Le rétrofit au gaz expliqué par GRDF et le CRMT

Le rétrofit au gaz expliqué par GRDF et le CRMT
Dans le cadre du programme breton Mixenn pour accélérer la transition énergétique du transport des marchandises et des personnes, GRDF a brossé le cadre qui a donné lieu à la réalisation du Livre blanc du rétrofit bioGNV. Le CRMT a embrayé sur son implication dans le domaine avec quelques exemples de réalisation à l’appui.
 
Jeudi 4 mai 2023, Mixenn avait organisé un webinaire autour du thème : « Décarbonation du transport : Le rétrofit à la loupe ! ». En se limitant aux activités du CRMT, l’établissement pour lequel elle est chargée du développement commercial, Daniela Touzé a ainsi défini le rétrofit : « Que ce soit bioGNV ou hydrogène, c’est la possibilité de moderniser un véhicule lourd ou une machine pour les faire fonctionner avec un carburant moins émetteur de CO2 tout en conservant sa structure d’origine ». Ce qui doit s’effectuer « en une opération sobre d’un point de vue dépense énergétique et de façon économiquement viable ».

Chargé de mission chez GRDF, Marc Mercier s’exprimait dans un cadre un peu différent. Il était centré sur le rétrofit bioGNV des véhicules utilitaires et des poids lourds qui a donné lieu en avril dernier à la diffusion d’un Livre blanc dédié. Les 2 entreprises ont d’ailleurs participé à la réalisation du document.
 

Zones à faibles émissions

Le représentant de GRDF a rappelé qu’aujourd’hui « 95 % du parc des utilitaires est composé de modèles diesel ». Dans un contexte de développement des ZFE, nombre d’entreprises vont devoir s’organiser. L’apparition de ces zones à faibles émissions a eu une incidence sur l’orientation de l’activité du CRMT. Cette entreprise est loin d’être une startup du rétrofit. Elle travaille depuis sa création en 1977 sur des solutions pour une mobilité plus vertueuse. Renault véhicules industriels et l’Ecole centrale de Lyon étaient alors ses partenaires. Le Centre de recherche en machines thermiques, c’est son nom développé.

Le rétrofit est une activité qu’il pratique depuis des dizaines d’années, mais le plus souvent de façon unitaire sur des engins et moteurs qui n’avaient pas besoin d’un nouveau cadre réglementaire. Avec la mise en place de ces zones à circulation restreinte, le CRMT s’intéresse désormais à la conversion en série de poids lourds. Ainsi avec les autocars. L’entreprise ne va pas pour autant abandonner ses activités habituelles. D’où cette question de Daniela Touzé : « Les bateaux qui entrent dans les ZFE sont-ils aussi concernés par les restrictions de circulation ? Nous travaillons sur ce sujet ».
 

Accélérer la transition énergétique

 Selon Marc Mercier, concernant plus particulièrement les véhicules commerciaux routiers, « l’offre en électrique reste peu abondante et est coûteuse en neuf ». C’est en évoquant les usages qu’il a placé comme énergie plus adaptée le bioGNV dans diverses situations. Ainsi pour transporter « des charges lourdes sur de grandes distances ». Mais aussi lorsque les véhicules embarquent des « process qui consomment de l’énergie », comme, par exemple, une grue de déchargement.

Le chargé de mission chez GRDF n’est cependant pas opposé au rétrofit électrique. Il trouve ce dernier adapté notamment pour les voitures particulières et les véhicules essence qui sont déjà nombreux à pouvoir évoluer dans les ZFE s’ils présentent derrière le pare-brise le papillon Crit’Air 1. Le Livre blanc du rétrofit bioGNV n’a pas été imaginé pour eux.
 
« En partant de 95 % de véhicule diesel, et avec un taux annuel de renouvellement de 5 %, il faudrait 20 ans pour décarboner tout le parc », a prévenu Marc Mercier. Selon lui, le phénomène pourrait même être encore allongé dans la durée : « Plus les normes sont compliquées et contraignantes, plus les véhicules sont coûteux. Ce surcoût pourrait ralentir le renouvellement ».

A l’inverse, le rétrofit bioGNV permettrait d’accélérer le mouvement de verdissement des flottes. C’est aussi l’avis de Daniela Touzé : « Le rétrofit coûte environ la moitié du prix d’un véhicule neuf équivalent. Ce qui permettrait de verdir les flottes deux fois plus rapidement ». A ce sujet, elle a indiqué que dans le cadre d’une étude de conversion, « il ne faut pas dissocier âge et kilométrage du véhicule. Un modèle déjà ancien mais peu kilométré peut être intéressant à rétrofiter. Ce qui ne sera peut-être le cas avec un autre très récent mais qui aura déjà beaucoup roulé ».
 

Les technologies

Techniquement, il est possible de faire rouler au GNV/bioGNV aussi bien un diesel qu’un véhicule essence. La technologie de ce dernier est plus adaptée et la conversion est en général plus facile. Toutefois les utilitaires et poids lourds sont massivement alimentés au gazole. Dans ce cas, le plus simple, mais aussi le plus coûteux, serait de remplacer le moteur diesel par un bloc conçu pour fonctionner au gaz naturel. Une autre solution plus légère consisterait à effectuer des modifications sur le moteur pour qu’il fonctionne intégralement avec ce carburant alternatif.

Ces 2 solutions sont cependant exclues du règlement R115 relatif à l’homologation des systèmes d’adaptation au GNC. A défaut, le code de la route l’autorise, mais sur avis favorable impératif du constructeur, nécessaire pour chaque modèle.

Sur les véhicules lourds mais pas les utilitaires, le R115 autorise l’ajout d’un kit Dual Fuel. Pour la longévité de la mécanique, et en ne décrochant que le Crit’Air 2, ceux de première génération fonctionnait à hauteur de 70 % avec du GNC, tout en conservant une part de 30 % de gazole. Cette dernière tombe à 5-10 % avec les intégrations de deuxième génération. Crit’Air 1 ou Crit’Air 2 avec elles ? A ce jour il n’y a pas encore eu de conversion de ce type soumise en préfecture. « Des kits sont en cours de développement. On pourrait s’attendre à ce que la conversion bénéficie du Crit’Air 1 », a indiqué Marc Mercier.
 

Projets de GRDF pour le rétrofit

« GRDF privilégie une conversion 100 % GNV pour une meilleure décarbonation et se passer des systèmes de dépollution post combustion. Toutefois les solutions Dual Fuel offrent une bonne performance environnementale », a précisé Marc Mercier. D’ailleurs son entreprise poursuit 2 projets qui montrent son ouverture. Le premier avec Faral et Lyptech pour une conversion Dual Fuel de deuxième génération sur un moteur diesel, et le second avec une entreprise lettone en rétrofit 100 % GNV.

Le gestionnaire de réseaux gaziers français travaille aussi à l’assouplissement du cadre règlementaire, pour que « soit autorisé dans le R115 la conversion de moteur diesel en 100 % GNV ». Il espère aboutir à « un arrêté national qui autorise le rétrofit GNV comme c’est le cas avec l’électrique ». Lors du webinaire, Marc Mercier a assuré : « Cette modification de la réglementation est aussi attendu par les constructeurs qui y voit la possibilité de diversifier leur activité et de maintenir le fonctionnement des chaînes de production dans un contexte de tensions sur les matières premières ».


 

Livre blanc du rétrofit bioGNV

GRDF n’est pas seul à vouloir la modification du R115. C’est un des points abordés dans le Livre blanc du rétrofit bioGNV. Ce document « identifie l’ensemble des problématiques à lever et propose des mesures qui permettraient de déployer la technologie ». Globalement, les acteurs intéressés par cette opération de conversion espèrent faire reconnaître le bioGNV dans les règlementations françaises et européennes qui entourent la décarbonation des transports. Ils souhaitent également la création d’un label « reconnaissant la démarche d’économie circulaire et vertueuse dans laquelle le rétrofit bioGNV s’inscrit ».

Marc Mercier a prévenu lors du webinaire qu’une filière devra se mettre en place, avec un besoin en débouchés. Le Livre blanc a aussi prévu ce point d’importance. Notamment à travers une incitation des commandes publiques ouvertes aux véhicules adaptés à l’alimentation bioGNV quand « les cas d’usage le permettent ». Derrière ce document, les membres de l’Otre, l’Organisation des transporteurs routiers européens qui est à l’origine de ce travail, comptent aussi sur « des dispositifs d’aides financières et d’accompagnement », comme c’est déjà le cas pour le rétrofit électrique à batterie et à l’hydrogène.
 

Quelques conversions du CRMT

Le CRMT a déjà transformé au bioGNV des moteurs diesel sur un tracteur agricole et une balayeuse municipale. Avec une pelle sur roues Caterpillar, il travaille sur l’alimentation en hydrogène du moteur thermique. Elle devrait être opérationnelle en 2024. Il peut aussi intégrer directement un moteur au gaz naturel déjà existant sur le marché. C’est ce que le centre a fait sur un camion frigorifique avec un groupe froid Carrier Transicold et sur un autocar Iveco Crossway Euro 5 qui a été reclassé Euro 6 à la suite de la conversion. Rebaptisé Ecol’Car, ce véhicule de transport scolaire peut ainsi évoluer dans les ZFE. L’engin se prêtait bien à la conversion. Déjà pour loger dans la soute à bagage peu exploitée les réservoirs pouvant contenir 90 kg de bioGNV, pour une autonomie de l’ordre de 300 km.

« Cet autocar a été homologué dans nos locaux en 2022 », a précisé Daniela Touzé. Le CRMT va poursuivre ce programme en convertissant cette fois-ci un autocar Euro 6 du même modèle. Il devrait ensuite être livré en nombre dans la région des Pays de la Loire. Le centre s’active actuellement aussi autour d’autres conversions pour des applications non routières, en alimentation au bioGNV ou à l’hydrogène.


 

Savoir-faire

« Pour bien faire du rétrofit, il faut d’abord comprendre le cas d’usage, par exemple en venant sur place pour comprendre concrètement ce qui se passe. Nous installons des appareils de mesure pour constater les émissions de polluants, les consommations et les parcours effectués. Dans les phases froides, le véhicule est davantage émetteur de polluants. Ces observations permettent d’effectuer les bons choix technologiques en répondant aux besoins en autonomie », a exposé Daniela Touzé. Après la transformation, « de nouvelles mesures sont effectuées pour quantifier les gains ».

Globalement, le CRMT préfère travailler avec les constructeurs : « C’est la situation idéale. Nous avons aussi réalisé pour eux des prototypes par rétrofit en première monte ». La chargée du développement commercial prévient : « Le rétrofit, c’est beaucoup plus qu’un véhicule et un moteur. Il faut aussi installer tous les éléments de sécurité et de surveillance. Ce qui nécessite des connaissances spécifiques autour des carburants, mais aussi du confort thermique. Ainsi que des compétences en intégration des systèmes et de codage que nous avons en interne. Il faut savoir interfacer des systèmes qui ne sont pas forcément prévus pour travailler ensemble ».
 

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