BioGNV : Et si la France s'opposait comme l'Allemagne à la fin du thermique ?

BioGNV : Et si la France s'opposait comme l'Allemagne à la fin du thermique ?
Ce n’est pas un secret, l’Union européenne veut la fin des ventes des poids lourds et véhicules légers thermiques au profit des modèles électriques à batterie et à pile hydrogène. Nombre de professionnels et de particuliers pensent qu’il s’agit là d’une grave erreur. L’Allemagne a clairement indiqué son désaccord, souhaitant la prise en compte des carburants de synthèse et du biodiesel pour décarboner au plus vite la mobilité. Pourquoi la France ne ferait-elle pas valoir à son tour l’importance du bioGNV ? Billet.
 
Comme la plupart des acteurs de la filière du bioGNV, Gaz Mobilité n’est pas contre l’électrique à batterie ou à pile hydrogène. Je roule moi-même en électrique depuis 2007. J’ai aussi roulé au gaz auparavant. Comme mon propre fils de 22 ans, j’aimerais bien convertir au gaz naturel une youngtimer, c’est-à-dire une voiture des années 1990. Ca, c’est ma carte de visite personnelle. Passons à la situation qui nous inquiète.

Ce qui est tout simplement choquant, c’est d’ignorer complètement l’intérêt du biogaz pour la mobilité et de ruiner les efforts réalisés par des transporteurs, constructeurs, entreprises en charge du développement des réseaux gaziers, syndicats de l’énergie et leurs SEM, élus, agriculteurs méthaniseurs, associations, médias, automobilistes particuliers pour développer ce carburant qui devrait au contraire être recherché pour soutenir la transition énergétique comme il pourrait le faire très vite et s’installer durablement dans les stations multi-énergies vertes.
 
Pour tous, l’impression que donne l’Union européenne se résume avec cette phrase : Cachez ces motorisations thermiques que nous ne saurions voir. Et pourtant, si, il faut bien y regarder de plus près.

 

Sur le terrain

Chez Gaz Mobilité, nous avons l’habitude de nous rendre sur le terrain. L’inquiétude est partout palpable. Les acteurs de la filière du bioGNV sentent parfaitement que cette année 2023 est celle où le sort du bioGNV se joue. Au-delà, les quelques constructeurs qui persévèrent dans les motorisations au gaz naturel pourraient bien jeter l’éponge. Et à propos des constructeurs, n’hésitons pas à mettre en avant le groupe Volkswagen qui continue sous plusieurs marques à distribuer des véhicules légers adaptés à ce carburant.
 
Cet effort est très apprécié et ressort systématiquement de nos rencontres et discussions avec les utilisateurs professionnels comme particuliers. La situation est pour l’instant un peu plus sécurisé du côté des poids lourds, avec notamment Scania, Iveco et Volvo. Les machines agricoles, protégées par les dérogations envisagées par l’Union européenne, comptent désormais New Holland comme constructeur de tracteurs GNV disponibles en France.


 

Une erreur qui pourrait coûter très cher

Le gouvernement fédéral allemand à l’habitude de défendre ses constructeurs en automobiles. Parfois même quand la cause n’est pas vraiment justifiée sous l’angle environnemental. On peut imaginer que cette nouvelle prise de position officielle est dictée au départ par la volonté de protéger l’industrie du pays.
 
Pour rappel, Volker Wissing, ministre fédéral allemand des Transports, a appelé la Commission européenne à permettre l’utilisation des carburants synthétiques et renouvelables pour atteindre les objectifs climatiques. C’est d’ailleurs plus un ultimatum qu’appel, puisque l’Allemagne ne compte pas accepter la fin pur et simple des moteurs thermiques telle que la propose l’UE, en l'occurrence 2035 pour les voitures particulières.

Depuis le début, nous pensons chez Gaz Mobilité que cette fin trop précipité et sans nuance est une erreur. Se débarrasser des carburants pétroliers, c’est nécessaire. Mais en persévérant dans la fin aveugle du thermique, l’Europe risque de se réveiller trop tard, devant un mur, après avoir cassé la filière la plus immédiatement apte à faire baisser les émissions de CO2 et de polluants.


 

Une Europe trop lointaine des territoires

Nous ne nous prononcerons pas sur les carburants synthétiques et les biocarburants en général, pour nous concentrer sur une filière dynamique portée en partie par les professionnels les plus immédiatement concernés que sont les transporteurs et agriculteurs méthaniseurs.
 
C’est tout de même bien la première fois dans l’histoire de la mobilité que ceux qui ont fait des efforts très importants pour la mobilité durable, devançant de plusieurs années l’appel national et européen pour la décarbonation, se retrouvent, et l’on ne peut pas dire autrement, sanctionnés dans une démarche validée d’une certaine façon à un moment donné par le pays et même l’UE.
 
Pensons à toutes ces subventions, ces labels dont le TEPCV (Territoires à énergie positive pour la croissance verte), ces projets pilotes, et ces programmes désormais transformés par des mises en service convaincantes.
 
Il y a aujourd’hui un sentiment de fracture entre l’Europe, le pays, et les territoires (régions et départements). Dans certains de ces derniers, on se sent de moins en moins européens. L’Europe apparaît trop lointaine, et à côté de certaines réalités qui ne sont pas prises en compte.
 

Défendre un joyau français au titre de la souveraineté énergétique

En permettant d’ouvrir des boucles d’économie solidaire également vertueuses pour l’environnement, le biogaz réuni 3 mondes dont les rôles respectifs s’équilibrent et sont essentiels pour la décarbonation de l’activité humaine : l’énergie, l’agriculture et la mobilité. Barrer cette dernière, c’est mettre en quelque sorte en danger les 2 autres.
 
La meilleure image de la mobilité, c’est bien celle de ces stations multi-énergies vertes qui commencent à se répandre en France, distribuant de l’électricité, de l’hydrogène, et du bioGNV. Entre ces 3 énergies, l’on ne doit pas voir une compétition, mais bien plutôt une offre plurielle pour des besoins diversifiés auxquels une seule ne répondra que très difficilement.
 
Le bioGNV doit être ressenti comme une véritable fierté nationale à partager entre les agriculteurs, les énergéticiens, les collectivités, les syndicats de l’énergie, les transporteurs, les automobilistes, les entreprises concernées, la population et le gouvernement. La France se doit de ne pas laisser tomber cette filière et de défendre cette voie devant l’Europe. C’est maintenant qu’elle doit agir !

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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1 Commentaire

  1. AlberiPublié le 07/03/2023 à 00:26

    Bravo !! Bravo !! Bravo !! Bravo !! Bravo !!
    Je plussoie le contenu de cette tribune.
    La mobilisation de certaines collectivités dans une dynamique locale avec les entreprises, les agriculteurs et les habitants de façon marginale a quelques similitudes côté mobilité, avec ce qui se passe côté alimentation avec les Amap, regroupant des particuliers, des producteurs et les collectivités (mise à disposition de locaux) dans une dynamique locale, là aussi.
    On ne doit pas jeter ces efforts pour une économie à dimension locale qui est souvent plus porteuse de liens, d’emploi et de richesses au risque d’une rupture entre les échelons de la société.

    L’article n’évoque pas le dogmatisme européen sur le critère du zéro émission du pot d’échappement. L’enjeu environnemental est global et c’est l’Analyse en Cycle de Vie [ACL] (de la construction du véhicule à sa fin de vie et son recyclage et destruction qu’il faut prendre en compte) comme critère significatif. Et sur ce critère, l’étude de Décembre 2020 de Carbone4 (bureau d’études créé par Jean-Marc Jancovici et Olivier Grandjean) montre un bilan GES (Gaz à Effet de Serre) meilleur pour le véhicule 100% bioGNV que pour le véhicule électrique (dans le mix français).
    Sauf à dire que l’UE a une vision étroite et que c’est le CO2 produit en Europe qui nous concerne et que le CO2 produit ailleurs pour chercher les matières premières de nos véhicules ne nous concerne pas.
    Le CO2, les NOx, les particules fines ont des conséquences sur la qualité de l’air, essentiellement en zone urbaine, mais ce sont les critères ZFE (Zone à faible émission) qui gère cela. L’Europe n’est pas uniquement constituée de zones urbaines.

    Raisonner en critère zéro émission, c’est faire le choix du 100% électrique.
    Raisonner en ACL, c’est ouvrir une pluralité de choix technologiques ("neutralité technologique"), dans une même perspective de réduction maximale du CO2 et des GES, permettant une adaptation aux différents besoins et contraintes de mobilité sans mettre certains secteurs dans l’impasse (poids lourds notamment), où l’électrique et l’hydrogène ont toute leur place, mais d’autres possibilités doivent pouvoir être envisagées aussi comme le bioGNV.

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