Etat des lieux de la filière GNV aux Etats-Unis

Etat des lieux de la filière GNV aux Etats-Unis
Président de NGVAmerica, l’organisation dédiée au développement de la mobilité au gaz naturel aux Etats-Unis, Matthew Godlewski a dressé un état des lieux sur le sujet lors de la conférence NGV Global qui s’est tenue à Rotterdam (Pays-Bas) en mars dernier. En voici les principaux éléments.
 

NGVAmerica

Si le NGVAmerica maîtrise parfaitement le sujet de la mobilité au gaz naturel, c’est tout simplement parce que cette organisation nationale a pour mission à la fois de promouvoir l’exploitation de ce produit dans le secteur des transports et de développer de façon durable et rentable le marché des véhicules associés. Lorsque l’un de ses collaborateurs prend la parole en public, il le fait au nom des 200 adhérents de l’organisme composés, entres autres, d’entreprises utilisant ou proposant des solutions GNV (dont Shell, Ford, Daimler Trucks et Volvo), et d’organisations environnementales et gouvernementales.
 
Globalement, le NGVAmerica est au centre des travaux qui réunissent autour d’une même table le gouvernement et l’industrie de la filière gaz naturel pour la mobilité. Le point n’est que rarement abordé, mais l’organisation américaine tient à enquêter sur les incidents qui pourraient se produire à l’exploitation du carburant gazeux et à en analyser les causes. Les actions et les recommandations de NGVAmerica influencent autant le pouvoir fédéral que celui des Etats.
 

Au niveau fédéral

Aux Etats-Unis, les actions officielles de promotion du gaz naturel pour la mobilité sont orchestrées principalement à 2 étages : par l’administration américaine d’une part, et, de l’autre, par les élus de chacun des Etats.
 
Au niveau fédéral, NGVAmerica recense les principaux leviers activés pour promouvoir le GNV, le plus souvent sur ses recommandations : extension de 5 ans sur les crédits de carburant et d’infrastructures avec, pour ces dernières, la suppression du plafond de 30.000 dollars (environ 27,5 millions d’euros selon le taux de change au 10 mai) ; révision de la taxe de 12% à l’achat pour les poids lourds alimentés au gaz naturel ; enveloppe de 15 millions de dollars (environ 13,8 millions d’euros) pour la recherche et le développement en 2017 ; une autre de 50 millions de dollars (environ 45,9 millions d’euros) pour les subventions de déploiement dans les villes propres ; alignement des taxes GNL, - mer/canaux intérieurs -, pour son exploitation dans les navires ; charge utile des camions GNV augmentée jusqu’à 2.000 livres (900 kilos environ) en raison du poids plus léger du gaz par rapport à l’essence ou au gazole ; etc.
 

Au niveau des Etats

Les Etats promulguent également des mesures visant le développement de la mobilité GNV, parmi lesquelles : primes à l’achat ou incitations fiscales aussi bien pour s’équiper de véhicules alimentés au gaz naturel que pour ouvrir de nouvelles stations d’avitaillement (plus de 120 millions de dollars, soit environ 110 millions d’euros, accordés depuis 2015) ; exonérations fiscales sur les ventes et à l’usage ; taxes plus douces sur le GNV par rapport aux autres carburants ; accès aux voies réservées aux bus et covoiturage ; encouragement à la vente de véhicules au GNV ; etc.
 

Bénéfices environnementaux et d’exploitation

Concernant les bénéfices de l’usage du GNV en remplacement de carburants classiques, NGVAmerica communique ainsi : le gaz naturel produit 27% de moins de dioxyde de carbone que le gazole ; du puits à la roue, le GNL, le GNC et le BioGNV émettent respectivement 11, 17 et 115% de gaz à effet de serre en moins ; les plus récentes technologies de moteurs fonctionnant au gaz naturel (Near-Zero technology) relâchent dans l’atmosphère 95% d’oxydes d’azote en moins.
 
Ce n’est pas tout. Dans un document à destination des professionnels, l’organisation américaine indique : « Le gaz naturel : un choix propre, sûr et intelligent pour l’industrie du recyclage et des déchets ». C’est d’ailleurs aussi le titre de cette analyse qui livre aux intéressés « les informations les plus importantes utilisées par les flottes pour l’exploitation et le maintien en toute sécurité des véhicules de collecte, et des recommandations susceptibles d’accompagner les gestionnaires des infrastructures d’avitaillement ».
 
Pour un usage en mobilité, NGVAmerica a recensé d’autres avantages pas nécessairement liés directement à l’environnement. Ainsi : « une disponibilité intérieure abondante, une infrastructure de distribution généralisée, un faible coût d’exploitation et une stabilité des prix ».

 

Sur les routes, les rails ou en mer

En 2016, circulaient aux Etats-Unis, sur quasiment 25 millions d’unités dans le monde : 165.000 engins alimentés au GNV, dont 88.500 véhicules légers, 28.000 d’un tonnage moyen, et 48.500 poids lourds.

 
NGVAmerica détaille : « Le marché des poids lourds continue sa transition ; 30% des autocars fonctionnent au gaz naturel ; 60% des acquisitions de bennes à ordures neuves sont portées sur des modèles au GNV ; plus de 40 aéroports importants sont desservis par des cars au gaz ; l’industrie ferroviaire dispose de locomotives au GNL ; les principales compagnies maritimes étendent leurs flottes de navires exploitant le même produit ».
 
Selon les projections de NGVAmerica, l’avantage à la pompe par rapport au gazole s’inscrit dans la durée. En 2020, l’équivalent gallon (3,8 litres environ) pour le gaz naturel coûterait à peine plus de 2 dollars, contre 4 pour le gazole et 3,5 pour l’essence ; en 2040, ces produits afficheraient des prix respectifs estimés à 4, 8 et 6,75 dollars.
 

Un réseau d’avitaillement qui se développe

Le maillage en distribution du GNL et du GNC se développe aux Etats-Unis au rythme de 8 à 10 nouvelles ouvertures par mois, avec environ 2.000 stations en service à ce jour, soit plus du double des effectifs recensés il y a 5 ans.

 
Environ 56% des établissements sont accessibles aux particuliers. Les réseaux sont portés par des entreprises très diverses : compagnies locales, grande distribution, dépôts de flottes de camions et autocars, coopératives, entrepôts, entreprises de location de véhicules, gaziers, sites d’exploitation de pipeline.
 
Selon le document signé Matthew Godlewski, « le système de gazoduc des Etats-Unis est bien préparé pour le développement du réseau national de stations d’avitaillement en GNV et GNL ». Ce sont environ 4 millions de kilomètres de pipelines qui maillent le territoire.

 

Renouvelable

Les Etats-Unis sont fournisseurs de gaz naturel renouvelable depuis plus de 90 ans, et de nombreuses sources peuvent encore être exploitées. NGVAmerica chiffre : « déchets alimentaires = 66,5 millions de tonnes par an ; eaux usées = 17.000 installations ; déchets agricoles = 8.000 grandes fermes et laiteries ; méthanisation des ordures = 1.750 décharges ».

 
La production de gaz naturel renouvelable augmente constamment pour répondre à la demande qui croît un peu partout aux Etats-Unis. Entre 2013 et 2015, les volumes consommés ont été multipliés par 5, passant de 25,9 à 139,8 millions d’équivalents gallons essence, soit d’environ 98,5 à 531 millions d’équivalents litres d’essence. Les estimations font état d’un triplement des volumes livrés entre 2015 et 2018 : de 139,8 à 481,5 millions d’équivalents gallons essence, soit de 531 millions à 1,83 milliards d’équivalents litres d’essence. Selon la source renouvelable qui permet d’obtenir du gaz naturel par méthanisation, les émissions de gaz à effet de serre sont réduites de 40 à 125% par rapport au gazole.


Pour au moins encore 10 ans

NGVAmerica rapporte : « Certifié en 2015 par l’Agence américaine de protection de l’environnement et l’Agence californienne pour la qualité de l’air, le moteur de poids lourd le plus propre au monde est alimenté par du gaz naturel ».
 
Le document diffusé par Matthew Godlewski souligne les excellents résultats obtenus par la ligne de moteurs Cummins Westport Ultra-Low NOx qui peuvent équiper les poids lourds de transport de marchandises, les autocars, les bennes à ordure, etc : « Ces blocs sont 90% plus propres que l’actuelle norme EPA en matière d’oxydes d’azote, et 90% plus propre que le dernier moteur diesel disponible ».
 
NGVAmerica en conclut qu’en alimentant au gaz naturel d’origine renouvelable des moteurs exceptionnellement performants en termes de rejets à l’échappement, « le GNV et le BioGNV offrent la solution la plus propre actuellement disponible dans le commerce pour réduire les émissions des véhicules lourds, et ce, pour au moins encore une décennie ».
 

Des résultats étonnants

Sur le terrain, l’exploitation de véhicules lourds dans des applications portuaires ont mis en évidence que « les véhicules diesel émettent jusqu’à 5 fois plus de NOx que leur norme de certification EPA, et que les émissions ont augmenté lorsque les cycles de service ont diminué (vitesses les plus lentes, ralenti, trafic stop-and-go) », affirme le diaporama de NGVAmerica.

Les tests ont été réalisés avec des moteurs diesel de 2010 équipés de la technologie SCR. En revanche, le modèle ISL G de Cummins Westport « a enregistré des émissions de NOx plus faibles que sa norme de certification EPA ». Et contrairement à son équivalent alimenté au gazole, « les émissions ont décru à mesure que les cycles de service ont diminué ».

 

Volkswagen

NGVAmerica jette sur le devant de la scène l’amende record de 2,9 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) à acquitter par Volkswagen pour l’affaire du Dieselgate, en financement d’un programme baptisé « Volkswagen Environmental Mitigation Trust Funding ».

 
Cette manne peut être en particulier exploitée pour convertir ou remplacer des véhicules (fret, bus, ramassage scolaire, bennes à ordures, navettes, etc.) particulièrement émetteurs en oxydes d’azote, et équiper en priorité les zones urbaines ou industrielles les plus touchées par la pollution. Selon le diaporama, les émissions en oxydes d’azote dues aux camions, bus et cars dans les zones urbaines sont à 74% le fait d’engins qui ne répondent pas aux dernières normes en la matière. Ce serait environ 1 américain sur 2, soit 166 millions d’individus, qui vivraient dans des régions où l’air est malsain à respirer, subissant, en raison des particules fines : asthme, cancer des poumons, maladies cardiaques, et décès prématurés.

 

Financer la mobilité GNV avec 10% de l’amende Dieselgate ?

L’organisme américain de promotion du GNV pour la mobilité a effectué une simulation qui donne une piste d’utilisation partielle du Volkswagen Environmental Mitigation Trust Funding, à hauteur de 290 millions de dollars (267 millions d’euros), pour financer le développement des poids lourds alimentés au gaz naturel.
 
Cela permettrait d’établir une aide de 50.000 dollars (46.000 euros) pour 5.800 nouveaux camions GNV. En retour, au bout de leur exploitation sur 10 ans, ce sont plus de 2 milliards de dollars (1,8 milliards d’euros) de recettes au service de la filière qui seraient engendrés, dont 1,087 milliard de dollars (1 million d’euros) pour le carburant et 1,37 milliard de dollars (1,260 milliards d’euros) pour la vente des engins.
 
Selon NGVAmerica, pour diminuer d’une livre sur un camion de transport régional de marchandises les émissions d’oxydes d’azote, il faut compter 54 dollars sur un camion diesel, 85 sur son équivalent électrique, et 39 au bénéfice de la technologie GNV, soit, respectivement, par kilo, 22,57, 35,54 et 16,30 euros. Des chiffres à multiplier par 7 à 10 pour les cars. Le document de l’organisation propose les mêmes simulations pour différentes catégories de véhicules lourds.

 

Intensifier le développement

Pour poursuivre le développement de la mobilité au GNV aux Etats-Unis, le NGVAmerica compte sur plusieurs facteurs : évolution et/ou actions sur les prix des carburants, nouveau président et renouvellement du Congrès, politiques environnementales, innovation et nouveaux véhicules, poursuite des investissements par les acteurs clés de la filière, incitations fédérales, exploitation du Volkswagen Environmental Mitigation Trust Funding, etc.

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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