Pourquoi le rétrofit bioGNV doit se développer en France ?

Pourquoi le rétrofit bioGNV doit se développer en France ?
Illustration : autocar diesel rétrofité au biogaz par le CRMT
Dans le cadre du salon Drive to Zero qui s’est tenu à Paris début juin 2024, GRDF avait invité des représentants de France Mobilité Biogaz, l’OTRE, NextMove et Westport Fuel Systems à présenter les enjeux et avantages à rétrofiter au bioGNV les utilitaires légers et poids lourds.
 
Pour une bonne partie du grand public et nombre de professionnels, la décarbonation de la mobilité est et doit être électrique. Directrice des affaires publiques pour France Mobilité Biogaz, Selma Treboul a résumé une autre vision perçue de plus en plus comme davantage réaliste : « On ne pourra pas atteindre les objectifs qui nous sont fixés au niveau européen avec une solution unique. Ce sera déjà difficile en employant toutes les solutions vertueuses qui devraient participer à la décarbonation du transport ».
 
Elle faisait ainsi écho aux propos d’ouverture de Benoit Domingos, chargé de mission chez GRDF, et animateur de la conférence : « Chaque année, le parc automobile se renouvelle de 4 à 6 %. Nous en sommes actuellement à 18-22 % de véhicules électriques. Pour atteindre l’objectif de 2030 de 15 millions de tonnes de réduction de CO2, il va falloir beaucoup plus d’années ».
 
Directrice aux affaires techniques à l’environnement et à l’innovation pour l’OTRE - une organisation qui regroupe des professionnels du transport des marchandises et des personnes - Hélène Quevremont a abondé : « La trajectoire pour réduire les émissions est très ambitieuse, on ne peut pas de passer de solutions, il faut utiliser tous les leviers disponibles ».


 

Le rétrofit bioGNV, une solution parmi d’autres

En plus d’un mix énergétique, il y a une grande diversité de pistes à suivre, dont le rétrofit des moteurs essence et diesel pour rouler à moindre coût au bioGNV.
 
Le potentiel de conversion est loin d’être anecdotique. Pour exemple, Benoit Domingos a repris quelques chiffres de la Capeb. Selon cette organisation qui fédère 500 000 entreprises artisanales du bâtiment, représentant un parc de 800 000 utilitaires légers : « Il y a en France 6 millions de ces véhicules, dont 3 millions sont des 3,5 tonnes. Ils sont 70 % à pénétrer chaque jour dans les zones à faibles émissions, et 90 % à le faire plusieurs fois par mois ».

 
Alors que les PME et toutes petites entreprises concernées sont ressorties du Covid avec des lignes de crédit à zéro, « il faut vraiment trouver des solutions de décarbonation accessibles ».
 
Le rétrofit bioGNV, Hélène Quevremont le voit très utile pour les véhicules qui parcourent relativement peu de kilomètres à la journée : « Par exemple avec les camions de déménagement et les autocars de ramassage scolaire. La conjoncture économique est morose avec des volumes de transport en retrait. Proposer des solutions de décarbonation avec des coûts plutôt bas est une bonne alternative ».
 
Focus sur le potentiel du biométhane

Imaginer employer à une grande échelle le bioGNV nécessite d’abord de se poser une question fondamentale : Les sources qui permettent de produire ce carburant sont-elles suffisantes ? Un des arguments des détracteurs de cette solution est justement que les volumes seraient trop anecdotiques.
 
Le chargé de mission chez GRDF a donc aligné quelques chiffres très convaincants concernant l’énergie gaz : « Aujourd’hui globalement, on consomme 450 TWh au niveau français. Avec les efforts de sobriété énergétique et les transferts en hydrogène vert notamment dans le monde industriel, on peut réduire cette consommation à 320 TWh ». Et puis il y a le potentiel de production de biogaz : « Selon l’Ademe, la capacité à produire du biométhane en France est de 137 TWh disponibles tout de suite avec les déchets agricoles. Il va falloir monter pour cela des méthaniseurs ».

Il y a aussi d’autres technologies avec des potentiels également importants : entre 90 et 180 TWh pour la pyrogazéification à partir de déchets solides, 50 à 70 TWh avec la gazéification thermale. Sans compter la méthanation qui consiste à associer de l’hydrogène produit par électrolyse avec du CO2 fatal, « une techno sans doute trop chère pour qu’elle soit opérée pour la mobilité ».
 

Des transporteurs déjà convaincus

Les organisations qui regroupent les professionnels du transport des marchandises et des personnes ont souvent très tôt été ouvertes à l’emploi du GNV/bioGNV. Ainsi l’OTRE : « Selon nous, la décarbonation du transport routier, le verdissement des flottes, doivent s’appuyer sur un mix d’énergies adaptées aux différents usages. Le biogaz y a une place importante parce que c’est une solution mature déjà présente depuis des années, plébiscitée par les transporteurs et assez simple à mettre en œuvre ».
 
Hélène Quevremont a souligné quelques avantages du biogaz pour les poids lourds face à la solution avec batteries : « L’électrique n’a pas cette maturité qui ne pourra être atteinte qu’avec des subventions. Le biogaz permet de conserver la charge utile des véhicules, avec une bonne autonomie et un TCO comparable à celui du diesel ».
 
Concernant le rétrofit au bioGNV, « c’est une démarche doublement vertueuse qui s’inscrit dans une économie circulaire. On a une production de biogaz à partir de déchets organiques avec une transformation de la motorisation qui donne une seconde vie aux véhicules. Selon nous, pour le parc existant, le rétrofit est complémentaire à d’autres solutions ».
 

Aider à maintenir l’activité de la filière automobile

Les professionnels de l’automobile sont ouverts au rétrofit bioGNV. C’est ce qu’a expliqué Marc Charlet, directeur général du pôle de compétitivité NextMove, après une rapide présentation : « Animant la filière automobile sur l’Ile-de-France et la Normandie, nous fédérons 550 membres depuis des startups et PME jusqu’à de grands groupes industriels, des laboratoires et des territoires. En étant le bras opérationnel de la PFA sur notre zone, nous travaillons en mode collaboratif pour développer la filière de l’automobile et de la mobilité ».
 
Une « solution entre ne rien faire et le tout électrique »
 
A la suite de la signature d’un contrat stratégique début mai dernier, l’organisme auparavant connu sous la dénomination « Mov’eo » va participer à la décarbonation du parc roulant actuel : « C’est un véritable enjeu pour la filière qui doit trouver pour cela des solutions. Pour nos membres, nous travaillons sur les usages (covoiturage, autopartage, sensibilisation à l’éco-conduite) et les véhicules (éco-entretien, réduction des frottements pour les pneumatiques, et les nombreuses possibilités de rétrofit) ». Marc Charlet voit l’usage du bioGNV comme une « solution entre ne rien faire et le tout électrique ».

« Le rétrofit biogaz est intéressant, minimisant les contraintes et les coûts. C’est une solution qui peut être diffusée plus largement et amener rapidement un impact plus fort que l’électrique au niveau sanitaire et des émissions de CO2 ». Bénéficiant d’une forte expérience en motorisations thermiques, NextMove voit dans l’activité du rétrofit un moyen parmi d’autres pour maintenir l’activité et l’emploi dans les territoires concernant la réparation et la maintenance automobile.


 

Une solution concrète présentée par Westport Fuel Systems

Comme pour le GPL, une alimentation en GNV/bioGNV s’installe relativement facilement sur les moteurs essence. Mais les poids lourds et la très grande majorité des utilitaires légers fonctionnent avec des blocs diesel. Ces derniers peuvent également être convertis, moyennant un travail et des coûts plus importants. Sauf en s’arrêtant à la technologie dite « Dual Fuel » que propose l’équipementier Westport Fuel Systems.
 
« Nous sommes spécialisés dans les carburants gazeux comme le GPL, l’hydrogène et le GNV, aussi bien pour les véhicules légers que pour les poids lourds. Nous disposons d’un gros centre de développement et de production en Italie », a situé Nadège Leclercq, directrice du développement et des affaires publiques. Son entreprise propose ainsi un système qui « mélange le gazole avec du GNV. C’est la façon la plus simple et la plus immédiate de procéder avec les moteurs diesel. En France, elle n’est pas encore beaucoup déployée, mais elle l’est dans d’autres pays déjà, principalement sur des poids lourds ».
 
Pour quelques milliers d’euros, « un système fiable est ajouté, sans grosses modifications. Il s’inscrit dans la complémentarité et le besoin des transporteurs alors que l’offre des constructeurs est de plus en plus réduite en véhicule GNV. L’opération pourrait être réalisée à grande échelle, avec potentiellement l’ouverture d’un centre local au plus près des besoins ».
 
Westport Fuel Systems est en train de réaliser des tests ciblés pour calculer les gains sur les émissions de particules, d’oxydes d’azote et de CO2 : « Avec une approche ACV, l’empreinte carbone baiserait donc de 30-40 % en fonctionnant avec un mélange de 30-40 % de bioGNV ».
 

Mobilisation avec les pouvoirs publics

Représentant la filière du bioGNV, France Mobilité Biogaz se mobilise depuis deux ans pour le développement du rétrofit, notamment depuis le lancement des feuilles de route de la décarbonation par secteur : automobile, transport des marchandises et des voyageurs. « Dans celle de l’automobile, pour décarboner le parc existant, de l’ordre de 600 000 utilitaires légers pourraient être rétrofités au bioGNV. On s’était mobilisés pour que ça apparaisse dans les objectifs, repris dans le contrat stratégique de la filière automobile », a détaillé Selma Treboul.
 
Une mobilisation qui a perduré : « Les pouvoirs publics ont lancé des groupes visant à travailler dans le cadre des PPE sur un volet dédié à la stratégie de développement de la mobilité durable. L’ensemble des acteurs concernés ont été conviés à faire des propositions à l’administration sur comment ils l’envisagent et quelles solutions dans chacune des filières pour parvenir aux objectifs qu’on s’est fixés au niveau européen ».
 
Un travail de longue haleine : « Pour France Mobilité Biogaz, on était dans les réunions et on a travaillé pendant des semaines, voire des mois en soutenant le mix énergétique. Dans nos propositions, il y avait un gros volet sur le rétrofit bioGNV, car c’est une solution qui doit être retenue pour les avantages environnementaux et économiques qu’elle apporte ».
 

Une réglementation à simplifier

France Mobilité Biogaz espère une égalité de traitement avec le rétrofit électrique à batterie et l’hydrogène : « Leur cadre est différent, permettant d’obtenir des homologations de série sans avoir à demander l’avis du constructeur des véhicules. En outre les soutiens associés ne sont pas les mêmes. Nous demandons dans la feuille de route automobile à bénéficier des mêmes conditions pour le rétrofit bioGNV. Ce que nous voulons, c’est davantage d’équité, que nous exprimons dans une démarche réunissant de nombreux acteurs du secteur dont l’OTRE et Mobilians ».
 
La filière est allée frapper à une porte en haut lieu : « Nous nous sommes adressés directement à Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie de France. Nous lui avons envoyé notre livre blanc sur le rétrofit bioGNV. Nous avons reçu un retour très positif de sa part. Nous travaillons sans cesse avec les administrations et avons besoin du soutien du plus grand nombre d’acteurs ».
 
Le bioGNV a déjà connu une avancée : « Dans la dernière loi de finances, le bioGNV fera partie des carburants renouvelables exemptés de la taxe Tiruert pour les distributeurs ».

France Mobilité Biogaz
Anciennement AFGNV, France Mobilité Biogaz fédère les acteurs publics, économiques et industriels français pour accompagner le développement de l’usage carburant du gaz naturel et du biogaz en France.
Premium
GRDF
Acteur de référence du gaz, GRDF est convaincu des atouts économiques et écologiques du GNV (Gaz Naturel Véhicule) et en particulier de sa version 100 % renouvelable, le bioGNV
Envie de découvrir tous les acteurs de la mobilité gaz ? Retrouvez la liste de nos partenaires.
L'hebdo du GNV
Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez chaque semaine toutes les actualités du GNV et du biométhane
Partager cette page
Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

A lire également

Ajouter un commentaire