faire à l’électrique. Mais à quel prix facturer cette prestation ? Acceptera-t-il les conditions ? Ce sera pareil plus tard avec l’hydrogène ». Breger est dans le GNV depuis 2017 : « On a 15-16 % de notre parc au GNV, avec une part de 50 % de bioGNV désormais ».
Référent territorial pour l’association des méthaniseurs de France, Benoît Dutertre porte la voix des agriculteurs engagés dans la filière du biogaz : « Beaucoup de personnes n’ont pas conscience de ce que la méthanisation peut amener dans les territoires. Trop d’élus ont une méconnaissance du sujet. Nous produisons du gaz, mais on n’a pas d’autre choix aujourd’hui que de faire fonctionner la plupart de nos engins au gazole ».
Ne pas être clivant avec les énergies
Laissons la conclusion à Didier Meyer, vice-président de Territoire d’énergie pour la Loire-Atlantique. Il parle en pensant aussi aux autres syndicats départementaux de l’énergie qui vivent la même épreuve : « On nous a dit d’y aller sur le GNV, et on y est allé. Maintenant, on nous dit de ne plus y aller. Nous nous sommes engagés résolument dans un schéma directeur pour déployer de façon cohérente des stations GNV en Loire-Atlantique. Si on ne roule pas au bioGNV, ce sera beaucoup d’argent de perdu, de l’argent public ».Il est évident pour lui qu’il « ne il ne faut pas être clivant avec les énergies ». Le travail se poursuit à l’échelle de la région, notamment sous l’impulsion de la Vendée qui « pousse le biogaz ».
Dans les Pays de la Loire, on n’hésite pas à interpeler des élus d’autres territoires, notamment en Bretagne. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des intervenants au forum EcoGreen compte peser un maximum pour que la France fasse entendre sa spécificité dans les discussions européennes sur la réglementation CO2 pour les poids lourds.
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Idem pour le biogaz, voyez l’article de JP Jouany dans la Revue Française de Développement Durable:
Analyse des émissions de gaz à effet de serre au cours du cycle de vie d’un méthaniseur agricole
Cette bataille pour le bioGNV aurait déjà dû être menée lors des discussions européennes sur les véhicules légers. L’AFGNV est restée muette ou quasi-muette lors de ces discussions. Monter au créneau seulement quand la discussion aborde les bus et poids lourds est trop tard. Toutes les batailles et argumentations non menées au moment de la discussion sur les véhicules des particuliers sont perdues au moment d’aborder celles de la mobilité des transports lourds. Il faut par conséquent ramer beaucoup plus pour convaincre. En effet l’argumentation valable pour les poids lourds l’était également pour les véhicules légers.
Pour les prochaines élections européennes, il faudrait pouvoir soumettre les listes à un questionnaire sur le GNV et leur future prise de position une fois élu pour les interroger sur les critères échappement ou Analyse en Cycle de Vie, sur le soutien au bioGNV comme carburant de la mobilité.