Jupiter 1000, un démonstrateur Power to Gas qui pourrait servir la mobilité GNV

Jupiter 1000, un démonstrateur Power to Gas qui pourrait servir la mobilité GNV
Parmi les technologies en cours de développement pour réussir la transition énergétique, le principe du Power to Gas. Il vise à ne plus perdre l’énergie produite en surplus par les sources renouvelables intermittentes, comme l’éolien et le solaire. Parmi les scénarios de valorisation du démonstrateur Jupiter 1000, la possibilité de produire du méthane de synthèse exploitable pour la mobilité. Interrogeons Patrick Prunet, directeur de ce projet chez GRTgaz.
 

ENR

Depuis des dizaines d’années, les détracteurs des énergies renouvelables pointent leur intermittence et irrégularité de production pour affirmer qu’il ne sera pas possible de se passer des sources fossiles et nucléaires. Faute de vent, les éoliennes se mettent à l’arrêt ; la nuit, les panneaux photovoltaïques sont inopérants ; l’hydraulique est soumise aux caprices des fleuves. Au manque s’ajoute le surplus de production qui est le plus souvent perdu aujourd’hui. L’idéal serait de pouvoir parvenir à un lissage obtenu du stockage de l’énergie quand elle abonde et de l’utilisation, au besoin, notamment lors des pics de consommation, des réserves ainsi constituées.
 
Récupérer le surplus dans des batteries a longtemps été présenté comme la seule possibilité fiable et réalisable de stockage. Avec le développement des voitures électriques, on compte sur leurs batteries de traction, et ce, selon 2 scénarios distincts. Le plus simple consiste à utiliser ces accumulateurs en seconde vie, pendant une dizaine d’années, lorsque leur capacité énergétique est insuffisante pour la mobilité. Le deuxième mode d’exploitation s’intéresse aux architectures V2G (véhicule to grid) et ses dérivées, où l’on utilise les voitures électriques en stockage tampon. Pour de relativement modestes quantités d’énergie, ça passe.
 

Power to Gas

Mais comment stocker durablement au besoin de l’énergie en très grande quantité pour s’en servir ultérieurement ? Dans quelques années, les besoins en stockage pourraient se compter en dizaines de térawattheures, soit l’équivalent de la production annuelle actuelle de plusieurs centrales nucléaires. Bien trop pour imaginer y répondre uniquement par des batteries ! Le gaz, en revanche, se stocke beaucoup plus facilement et en grandes quantités.  

Le Power to Gas apparaît comme une réponse au besoin spécifique du stockage des énergies intermittentes. Les excédents d’énergie électrique d’origine renouvelables sont utilisés pour produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau. L'hydrogène est ensuite injecté dans le réseau ou combiné à dioxyde de carbone (CO2) pour devenir alors du méthane de synthèse, dont les propriétés sont identiques à celle du gaz naturel. Le Power to Gas offre aussi des avantages aux collectivités locales. Cette solution permet de produire du gaz localement grâce à des infrastructures implantées sur les territoires.

 

Jupiter 1000

« Un projet enthousiasmant ! » : c’est ainsi que Patrick Prunet qualifie le programme baptisé « Jupiter 1000 ». Actuellement, il se situe dans la phase de construction du démonstrateur 1 MW unique éponyme, sur le site du Grand port maritime de Marseille, dépendant de la commune de Fos-sur-Mer (13). « Il s’agit d’un projet d’ensemble performant qui réunit tous les partenaires d’une filière, ce qui permet de produire des études économiques pertinentes sur les modèles de valorisation », souligne notre interlocuteur.
 
A l’entrée de la chaîne, la CNR, dans son rôle de producteur d’énergie à partir de sources renouvelables (eau, vent, solaire). « A travers Jupiter 1000, la CNR va réaliser des tests d’équilibrage de son parc de production », commente Patrick Prunet.
 
RTE est associé au projet comme opérateur du réseau de transport de l’électricité. L’énergie électrique va être transformé en hydrogène via 2 électrolyseurs de chacun 0,5 MW et de technologies différentes : alcaline et à membrane à électrolyte polymère (PEM). Ces installations sont suivies par McPhy Energy. « Nous souhaitons ainsi tester la flexibilité de ces 2 technologies », nous explique le directeur de ce projet chez GRTgaz. Voilà pour l’architecture minimum d’une installation Power to Gas.
 

Utilisation de l’hydrogène

Une partie de l’hydrogène obtenu peut alors être directement injecté, - jusqu’à 200 m3 par heure -, dans le réseau de gaz où il se mélangera sans problème au gaz naturel. Le planning prévoit ce fonctionnement pour fin 2018.
 
L’un des plus du projet Jupiter 1000, est d’exploiter le reste de l’hydrogène à disposition pour le présenter à du CO2 récupéré par captage dans des fumées d’usine, via l’emploi des amines, - un solvant. Derrière ce maillon : Leroux & Lotz Technologies. L’entreprise qui se prête à l’expérience pour recycler le CO2 qu’elle émet, c’est Ascométal, dont le site de production de Fos-sur-Mer est relié par un tuyau d’environ 1 kilomètre à celui du démonstrateur.
 

Méthanation

L’association des 2 gaz va permettre la création de méthane de synthèse, selon un volume maximal de 25 m3 par heure. C’est la méthanation, - suivie par Atmostat et le CEA -, qui devrait être opérationnelle début 2019.
 
« Le méthaneur est construit selon un nouveau procédé qui permet de diviser par 10 son volume. révèle Patrick Prunet. Ce gaz peut-être injecté sans limite sur le réseau. Cette opération et l’injection directe d’hydrogène constituent les maillons à la charge de GRTgaz et TIGF. « Nous avons aussi la responsabilité du poste d’injection/mélange qui assure la conformité du gaz de synthèse avant de l’envoyer dans le réseau », complète notre interlocuteur.
 

Power to Gas to Power

Comment réemployer le gaz stocké pour produire de l’électricité ? « Par cogénération et emploi d’un équipement hybride combinant pompe à chaleur et chaudière à condensation. C’est un scénario en cours d’étude », répond Patrick Prunet qui insiste sur la nécessité de privilégier les solutions aux rendements les plus élevés.
 
Globalement, ces 2 systèmes permettent de toucher l’alimentation en énergie et le chauffage des bâtiments du secteur tertiaire, des immeubles à usages d’habitation, des groupes hôteliers, et même au niveau des particuliers.
 

3 ans de fonctionnement

Jupiter 1000 bénéficie d’un accompagnement de l’Ademe dans le cadre du PIA (programme d’investissements d’avenir), pour l’action baptisée « Démonstrateurs pour la transition écologique et énergétique ».
 
C’est une enveloppe de 16 millions d’euros en subventions et avances remboursables qui a été accordée, sur les 30 millions estimés pour mener à bien ce projet dont la genèse remonte à 2014.
 
« Jupiter 1000 sera en fonctionnement pendant 3 ans, le temps nécessaire pour accomplir tous les tests et scénarios de durée de vie, performances, coût de maintenance, etc. », indique Patrick Prunet.
 

Mobilité

« Globalement, hors et dans le cadre de Jupiter 1000, la mobilité fait partie des scénarios de valorisation du Power to Gas », confirme le directeur de ce projet chez GRTgaz. « Le méthane de synthèse produit par Jupiter1000 est un gaz renouvelable, comme le méthane issu de la méthanisation (appelé le biométhane) », souligne-t-il.
Neutre au niveau des émissions de CO2, un scénario de valorisation pour un usage mobilité est également à l’étude.  « le méthane de synthèse pourra donc alimenter des stations d’avitaillement en gaz carburant.
», détaille-t-il.
 
Vincent Rousseau, Directeur de projet Mobilité GRTgaz, nous a par ailleurs précisé : « Selon une étude de l’association européenne du Gaz Naturel Véhicule (NGVA), le méthane de synthèse issu du power-to-gaz et utilisé comme carburant permettrait de diminuer les émissions de CO2 de 95% par rapport aux carburants liquides traditionnels. Le power-to-gas constitue donc une brique technologique intéressante et indispensable pour tendre vers un mix gazier 100% décarboné, en complément des autres procédés de fabrication que sont la méthanisation et la gazéification. Le secteur des transports, qui aujourd’hui constitue le secteur le plus émetteur de CO2 loin devant l’industrie et le résidentiel, pourra profiter pleinement de cette transition gazière. Voilà pourquoi il est important de développer dès maintenant le véhicule gaz en France ».

Double production locale

La perspective à l’échelle locale du couplage du Power to Gas avec la méthanisation, pour alimenter  les  stations-service, est particulièrement pertinente. La méthanisation va fournir dans un premier temps du biométhane épuré en bioGNV. Cette opération libère du CO2, qui sera mis en présence d’une partie de l’hydrogène produit par électrolyse, donnant du méthane de synthèse à nouveau exploitable pour la mobilité.
 
Les deux produits, obtenus localement, seront distribués dans une station-service qui peut être implantée à proximité. A noter que le principe de méthanation, depuis une architecture Power to Gas, est déjà exploité depuis presque 4 ans par Audi pour son e-gas produit dans l’usine allemande de Werlte.
 
 
Gaz Mobilité et moi-même remercions vivement Patrick Prunet directeur de projet Jupiter 1000 pour sa disponibilité.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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