GNV : une filière qui innove tous azimuts

GNV : une filière qui innove tous azimuts
Au cours d’un webinaire organisé le 6 avril 2021, Enea Consulting a livré les fruits d’une année de veille sur les innovations technologiques mondiales autour du GNV. Le cabinet de conseil indépendant en stratégie a pour cela épluché les publications scientifiques, conférences de presse, dépôts de brevet, etc. En bref, tous les documents qui témoignent à quel point la filière, déjà mature, est dynamique.
 
Timothé Husser, consultant pour le cabinet de conseil, a démarré la conférence numérique par quelques points utiles à rappeler. Le secteur des transports est responsable de 40% des émissions liées à la consommation d’énergie (8% pour les utilitaires + 9% pour les poids lourds + 23% pour les autres véhicules). Engins très majoritairement rencontrés aux pompes de stations GNV, les poids lourds représentent 22% des rejets de gaz à effet de serre du transport routier mais seulement 5% du parc des véhicules. A échéance 2030, par rapport aux chiffres de 2005, l’impact carbone doit baisser de 28% dans les transports, tandis que les volumes d’oxydes d’azote et de particules très fines (PM2,5) liés aux activités humaines doivent être réduites de respectivement de 69 et 57%.
 

Le GNV mature pour la mobilité durable

Face à l’essence et au diesel, l’emploi du biogaz est aujourd’hui la seule solution mature qui permette à la fois de répondre aux exigences environnementales et de santé publique, tout en offrant des temps de ravitaillement relativement courts en énergie et une autonomie satisfaisante. D’où la nécessité de poursuivre les travaux de recherche et développement sur les moteurs thermiques.
 
Le secteur des transports a déjà amorcé son virage vers le GNV, avec une progression annuelle moyenne des poids lourds de 53% depuis 2014. Le taux est même de 160% ces dernières années pour les camions de marchandises, contre 40% pour les bus. En 2019, 1,5 TWh de GNC a été délivré par les stations (dont 16,5% de bioGNV) alimenté par le réseau, et 0,6 TWh de GNL.
 
5 briques technologiques en amélioration continue
 
Enea Consulting a identifié 5 briques technologiques (Carburant, Motorisation, Post-traitement, Réservoirs et Stations) sur lesquelles portent les travaux d’améliorations à court (dans l’année), moyen (2025) et long (2030) termes.
 
Sans entrer dans le détail des nombreux développements en cours, la brique des carburants évolue vers une part de plus en plus importante de biogaz dans les stations GNV. Et ce, en diversifiant les sources pérennes et en améliorant la compétitivité face au gaz naturel fossile.
 
Les travaux à brève échéance portent toujours sur la méthanisation des déchets. De nouvelles sources de biogaz s’ajouteront ensuite, d’abord via pyrogazéification (les déchets sont portés à plus de 1.000 degrés en présence d’une faible quantité d’oxygène), puis en provenance des architectures Power-to-Gas (méthane de synthèse obtenu en combinant de l’hydrogène vert issu de l’électrolyse de l’eau avec du CO2 via le processus de méthanation).
 

Motorisations

Les travaux portant sur les moteurs GNV visent à diminuer la consommation de gaz. En raison d’une très grande proximité avec les blocs essence, un bon nombre des progrès obtenus pour ces derniers profiteraient directement aux motorisations GNV. Quitte à y ajouter quelques études supplémentaires d’intégration et de prolongement.
 
Première en Europe : le ministère des transports italiens a homologué un kit permettant de convertir une voiture hybride essence en hybride GNC. Développé par Ecomotive Solutions, cet équipement, commercialisé à environ 5.000 euros, permet de faire baisser de 24% les émissions de CO2 des moteurs à injection directe et indirecte.
 
Filiale de Volkswagen, la société d’ingénierie allemande IAV a développé la Metamax (photo ci-dessous), une voiture hybride GNV à grande autonomie et performante aux niveaux technologique et environnemental.
 
Afin d’améliorer le rendement d’un moteur alimenté au GNC, le CMT-Motores Térmicos de l’université polytechnique de Valence (Espagne) a intégré une préchambre d’allumage qui permet de gagner en efficacité de 5%.
 
En Californie, Transient Plasma Systems a relevé le défi de faire fonctionner un moteur se série en combustion mélange pauvre. Et ce, en le couplant, sans modification coûteuse, avec un système d’allumage par plasma pulsé.

 

Post-traitement

Afin de diminuer les émissions de polluants à l’échappement, une autre possibilité est d’optimiser les procédés de post-traitement. Plusieurs pistes sont suivies autour des pots catalytiques. Les motorisations fonctionnant au GNV vont d’abord profiter de travaux poursuivis pour les blocs essence et/ou diesel. Tout d’abord par l’exploitation d’un brevet déposé en 2020 par l’entreprise chimique britannique Johnson Matthey portant sur l’optimisation de la catalyse des oxydes d’azote en combustion pauvre.
 
Mis au point pour les moteurs essence, la découverte est transposable à ceux développés pour le GNV. Elle porte sur l’ajout d’un injecteur de NH3 et d’un filtre à particule qui va générer du NO2. Cette astuce permet d’optimiser le ratio NO2/NOx qui rend plus efficace la réduction catalytique sélective.
 
De son côté, le centre de R&D suisse FPT Motorenforschung AG s’est intéressé à la désactivation de la catalyse du méthane résiduel et a développé des systèmes de contrôle et de gestion du problème.
 

Les développements spécifiques au GNV/méthane

Enfin, 3 entreprises ont déposé des brevets pour des catalyseurs capables de traiter le CH4 imbrûlé. Ainsi le canadien CanmetEnergie qui a trouvé une formule de catalyseur au palladium, et BASF (qui propose un pot catalytique 3 voies (rhodium, palladium, platine) prenant en charge ce gaz.

On retrouve Johnson Matthey qui a travaillé sur un système de traitement pour moteurs GNC en combustion pauvre employant un nouveau matériau (tamis moléculaire type zéolite + métal groupe platine). Un piège à soufre est placé en amont. La catalyse est également améliorée sur la plage basse de température des gaz.
 

Réservoirs

Afin de gagner en autonomie, les réservoirs des véhicules GNV font également l’objet de recherches. Il s’agit d’optimiser le rapport encombrement/poids/coûts. A ce sujet, Iveco a suivi 2 pistes spécifiques au GNL. Tout d’abord en récupérant dans un second contenant le gaz auparavant relâché dans l’air lorsque que la pression montait trop haut dans le réservoir principal. Cette part est ainsi ensuite consommée.
 
Deuxième piste, l’ajout d’un réchauffeur électrique pour maintenir la pression dans les réservoirs de gaz naturel liquéfié. L’intégration de ce système améliore les conditions d’utilisation de ce carburant tout en permettant d’abaisser le prix des réservoirs.
 
Le groupe industriel français Plastic Omnium est également parti dans 2 directions. Déjà en mettant au point des capteurs très précis, même à basse pression, qui parviennent à mieux évaluer la quantité réelle de gaz dans les réservoirs, même lorsqu’il en reste peu. Ce qui évite d’effectuer des détours précoces pour effectuer un plein. Sa seconde contribution s’inscrit dans le cadre du projet H2020 et a permis de réduire de 10% le poids des réservoirs et de 20% les coûts de production en employant des polymères recouverts d’un ruban en composite carbone/epoxy.
 
De son côté, Faber Industries reste sur l’acier pour les réservoirs, mais avec un nouveau process de modelage dont le bénéfice principal est la réduction de poids du contenant vide à 0,84 kg par litre, contre 1 kg jusque-là.
 

Détail de la solution Ozinga/Ingevity

Ozinga Energy fournit aux entreprises américaines des offres pour des flottes de véhicules GNV. Avec Ingevity, elle a mis au point une solution d’adsorption pour conserver le gaz naturel à température ambiante et à une pression de 60 bars.
 
Testé sur un pickup, les réservoirs contiennent des monolithes de charbon actifs. Ces derniers forment un matériau adsorbant très poreux qui permet toutefois un stockage dense des molécules de méthane. Les bénéfices sont multiples. Tout d’abord la possibilité de concevoir des réservoirs de formes très diverses qui s’intégreront plus parfaitement aux châssis.
 
Grâce à une pression moindre, des économies sont réalisées en énergie à divers niveaux, en particulier lors de l’avitaillement en GNV. Les molécules sont libérées pour alimenter le moteur via une dépressurisation contrôlée. Cette découverte est particulièrement intéressante pour les véhicules légers dont l’avitaillement pourra être possible à vitesse lente à domicile ou en dépôt pour des flottes. Ingevity a mis en service une première station dédiée.
 

Des stations qui innovent également

Toujours au niveau des stations, les progrès réalisés ou à venir visent à augmenter l’efficacité énergétique, réduire les émissions de méthane dans l’air, ainsi qu’à améliorer l’expérience des utilisateurs. Il s’agit déjà de développer des maillages plus denses. C’est une condition incontournable pour rendre attractive au plus grand nombre la mobilité au gaz naturel. Pour débloquer un peu la situation, Cryostar propose des stations mobiles à implanter rapidement et capables d’assurer jusqu’à 75 avitaillements par jour. En France, Tankyou dépanne sur place en GNC les véhicules immobilisés à cause d’une panne sèche.
 
Parfois, l’ouverture d’une station GNL se heurte aux craintes des riverains et à des terrains disponibles trop petits. Pour dépasser ces 2 points de blocage, le groupe HAM se distingue en pouvant enterrer ses cuves de gaz naturel liquéfié. Enfin, Engie a travaillé sur la question de l’évaporation de gaz lors des retours vers la station consécutifs aux systèmes limitant la pression dans les réservoirs des véhicules. Sa solution anti-BOG (Boil-off Gaz) s’appuie sur l’intégration d’un échangeur thermique et d’un stockage tampon.

 
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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