Règlement européen CO2 et bioGNV : que retenir du webinaire de l'AFGNV ?

Règlement européen CO2 et bioGNV : que retenir du webinaire de l'AFGNV ?
Autocentrée sur l’électrique et l’hydrogène, la Commission européenne ne montre toujours pas une ouverture pour inclure le bioGNV dans les énergies alternatives permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds. C’est pourquoi l’AFGNV a animé ce mardi 13 juin 2023 un webinaire montrant pourquoi cette position doit et peut encore évoluer.
 
Dans son introduction à la conférence, Erwan Cotard, président de l’AFGNV, a rappelé qu’en France, le secteur des transports est responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre. Avec toujours une augmentation des volumes d’une année à l’autre. Ouvert au développement de nouvelles pistes pour se passer des produits pétroliers, il n’est pas d’accord pour que les solutions existantes et matures soient oubliées.
 
Les conséquences pourraient être particulièrement désastreuses : « Devant les incertitudes, des acteurs du transport pourraient bien faire le choix de pousser au maximum leurs modèles diesel ».
 
Avec une part qui ne fait que croître, et parce que les ressources en biométhane sont suffisantes, le bioGNV pourrait représenter 100 % des ventes de GNV en France d’ici 10 ans, avec une étape à 50 % en 2025. Pour rappel la proportion de biogaz dans le GNV n’était que de 13 % en 2021, puis 26 % l’année suivante.


 

Il n’est pas trop tard

Les avantages à rouler au bioGNV sont connus, très divers, et parfois imbriqués. Au niveau des émissions par exemple, on peut compter sur une quasi disparition des particules. En matière de CO2, en tenant compte du cycle de vie complet, le gain est de 80 % et plus par rapport au gazole. Ce carburant joue également en faveur de l’emploi mais aussi de la souveraineté économique du pays et des régions.
 
Loin d’être exhaustive, celle liste explique déjà pourquoi le nombre de véhicules fonctionnant au GNV reste en progression. Dans son nouveau panorama portant sur l’année 2022, l’AFGNV souligne une hausse de 44 % en 2 ans des poids lourds. Après 3 680 nouvelles immatriculations depuis le 1er janvier 2022, le parc français comptait fin février 2023 exactement 34 243 véhicules GNV/bioGNV, dont 60 % de poids lourds. « Chaque semaine, 2 nouvelles stations GNV publiques ou privées sont ouvertes dans notre pays » chiffre Erwan Cotard.
 
Avec comme gros point d’alerte le zéro émission proposé par la Commission européenne pour les bus dès 2030, le président de l’AFGNV assure qu’il est encore possible d’influer sur la proposition européenne en matière de règlement des émissions CO2 des poids lourds.
 

Le cas de la métropole de Grenoble

Vice-président de Grenoble Alpes Métropole, chargé de l’air, de l’énergie et du climat, Pierre Verri est un hardi défenseur de la mobilité au GNV/bioGNV. C’est sur son territoire qu’a été mise en place la première ZFE.
 
C’était en 2019, ciblant les poids lourds et les utilitaires : « Nous avons remarqué une amélioration sensible de la qualité de l’air. En 2021 et 2022, nous sommes ainsi descendus en dessous du seuil imposé par l’Europe ».
 
Le territoire est pourtant particulier animé par les poids lourds qui le traversent, non seulement en raison de son dynamisme économique, mais aussi pour rejoindre d’autres pays, comme la Suisse et l’Italie. Avec une orientation précoce vers la mobilité au GNV/bioGNV, la métropole pousse au développement de la méthanisation. Ainsi, par exemple, avec la station d’épuration Aquapôle, capable de fournir 22 GWh de biométhane à l’année. « Nous avons 6 projets de méthanisation sur le territoire », a ajouté Pierre Verri.

 

Une collectivité exemplaire

Grenoble Alpes Métropole exploite 22 véhicules utilitaires et poids lourds fonctionnant avec un gaz dont la part de bioGNV atteint déjà 82 %. S’y ajoutent les 47 bennes à ordures ménagères et les 130 bus de la Smmag.
 
Pour le vice-président de la collectivité, il est clair que les bus électriques ne sont pas en mesure de remplacer les modèles diesel : « Avec une autonomie moindre, il nous faudrait davantage de véhicules. Les tarifs des modèles au GNV sont quasiment similaires à ceux des diesel ».
 
Ne voyant pour l’instant dans l’hydrogène qu’une niche fonctionnant avec des énergies fossiles, il s’est montré très convaincant lors du webinaire de l’AFGNV : « Il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. La commission européenne doit revoir sa copie » avertit-il. En attendant, la métropole avance ses pions, venant d’être distinguée « Territoire engagé gaz vert » par GRDF.


 

De l’autre côté, la Bretagne

Transition parfaite pour nous rendre à l’autre bout de la France, en Bretagne, également reconnue « Territoire engagé gaz vert ». Président du SDE22, le syndicat de l’énergie des Côtes-d’Armor, Dominique Ramard portait aussi mardi 13 juin les caquettes de président de la SEM Energies 22 et de vice-président de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies).
 
Il illustrait ainsi parfaitement la nécessité d’une mobilisation à tous les étages pour l’avenir du bioGNV. Parmi les points qu’il a voulu mettre en avant, les lourds investissements mobilisés pour étendre et adapter le réseau de gaz. Notamment pour servir les nouveaux projets de méthanisation. Ainsi celui qui, conformément à la réglementation sur les biodéchets qui va entrer en vigueur au 1er janvier 2024, permettra d’injecter 150 à 200 Nm3 de biogaz par heure avec les collectes effectuées sur les territoires de Lannion et Guingamp.
 
Avec actuellement 7 % de biogaz dans le réseau, le seuil de 10 % devrait être atteint d’ici 2025. « Nous espérons même parvenir à 100 % en 2030 », a annoncé Dominique Ramard.

 
« Tout le monde croit en la mobilité GNV »
 
Pour lui, la notion de « travailler l’économie circulaire locale » est très importante. Sur les 305 stations publiques qui délivrent du GNV/bioGNV dans l’Hexagone, 11 sont en Bretagne : « Trois supplémentaires seront mises en service cette année ou au début 2024. A terme, 27 ou 28 établissements mailleront la région ».
 
Avec sans doute à l’esprit le gaspillage qui résulterait de l’entêtement de la Commission européenne à fermer la porte au bioGNV pour les poids lourds, il a rappelé l’enveloppe nécessaire pour construire une nouvelle station : « entre 1,5 et 1,8 millions d’euros ».
 
En espérant des exploitations multiples, l’élu breton a souligné qu’à Saint-Brieuc, par exemple, les bennes à ordures fonctionnent déjà au GNV : « Concernant les bus, un plan prévoit l’achat de 3 nouveaux exemplaires GNV par an ».
 
Dans les Côtes-d’Armor, le schéma directeur des mobilités s’est très tôt ouvert à la diversité des énergies, sans se focaliser sur l’électrique. Dominique Ramard résume : « Nous voulons relocaliser la mobilité et la production d’énergie » ; « Tout le monde croit à la mobilité GNV/bioGNV sur notre territoire ».


 

Transport de voyageurs : tout miser sur l’électrique est irréaliste

Après les territoires, c’est aux fédérations des transports que la parole a été donnée. Ainsi, concernant ceux des personnes, à Ingrid Mareschal, déléguée générale de la FNTV (Fédération Nationale des Transports de Voyageurs). En 2022, 97,6 % des 66 596 autocars fonctionnaient au gazole, soit 65 208 unités. Contre 69 exemplaires électriques (0,1 %), mais 1 247 au GNV/bioGNV (1,9 %).
 
« Les collectivités s’appuient beaucoup sur les circuits courts. Le mix énergétique est très important, en particulier pour des besoins d’autonomie. Depuis 5 ans, nous notons une accélération pour le GNV, plus importante encore depuis 2 ans, avec 2 000 autocars recensés ».



En 2022, 14 % des nouveaux véhicules de ce type immatriculés étaient en alimentation GNV. Comme quasiment tous les intervenants du webinaire, elle a souligné : « Le GNV est la solution qui, en matière de coûts et de conditions d’exploitation est la plus proche de nos usages ».

La déléguée générale de la FNTV a toutefois noté un ralentissement de l’élan vers le GNV pour diverses raisons, et en particulier l’absence de soutien de l’Etat. Pour elle, « tout miser sur l’électrique concernant les autocars est dangereux et irréaliste. Même à long terme nous aurons besoin des motorisations thermiques ».
 

Transport de marchandises : l’Otre prend position

L’Otre, l’organisation des transporteurs routiers européens, est plus particulièrement teintée fret. Pour la représenter, Jean-Marc Rivera, directeur général délégué. Comme Ingrid Mareschal, il sait que la raréfaction des commandes pour des modèles fonctionnant au GNV risque d’entraîner les constructeurs à arrêter leur production. Iveco et Scania se distinguent en voulant encore y croire et en conservant la capacité de produire de tels poids lourds.
 
Le DG délégué a rappelé qu’en 2018, alors que les transporteurs savaient qu’ils devraient adopter des modèles plus vertueux pour l’environnement, il n’y avait pas de visibilité précise sur les choix à effectuer.



 
Fruit d’une réflexion commune, cette orientation vers l’alternative gaz perçue comme la plus réaliste : « C’est la filière la plus en place, avec un véritable programme de développement des stations, une vraie visibilité, un écosystème pour produire et distribuer le carburant ».
 
Le tout électrique, Jean-Marc Rivera n’y croit pas, pour une raison toute simple et imparable : « Il n’y a aucune programmation pour le développement des infrastructures dans les dépôts et en itinérance. Il y a un total décalage entre la projection des constructeurs et la possibilité de faire circuler les véhicules. On ne peut pas construire la transition énergétique sur la seule vision des constructeurs ».
 

Rejoindre l’Italie

Avec 400 000 véhicules fonctionnant au GNV, l’Italie se sent un peu seule à défendre devant la Commission européenne le cas de cette alternative aux carburants pétroliers. La France ferait bien de rejoindre au plus vite notre voisin dans son combat. Et ce, afin que le bioGNV occupe la même place que l’électrique et l’hydrogène pour décarboner le secteur des transports. C’est pourquoi toute initiative pour interpeler les parlementaires européens en ce sens est importante.
 
Le premier cadenas à faire sauter est celui des autobus pour lesquels le zéro émission est demandé à échéance 2030. Ce qui passe très certainement par une autre vision des évaluations : ne pas se contenter des émissions derrière le véhicule, mais s’intéresser à l’analyse du cycle de vie.
 

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Philippe SCHWOERER Philippe SCHWOERER
Journaliste
Très tôt sensibilisé aux économies d'énergie, Philippe défend une mobilité durable plurielle à travers ses articles publiés dans plusieurs médias en ligne.

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2 Commentaires

  1. AlberiPublié le 14/06/2023 à 07:59

    Prises de positions fortes pour le bioGNV dans le secteur des poids lourds et du transports en commun.
    Les arguments concernant l’Analyse en Cycle de Vie, la relocalisation de l’énergie et de la mobilité, l’emploi sont aussi valables pour les véhicules légers !
    Si l’AFGNV avait livré bataille au moment de la réglementation pour les véhicules légers, nous n’en serions sans doute pas là, car les éléments gagnés à ce moment-là, seraient acquis sur la question des poids lourds. Et pour cette même raison, il faut continuer à se mobiliser aussi sur la question des véhicules légers ! Malheureusement l’AFGNV ne le fait pas, probablement pour des questions de conflits d’intérêt de la part de ses membres constructeurs...
    En juin 2024, il y a les élections européennes, pourquoi ne pas demander à chaque liste candidate ne prendre position sur cette question du bioGNV dans la mobilité et leur engagement sur les textes européens à modifier et à adapter ?

  2. ErwannPublié le 14/06/2023 à 14:52

    Bonjour. En tant que particulier je voudrais juste témoigner de mon parcours du combattant pour acquérir une voiture au Bio GNV. Je travaille dans la filière biométhane et souhaiterais logiquement rouler au biométhane. Le week-end dernier c’était portes ouvertes chez tous les constructeurs de voiture. En faisant le tour ils m’ont tous indiqué qu’ils ne proposent plus de voiture équipées GNV, même d’usine. Ils ne jurent que par le diesel et l’essence, plus que l’électrique. Quand on leur parle de 2035 ils rigolent. Au final j’ai une solution: acheter une voiture GPL et la rétrofiter au GNV, sauf que même dans ce cas je suis pénalisé puisque je perdrais la garantie véhicule attribuée avec le GPL. Grosse grosse galère

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